La forêt dans l’assiette

Si certaines plantes sauvages ont des vertus médicinales, d’autres sont surtout délicieuses et ne demandent qu’à être connues !

Quand il était enfant, François Brouillard allait se balader avec ses grands-parents et ramenait à la maison un butin de raisins sauvages, de cerises à grappes, de bleuets et de fraises des champs. Dans sa famille, la cueillette se pratique depuis quatre générations et s’inspire du savoir des peuples autochtones. « Les Amérindiens ont montré aux colons de quoi ils se nourrissaient. Leur pain, par exemple, était fait d’une farine de racines de quenouille, qui est riche en amidon. » Après quelques essais et erreurs, et parce qu’ils n’étaient pas pleinement satisfaits de la saveur de leur pain de quenouille, lui et sa conjointe, Nancy Hinton, ont finalement choisi de miser sur l’épi de cette plante des marécages, qui donne au pain un petit goût de maïs.

Cuisinière depuis une vingtaine d’années, Nancy Hinton a fait la connaissance de François Brouillard alors qu’elle travaillait aux côtés d’Anne Desjardins à L’Eau à la bouche, à Sainte-Adèle. Ensemble, sur leur terre de Saint-Roch-de-l’Achigan, ils gèrent aujourd’hui une table forestière, en plus d’une entreprise consacrée à la cueillette durable et à la transformation de plantes sauvages comestibles : Les Jardins Sauvages. Au fil du temps, ils ont amélioré leurs recettes et choisi les plantes pour leur caractère délicieux plutôt que pour leurs vertus médicinales.

« L’oxalis [connue sous le nom de faux trèfle à quatre feuilles] est excellente en salade, avec son goût acidulé. L’orpin pourpre aussi ; encore meilleur lorsqu’il pousse en zone ombragée. Le pissenlit, lui, est meilleur s’il est récolté tôt le matin, entre 6 h et 9 h, avant que la sève monte. » Le processus de photosynthèse déclenché par la lumière du jour, explique François Brouillard, accentue la sensation amère et rend la plante plus coriace.

Largement répandue dans les champs, la moutarde sauvage rappelle quant à elle le côté piquant de la roquette et du rapini. Elle est devenue si populaire que François Brouillard la cultive en serre depuis quelques années. « J’aime mieux me présenter comme jardinier forestier que comme cueilleur. Ce n’est pas tout de prendre à la nature, il faut s’assurer de faire une bonne gestion des ressources. L’année suivante, je ne veux pas seulement que la ressource se maintienne, je veux qu’elle se développe, qu’elle s’étende. »

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Conseils pour apprentis cueilleurs

Nancy Hinton et François Brouillard incitent les gens à découvrir la flore qui les entoure, mais avec prudence, pour leur bien-être et celui de l’environnement. Leurs recommandations :

Photo : Getty Images

Évitez de vous éparpiller. Il vaut mieux apprendre à connaître un bout de terrain et y revenir régulièrement que de courir plein d’endroits à la recherche de la nouvelle plante tendance.

Faites attention aux modes. Plusieurs plantes sauvages, le thé du Labrador par exemple, souffrent de l’engouement soudain que lui portent les consommateurs.

Renseignez-vous sur la meilleure façon de cuisiner votre récolte.

Introduisez graduellement chaque nouvelle espèce dans votre alimentation. Le fait qu’une plante soit comestible n’exclut pas les réactions allergiques et autres intolérances.

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La bible de la flore québécoise

En 1935, quatre ans après avoir fondé le Jardin botanique de Montréal, le frère Marie-Victorin publie la première édition de la Flore laurentienne. L’œuvre est magistrale : 917 pages, 22 cartes et 2 800 dessins. Fruit d’une trentaine d’années de travail, ce livre répertorie des dizaines de milliers de spécimens et couvre un immense territoire, du Bas-Saint-Laurent à l’Abitibi, de l’Outaouais au Saguenay–Lac-Saint-Jean. La Flore laurentienne présente les espèces par leurs noms latin et vernaculaire, précise leur habitat et leur répartition, mais Marie-Victorin y a aussi inclus beaucoup de commentaires ethnologiques et écologiques, qui ont largement contribué à son succès populaire. Plus de 80 ans après sa parution, ce volume, qui en est à sa troisième édition, demeure une référence incontournable en botanique. On peut également en consulter une version abrégée en ligne.

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Wow! vraiment intéressant comme article et savoir-faire. En plus de contribuer à la diversité de nos cultures et de notre alimentation je trouve que c’est une bonne façon de redécouvrir et préserver notre patrimoine. Bravo à vous Nancy et François!