Le vin de la semaine : un blanc sans frontières

Quoi de meilleur pour illustrer le pouvoir rassembleur du vin que cet excellent blanc sec et minéral produit en territoires occupés, par des employés palestiniens… et israéliens ?

Photo : Nadia Fournier

Cremisan Wine, Dabouki 2016, L’étoile de Bethléem, Palestine
13841191   26,80 $

Depuis qu’elle a été plantée par l’homme, il y a environ 8 000 ans, la vigne a été le témoin de nombre de schismes, de révolutions et de conflits en tous genres. Alors que les peuples se divisent, parfois déracinés, arrachés à leur terre, la vigne, elle, défie le temps, comme imperméable aux bouleversements de ceux qui la cultivent.

C’est dans cette perspective que Peter Weltman a fondé le mouvement Borderless Wine (Vin sans frontières), qui tenait son premier symposium en août dernier à Manhattan. Le sommelier et auteur new-yorkais voit dans l’achat de vin « une forme de militantisme, qui peut […] offrir un soutien aux agriculteurs des régions déchirées par la guerre, leur donner une voie géopolitique, favoriser leur reprise économique et offrir aux consommateurs une forme d’accès à des régions du monde plutôt isolées ».

Les horizons de Borderless Wine sont aujourd’hui multiples — depuis les vignobles centenaires qui bordent la frontière mexicano-américaine jusqu’aux domaines de Géorgie, berceau mondial de la viticulture —, mais Peter Weltman confiait, dans une entrevue accordée au magazine Forbes, que l’idée de cette initiative lui était venue lors d’un séjour chez Cremisan Winery, domaine situé en Israël, dans le secteur de la Cisjordanie, donc en Territoires palestiniens.

Cremisan, pour la petite histoire, est géré depuis 1891 par l’ordre religieux salésien (chrétien). Le domaine met à contribution les efforts communs d’Israéliens et de Palestiniens, en plus de soutenir un orphelinat de Bethléem. Une partie des raisins provient de territoires occupés, le reste d’Israël. Les locaux administratifs sont situés du côté israélien ; le chai de production, en territoire occupé.

Et dans le verre ? Un excellent vin blanc sec et minéral, auquel le cépage indigène dabouki confère des notes citronnées et florales, avec une pointe d’amande amère qui accentue son profil méditerranéen. Juste assez ample pour accompagner un poisson à chair grasse comme la morue, mais aussi très frais et délicieusement dépaysant.