Terminés, l’Europe en 10 jours, les « bucket lists » et les immenses bateaux de croisière ? Seul l’avenir nous le dira. Mais la journaliste spécialisée en tourisme Carolyne Parent tente de prédire celui-ci avec son récent ouvrage Un monde à voir. Tout en proposant 100 expériences vécues aux quatre coins du monde, elle songe au sens que devraient prendre nos prochaines virées, qu’elles soient à 100 ou 10 000 km de chez nous. Voici quelques-unes de ses pistes de réflexion.
Comment bien choisir sa première destination voyage postpandémie ?
J’aurais tendance à choisir des destinations qui ont bien géré la pandémie et où une bonne partie de la population est vaccinée. On voudra certainement aussi, dans un premier temps, éviter les situations de promiscuité, les grandes villes. On aura peut-être plus envie de faire des voyages qui combinent la ville et l’arrière-pays.
Comme il y a saturation touristique à bien des endroits sur la planète, choisir des villes moins peuplées peut aussi s’avérer une bonne solution. Par exemple, atterrir à Paris et prendre un train pour Lyon ou pour Marseille, des villes qui sont extraordinaires et qu’on visite un peu moins d’emblée.
On est portés à aller vers les icônes touristiques, les grands parcs nationaux, les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. On s’y rend pour les admirer, pour les apprécier, mais on finit par contribuer à leur dégradation. Je ne dis pas qu’il faut les éviter, mais peut-être y rester moins longtemps.
Une fois les restrictions levées, devrions-nous continuer de préférer le tourisme local au tourisme international ?
C’est fantastique qu’on ait eu ce réflexe d’aller explorer nos propres espaces. On est devenus des touristes chez nous par la force des choses et on a certainement découvert des coins de pays qu’on ne connaissait pas. La Sépaq a connu des taux de fréquentation historiques en 2020.

La société d’État Destination Canada, qui a pour mission de promouvoir le voyage au pays, affirme par ailleurs que si les Canadiens accordaient les deux tiers de leurs dépenses prévues pour leurs voyages extérieurs aux voyages intérieurs, cela permettrait de devancer la relance économique d’un an, de sauver 150 000 emplois et d’engranger 19 milliards de dollars. On ne voyage pas que pour sauver l’économie de son pays et de sa province, mais ça pourrait être une stratégie personnelle que de dire : oui, je vais faire de grands voyages à l’étranger, mais je vais aussi continuer à aller à la découverte de ma propre arrière-cour.
Le transport aérien, ça reste le nerf de la guerre dans une optique de voyage durable. On peut apporter notre contribution en réduisant la taille de nos valises. La compagnie aérienne Virgin Atlantic a calculé que si tous ses passagers allégeaient d’un seul kilo leurs bagages, elle émettrait 4 000 tonnes de gaz à effet de serre de moins annuellement. Ce n’est pas vrai qu’on a besoin de 22 kilos de bagages pour une semaine dans le Sud ou trois semaines en Europe, même lorsque c’est permis.
Si on est conscientisés, on va aussi être prêts à dépenser plus pour avoir un vol direct plutôt que de passer par trois correspondances, on va être plus enclins à acheter des crédits carbone et à utiliser les transports en commun, comme le train, à destination.
Une fois la destination choisie vient le temps de planifier l’hébergement. Quels sont les meilleurs critères pour choisir son toit ?
Autant ça paraît simple avec Internet, autant c’est compliqué. On ne sait pas trop à quel saint se vouer sur le plan des recommandations. Je préfère les endroits locaux, tenus par des gens du lieu que je visite. Aussi, je tente de me tenir loin des grandes plateformes d’hébergement.
J’adore les bed and breakfast, ça me permet d’entrer en contact avec les aubergistes et d’autres voyageurs. Il y a également une pléthore de nouvelles auberges de jeunesse, pour les jeunes et les moins jeunes, dont la chaîne Generator, présente surtout en Europe. Il s’agit d’auberges mixtes, avec des dortoirs et des chambres privées. C’est plus abordable que le gros hôtel et plus durable que les appartements d’Airbnb, qui contribuent à dénaturer des quartiers entiers. Cette plateforme est partie d’une super bonne idée d’économie collaborative, sauf que les investisseurs se sont mis de la partie. Ce ne sont majoritairement plus des appartements de particuliers, mais des appartements qui sont achetés en lots par de grandes sociétés. C’est de la concurrence déloyale envers les petits établissements hôteliers.
L’idée, c’est que nos dépenses à l’étranger profitent vraiment à l’économie locale. Avant la pandémie, le tourisme représentait 10 % du PIB mondial, selon l’Organisation mondiale du tourisme. Il faut que cet argent-là profite à ceux qui en ont le plus besoin.
Trois destinations postpandémie à surveiller, selon Carolyne Parent
La Patagonie, au Chili : « Des paysages, des glaces et une faune incroyables, des parcs nationaux et une gastronomie locale extraordinaires. »
Les Açores et l’île de Madère, au Portugal : « Ce sont des îles, donc les gens vont se sentir plus en sécurité. Elles sont moins sur le radar des touristes. »
Les Pouilles et la Basilicate, en Italie : « Du tourisme régional comme on fait ici, mais ailleurs. L’Italie nous accueille à bras ouverts. »
Les voyages, surtout ceux de distances plus longues, affectent grandement l’état de santé de la planète surtout quand une destination devient populaire. D’abord, il faudrait que le prix des billets d’avion corresponde plus aux dommages que ce type de voyage peut causer et peut-être songer à une taxe qui servirait à financer les énergies renouvelables ou encore une loterie de billets d’avion ou encore un contingentement.
