Dans le jardin de Dianne Duquet, fleurs et légumes poussent jusque dans les moindres recoins. À peine la voiture garée, on remarque même des pousses de roquette qui colonisent les fissures du bitume ! « C’est né d’une erreur [des graines échappées au printemps], mais comme ça fait plaisir à Charles-Antoine quand il vient ici, j’en sème maintenant chaque année. »
Charles-Antoine, c’est Charles-Antoine Crête, chef et propriétaire du Montréal Plaza, l’un des restaurateurs montréalais à qui elle livre, chaque jeudi, ses trésors minutieusement cueillis, nettoyés et emballés.
En 1999, lorsqu’elle est arrivée à Dunham, en Montérégie, l’ex-citadine ne pensait pas faire de jardin. C’est son ami Normand Laprise — chef-propriétaire du restaurant Toqué ! — qui l’en a convaincue. « Au début, je lui fournissais quelques légumes et des fines herbes, mais je ne voyais pas en quoi mes navets étaient meilleurs que ceux d’un autre maraîcher », raconte celle qui a appris le jardinage en observant sa grand-mère. « Je me suis donc dit que, si je voulais continuer, je devais proposer quelque chose que personne n’offrait. »
Son jardin, qui s’étend au pied d’une colline, à l’orée d’une forêt, trouve alors sa vocation principale : les fleurs comestibles. Les unes sont sauvages (comme l’angélique, le tussilage, le trèfle et l’hémérocalle), les autres de jardin (comme le bégonia, le calendula et l’hosta), tandis que certaines proviennent de légumes et de fines herbes, comme la fleur de carotte ou la fleur de fenouil bronze.
« On voit rarement la fleur de carotte, parce que la plante n’en produit qu’à sa deuxième année de vie », explique l’horticultrice, entourée d’ouvrages de botanique avec lesquels elle parvient encore à identifier de nouvelles variétés sur sa terre de 1,6 hectare. Qu’elles soient rares ou communes a peu d’importance à ses yeux. « Je cultive certaines fleurs précieuses, mais j’aime aussi découvrir ce qui pousse dans les champs, en bordure des routes. »
Dianne Duquet me tend une fleur d’un mauve éclatant. « C’est de la sauge noire. Je l’ai cultivée pendant des années sans en goûter la fleur. Maintenant, tout le monde en veut ! » Les yeux fermés, alors que je savoure le nectar de cette fleur, qui a un goût de miel, je me plais à rêver au retour des beaux jours, pour arpenter les bords de chemin… sur la pointe des pieds !
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Des hémérocalles dans votre assiette
Communes et faciles à repérer, les hémérocalles sont idéales pour s’initier à la récolte de plantes comestibles. « Les pétales et les boutons floraux ont un goût poivré, précise Dianne Duquet, tandis que les jeunes pousses rappellent les poireaux à la moutarde. On peut récolter ces dernières dès les premiers jours du printemps, en prenant soin de couper la partie blanche des feuilles, plus tendre et située sous la terre. » Les fleurs des cultivars horticoles sont plus fermes et parfois plus fibreuses que celles de l’hémérocalle fauve, la variété sauvage. Et bien que toutes soient comestibles, l’horticultrice rappelle qu’il vaut mieux les consommer en petite quantité et les introduire dans son alimentation de façon progressive, parce que des allergies sont possibles.
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Précieux ail des bois
L’ail des bois fait partie de la liste des espèces vulnérables du Québec. La cueillette annuelle de cette plante, qui prend de 7 à 10 ans pour se reproduire, est donc limitée à 50 bulbes par personne. Afin de minimiser l’incidence de la récolte, Andrée Nault, conseillère scientifique au Biodôme de Montréal, propose aussi d’observer ces quelques règles :
1. Le poids du bulbe augmente au fil des semaines. Cueillir en fin de saison permet donc de récolter un même volume d’ail avec moins de plants.
2. Optez pour de petits outils, grâce auxquels il est possible de prélever un plant à la fois. Comme l’ail des bois pousse en bouquets, la récolte d’un plant ici et là permet au reste du bouquet de poursuivre sa division végétative et sa croissance.
3. Contrairement à la cueillette du bulbe, qui entraîne la mort du plant, la récolte des feuilles ne fait que ralentir sa croissance. Ces dernières possèdent le même goût alliacé et sont délicieuses dans les sautés et en lactofermentation, façon kimchi.
4. Vers la mi-septembre, on peut récolter les graines des fleurs, puis les conserver au réfrigérateur tout l’hiver et les semer au printemps. La rubrique du programme SEM’AIL, sur le site d’Espace pour la vie, explique en détail comment procéder.
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Vins de printemps
DOMAINE ST-JACQUES
Rosé 2017
À Saint-Jacques-le-Mineur, en Montérégie, la famille Du Temple-Quirion élabore des vins de qualité impeccable. Le vignoble compte maintenant quelques cépages vinifera et une base d’hybrides, comme le lucy kuhlmann et le maréchal foch, dont ils tirent un très bon rosé de couleur pâle, relevé de parfums délicats de petits fruits rouges et dépourvu de sucre résiduel. À ce prix, on voudra en faire provision pour la saison. (11427544 ; 15,45 $)
DOMAINE DU NIVAL
Les Entêtés 2017
Matthieu et Denis Beauchemin ont fait le pari audacieux de planter du pinot noir dans leur vignoble de Saint-Louis, en bordure de la rivière Yamaska, à mi-chemin de Sorel et de Saint-Hyacinthe. Maintenant âgées de cinq ans, les vignes de ce cépage bourguignon donnent un vin rouge fin, tout léger et pourtant savoureux. La cerise côtoie les notes terreuses propres au pinot, et le vin, peu tannique, procure un plaisir certain par ses saveurs franches et sa finale saline. (30 $, taxes incluses)
Ces petits imprévus 2017
Une expression originale du cépage vidal, vinifié en pétillant naturel. Vif et léger comme tout (10,7 % d’alcool), ponctué de notes de poire et de citron, avec une finale saline qui ouvre l’appétit. Le vin parfait pour accompagner le repas de la fête des Mères. (28 $, taxes incluses)
Les deux vins du Domaine du Nival seront mis en vente en mai et en juin, mais les bouteilles s’envolent souvent très vite. Pour réserver, visitez la boutique en ligne, à nival.ca, dès la mi-avril.
Cet article a été publié dans le numéro de mai 2018 de L’actualité.