Le charme des vins de France

Embellie dans le ciel de la viticulture française. Après des années de vaches maigres, les vignerons de l’Hexagone voient enfin les exportations reprendre du poil de la bête. Plus tôt, au mois d’août, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) a présenté un bilan encourageant pour le premier semestre de 2007.

Pendant cette période, les ventes de vins de France à l’étranger ont progressé de 7,5 % par rapport à la même période l’année précédente, pour atteindre 4,1 milliards d’euros (5,8 milliards de dollars canadiens). À elles seules, les exportations de vins « tranquilles » — non effervescents — ont enregistré une croissance de 4,1 %, pour une valeur de 1,9 milliard d’euros (2,8 milliards de dollars). Peu à peu, les producteurs français cherchent à reprendre les parts de marché que leur ont grugées les vins du Nouveau Monde, notamment ceux d’Australie, de Californie, du Chili et d’Argentine.

Au Québec, en dépit de la déferlante de vins étrangers dans les succursales de la Société des alcools, la France occupe toujours le premier rang, avec 35 % des ventes de vins tranquilles, loin devant l’Italie (22,8 %), l’Espagne (8,7 %) et l’Argentine (6,9 %). Alors que les autres provinces canadiennes ont un faible pour les pays du Nouveau Monde, le Québec se distingue là aussi en consommant à lui seul 64 % des vins de France vendus dans tout le Canada. Une bouteille de vin français sur deux vendues au Québec provient de Bordeaux ou du Languedoc.

Bordeaux, d’abord. Avec 120 000 hectares de vignes, 5 000 châteaux et 57 appellations, le vignoble girondin constitue la plus importante source de vins fins au monde. Portée par le prestige séculaire de ses grands crus classés — vendus, hélas, à des prix à faire peur —, la région compte aussi d’innombrables domaines viticoles plus modestes où les vins sont empreints de cet équilibre et de cette sève qui ont tant contribué à sa renommée à travers les âges. Parmi la pléthore de bordeaux offerts au Québec, notez le Château de Cruzeau 2004, Pessac-Léognan, un excellent vin produit sur les sols graveleux au sud de Bordeaux et dont la qualité est toujours sans faille. Par sa solide constitution et sa forme très classique, le 2004 s’avère particulièrement réussi (C-113381 ; 23,45 $). Dans un style plus souple et éminemment flatteur, le Château Montaiguillon 2004, Montagne Saint-Émilion se signale davantage par son harmonie et sa pureté que par sa puissance ; un très bon bordeaux à prix abordable, dont on appréciera les vertus et le charme au cours des trois ou quatre prochaines années (S-864249 ; 22,30 $).

Languedoc, ensuite. Ce qui fut jadis un gigantesque réservoir de « gros rouges qui tachent » est devenu une véritable fourmilière où une nouvelle génération de viticulteurs a multiplié les efforts pour rehausser la qualité. Nombre d’entre eux souffrent encore de la crise — les vignes du tiers des 300 000 hectares plantés devront être arrachées d’ici deux ans pour contrer une surproduction endémique —, mais le Languedoc produit actuellement les meilleurs vins de sa longue histoire. Au Québec, l’amateur a l’embarras du choix et semble s’en donner à cœur joie, si l’on se fie aux chiffres de vente. Pas étonnant, puisque le rayon du Languedoc foisonne d’aubaines.

Trois suggestions au hasard, à commencer par le remarquable Château Coupe Roses 2005, Minervois. Ce sensationnel vin blanc produit à quelques kilomètres du beau village de Minerve est à des années-lumière de ces trop nombreux vins industriels qui inondent le marché, tous aseptisés et lessivés par la technologie. Entièrement issu de roussane, cépage typiquement méditerranéen, non seulement il se signale par sa vinosité et sa richesse aromatique, mais il témoigne de manière éclatante des progrès accomplis. Il y a 20 ans, d’aussi bons vins blancs n’existaient tout simplement pas dans le Languedoc (S-894519 ; 20,30 $). Pour ne pas être en reste, le même domaine produit aussi une impeccable cuvée Les Plots 2005, Minervois, un irrésistible vin rouge à la fois généreux et soyeux auquel le cépage syrah apporte des tonalités fumées et un grain fruité totalement rassasiant (S-914275 ; 18,55 $).

Enfin, pour une bouchée de pain, on se régalera du Château Cazal-Viel 2004, Vielles Vignes, Saint-Chinian. Ce vin sincère et sans prétention, juteux et coulant à souhait, charme autant par sa franchise que par son équilibre à la française. Le bonheur pour une poignée de dollars ! (C-202499 ; 12,05 $.)

Michel Phaneuf est l’auteur du Guide du vin 2008, qui sera publié aux Éditions de l’Homme en novembre.

Le saviez-vous ?

Les appellations françaises les plus populaires au Québec sont, pour les vins rouges, bordeaux, coteaux du Languedoc, brouilly, côtes-du-Rhône, cahors et corbières. Pour les vins blancs, alsace, bordeaux, muscadet de Sèvre, bourgogne, aligoté et chablis.