Quant aux destinations «touristiques» c’est un véritable fléau dès qu’une célébrité parle d’un endroit quelconque sur la planète, alors tout le monde veut y aller, détruisant par le fait même la magie de l’endroit en question. D’ailleurs l’article parle des Açores et de l’île de Madère… verrons-nous un engouement pour ces endroits dans quelques mois? Est-ce que ces destinations vont demeurer «moins sur le radar des touristes»?
Le problème c’est la manne touristique qui force les pays à accepter ces hordes de voyageurs, source d’entrée de devises étrangères, quel que soit l’impact sur le pays et ses habitants autrement que par les emplois générés. Les pays pourraient contingenter le nombre de touristes là où il y a exagération mais du point de vue économique, ils perdraient au change. D’un autre côté les touristes et les locaux y gagneraient beaucoup.
Pour ma part, je déteste me retrouver avec une horde de touristes quand je vais à l’étranger car cela torpille toute velléité de mieux connaître la culture locale et les gens. Je me demande si cela ne sera pas la norme dans l’avenir et que l’égoportrait ne deviendra pas la seule raison d’être des voyages…
Bonjour,
D’abord, merci de me lire!
À l’heure où la planète est « touristifiée » tous azimuts, nous faisons tous plus ou moins partie de ces « hordes » que vous évoquez dans la mesure où nous faisons tous plus ou moins partie de ce système du tourisme de masse. Qu’on voyage dans le cadre d’un circuit forfaitisé ou de façon individuelle, au final, aujourd’hui, nous visitons tous les mêmes sites patrimoniaux et les mêmes attraits « incontournables »; nous « découvrons » tous les mêmes petits patelins pittoresques; et nous aboutissons tous dans ce resto charmant « où il n’y avait presque pas de touristes » – on sera simplement arrivé avant « eux »! Bref, notre présence se fait sentir sur tous les continents.
Une meilleure gestion des flux touristiques est certainement dans l’ordre des choses pour alléger nos impacts environnementaux (et sociaux le cas échéant), et rendre l’expérience de visite plus agréable pour tous. Je salue l’initiative de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur de créer, en partenariat avec Waze, un outil permettant de connaître en temps réel l’achalandage d’un site naturel et de s’en voir proposer d’autres lorsque sa capacité d’accueil est atteinte. (Certains voient dans ce genre de mesures une perte de spontanéité du voyageur. De mon point de vue, la planète pâtit déjà suffisamment de notre spontanéité, alimentée notamment par les vols européens à 29 euros. D’où cette idée qui circule en Allemagne présentement de les abolir.)
De votre côté, vous proposez une piste de solution dont on parle passablement en Europe, et qui rejoint la notion de l’utilisateur-payeur, à savoir que le tarif aérien devrait réfléter les dommages environnementaux que causent nos envolées. Bien d’accord! En contexte postpandémique, alors que les transporteurs sont en mauvaise posture financière (c’est un euphémisme), l’idée ne risque toutefois pas de trouver écho de suite…
Vous évoquez le « problème de la manne touristique ». À mon sens, le problème n’est ni le touriste ni le tourisme. Le problème en est un d’équilibre entre les privilèges des uns (les voyageurs) et les besoins des autres (les gens du cru, ceux qui bénéficient du tourisme comme ceux qui ont droit à leur quiétude, les écosystèmes). Un équilibre qu’il reste à trouver par plusieurs destinations alors que d’autres (Duvrobnik, Amsterdam, Barcelone, l’Islande, le Bhoutan, pour ne nommer que celles-là) ont pris les choses en main. Je suis confiante aussi qu’un jour viendra où le nombre d’escales annuelles des bateaux de croisières seront limitées à Venise et ailleurs, ou alors, que celles-ci se verront imposer une durée minimale pour éviter un détestable tourisme de type « hit and run ».
Mais revenons-en à nous, touristes. Si nous ne pouvons rien contre la cupidité d’un certain système ou l’inertie de certains décideurs, nous pouvons tout de même faire notre part pour ne pas contribuer plus avant à la dégradation de ce que nous allons voir. Voyageons mieux! C’est l’idée que défend mon livre.
Enfin, pour ce qui est des destinations sur mon radar postpandémique, je n’ai nullement la prétention de croire qu’on s’y ruera du simple fait que je les ai proposées ici…
Là-dessus, bonne fin d’été!
C’est sûr qu’une auberge de jeunesse avec aussi de gens moins jeune, est une option durable. Les gens qui utilisent ce mode d’hébergement savent comme partager et protéger les autres. Les auberges de jeunesse HI ont plus de 100 ans d’histoire à raconter. C’est un réseau mondial qui a pour mission de promouvoir les peuples, les lieux et les cultures en respectant la planète. Les connaissez-vous? 🙂
Bonjour,
Effectivement, je connais HI. Merci de m’avoir rafraîchi la mémoire!