Parmi ces attraits, il y a le charme bucolique du pays tourangeau, la cuisine locale restée très pure, protégée par ses traditions, et puis les délicieux vins du pays, déclinés sous toutes les formules imaginables : blanc, rouge, rosé, sec, moelleux, liquoreux, pétillant, mousseux… Il suffit de choisir selon l’humeur du moment.
Pendant très longtemps, les producteurs d’Anjou et de Touraine ont roulé carrosse en vendant des cargaisons de vin rosé. Il y a 40 ans, cette boisson pâle et souvent doucereuse comptait pour la moitié des ventes. C’est ainsi que le négociant Joseph Touchais a fait fortune dans les années 1960 grâce à son petit rosé Cuisse de bergère ! Autre époque, autre vin…
Aujourd’hui, les amateurs s’intéressent davantage aux vins rouges produits avec de plus en plus de maîtrise à l’ouest de Tours, où deux appellations se disputent la partie : chinon et bourgueil. Dans la région, on dit que l’un sent la framboise et l’autre la violette. « Une astuce de vignerons, explique l’un d’eux. Il faut bien dire quelque chose aux touristes… » En vérité, il n’est pas facile de distinguer ces jumeaux, car dans les deux cas, les styles varient sensiblement au gré des sols. Vins légers et nerveux sur les terres sablonneuses proches des alluvions ; pleins et de longue garde sur les terrasses argilo-calcaires, les fameux tufs de Touraine.
Chinon et bourgueil, mêmes traits communs : du fruit à revendre et cette kyrielle de senteurs évoquant un registre complet de fruits mûrs. Mais surtout, les meilleurs ont cette vivacité et cet élan très particuliers qui en font les vins rouges les plus français de France. Aucun autre dans le pays ni ailleurs dans le monde ne leur ressemble. Enraciné depuis le Moyen Âge sur les deux rives de la Loire, le cabernet franc venu de Bordeaux leur donne une tonalité tout à fait originale.
L’autre triomphe de la viticulture tourangelle est le vouvray, produit en banlieue est de Tours. C’est l’un des grands vins blancs de France, mais aussi l’un des plus méconnus, car la production n’a jamais été pléthorique. Et parce que seule une poignée de vignerons continuent d’en tirer le meilleur. Comme les négociants de la région ont toujours été plus portés à vendre du muscadet et du rosé d’Anjou, le vouvray est longtemps resté un produit d’initiés, ne circulant qu’entre Tours et Paris, avec parfois quelques détours en Belgique et aux Pays-Bas, rarement plus loin. Ce vin racé doté d’une forte personnalité était surtout apprécié de connaisseurs avisés ayant la patience de le laisser dormir longuement en cave pour qu’il déploie tout son potentiel. Dans la région, on insiste pour dire que le vouvray ne vieillit pas, mais qu’il mûrit. Il est vrai qu’après huit ou dix ans ce diable de vin acquiert une formidable complexité tout en restant resplendissant de jeunesse. Si son caractère unique lui vient des terres d’argile et de calcaire qui constituent l’ensemble des 2 000 hectares que compte l’appellation, c’est le chenin blanc qui confère au vouvray — qu’il soit sec ou moelleux — son étonnante et vivifiante vigueur. Comme le tanin dans le vin rouge, c’est cette acidité qui en garantit la tenue. « Du vin de taffetas », disait Rabelais.
Pour apprécier les vins de Touraine
• Le Mont 2006, Vouvray, Huet. Adepte de la biodynamie, Noël Pinguet poursuit avec passion et rigueur l’œuvre entreprise par son beau-père, le légendaire Gaston Huet. Fougueux, vibrant et subtilement aromatique, ce vin blanc sec encore bien jeune continuera à s’épanouir au cours des cinq prochaines années. Ce sensationnel vouvray provenant d’un domaine mythique arrivera sur nos rives l’automne prochain. En attendant, ajoutons que tous les autres vins portant la griffe Huet offerts à la SAQ sont impeccables (S-10796479 ; 32,75 $).
• Chinon 2004, Les Grézeaux, Bernard Baudry. Bon an, mal an, cette cuvée se distingue par sa subtilité et son élégance. Excellent chinon sans esbroufe offrant des saveurs mûres, tapissées de tanins soyeux et animées d’une saine acidité (S-10257555 ; 26,20 $). Dans un registre plus simple, le Chinon 2004 a toute la fougue, le caractère vibrant et cette délectable impression fruitée qui font du chinon l’un des bons vins rouges de France. À retenir pour sa pureté et son prix raisonnable (S-10257571 ; 20,35 $).
• Domaine de la Charmoise 2007, Gamay de Touraine. Au cœur de la Sologne, le producteur Henri Marionnet signe le vin de soif par excellence. Léger, souple, friand et facile à boire, ce vin est tout simplement délicieux s’il est servi rafraîchi autour de 14°C (S-329532 ; 16,20 $).
ET ENCORE…
En Touraine, le chenin blanc se révèle aussi un cépage idéal pour produire de bons vins mousseux. Dans les caves profondes creusées dans le tuf, ça fermente et ça remue comme en Champagne. La méthode d’élaboration est la même, mais les terroirs diffèrent. Aussi, l’idée n’est pas de copier, mais plutôt d’obtenir un vin frais et généreux, profitant de la vivacité naturelle et de la richesse fruitée du chenin. Offerts dans l’ensemble du réseau de la SAQ, deux vins aussi satisfaisants qu’abordables se distinguent : Château Moncontour 2004, Vouvray (C-430751 ; 19,20 $), et Cuvée J.M. 2003, Touraine, Monmousseau (C-223255 ; 17,10 $).
Michel Phaneuf est l’auteur du Guide du vin 2008, publié aux Éditions de l’Homme.