En juin dernier, en rentrant du Bhoutan, j’ai accidentellement fait subir à mon passeport un cycle entier dans la machine à laver — j’étais moi-même quelque peu lessivé par le décalage horaire.
En découvrant mon cher livret de voyages tout détrempé dans la poche arrière de mon jean essoré, j’ai bien tenté de lui rendre un peu de sa superbe en passant chaque page au séchoir à cheveux, mais en vain.
J’ai donc entrepris les démarches qui s’imposaient pour le remplacer, en remplissant le fastidieux formulaire réglementaire, où j’ai pris soin de cocher la case « Je veux récupérer mon ancien passeport », comme d’habitude. Pour rien au monde je ne voudrais me priver du plaisir de revivre mes voyages par tampons et visas interposés, en contemplant ces anciennes empreintes que je garde scrupuleusement comme autant d’objets précieux.
Pour accélérer le processus, je me suis présenté en personne au bureau de Passeport Canada de Saint-Laurent, à Montréal. Puis j’ai attendu — et reçu par la poste — mon nouveau document bleu foncé truffé d’images historiques en filigrane. Mais il y avait un hic.
« Allô, le bureau des passeports ? Je viens de recevoir mon nouveau passeport, mais dans l’enveloppe, on ne m’a pas retourné l’ancien, contrairement à toutes les autres fois…
— Ah, c’est normal : il était très endommagé. Il a donc été détruit…
— Quoi ?!? J’avais demandé qu’il me soit retourné, comme spécifié sur le formulaire !
— Désolé, c’est la procédure dans les circonstances.
— Nulle part est-il écrit que c’est la procédure. Et la préposée à qui j’ai présenté ma demande aurait pu — elle aurait dû ! — m’aviser que je ne reverrais plus mon passeport, auquel cas j’aurais photographié chacune de ses pages avec mon téléphone… »
Pourquoi tant de chichis pour ce vieux livret tout rabougri, aux encres délavées et aux visas écornés ?, a dû se demander mon interlocuteur à l’autre bout du fil.
Si, pour bien des gens, un passeport n’est qu’un laissez-passer pour lézarder à Tabarnacos-les-Bains ou pour brasser des affaires aux États-Honnis, pour moi, c’est un inestimable reliquaire rassemblant des fragments d’ailleurs que j’ai visités. Un bouquet de tampons qui ont fleuri au fil de mes arrivées et départs en terre étrangère. Un album-souvenir de mes pérégrinations, qui fait naître en quelques battements de pages autant d’images qu’un diaporama.
Celui qu’on avait prétendument détruit avait d’ailleurs beaucoup de vécu. Le feuilleter faisait éclore des réminiscences du Cameroun, des Maldives, des Grenadines, du sultanat d’Oman, de cette croisière entre Bangkok et Singapour, de ce safari au Botswana et de ce bouleversant périple au Rwanda. S’y succédaient aussi nombre de visas, les uns stylisés, les autres pas, y compris les traces fantômes de cette escale à Saint-Pétersbourg, quand on vous laisse arpenter la ville sans visa en retenant votre passeport aux services douaniers.
Bref, après avoir insisté pour qu’on me prouve que mon passeport avait bel et bien été déchiqueté, incinéré ou haché menu — allez savoir comment on élimine ces documents —, j’ai découvert que mon précieux compagnon de voyage existait toujours.
J’ai alors exposé les raisons pour lesquelles je tenais mordicus à le ravoir, et une gentille et compréhensive cadre de Passeport Canada m’a demandé de lui envoyer par fax (si, si, ça se fait toujours) toutes ces raisons — en insistant, si tel était le cas, sur la présence d’éventuels visas toujours valides en ses pages.
De fait, il y en avait deux qui pouvaient encore servir — bien que je me demande comment j’aurais pu les utiliser. À tout hasard, j’ai tout de même sorti les violons et tenté de faire vibrer la corde sensible de la personne qui déciderait du sort de ma demande. « Ne détruisez pas mon passeport ; en le faisant, vous détruiriez une partie de moi-même », lui ai-je écrit.
J’exagérais à peine. Peu importe, puisque mes doléances ont été entendues : vendredi dernier, on a laissé un message sur mon répondeur. Après avoir croupi dans les couloirs de la mort de Passeport Canada, mon vieux passeport a été gracié. Il aura la vie sauve, quoique amputé d’un coin biseauté, et il pourra rentrer à la maison, où il ira rejoindre la pile de ses dignes prédécesseurs.
Et moi, je m’en réjouis tellement que la sale gueule réglementaire que j’affiche sur la photo de mon nouveau passeport m’apparaît maintenant presque sympathique.
Je suis tellement contente pour vous, je vous comprends je suis aussi très attachée à mes anciens passeports, on est peut-être ridicules mais faire le tour du monde c’est un bien beau souvenir d’arrêts et de plaisirs. Félicitations pour votre constance à le récupérer. En passant bon anniversaire, en retard
Bravo!!!
J’ai mon passeport de Expo67 et je me rejouis de le feuilleter en regardant tous les tampons des pavillons visités.
Que de souvenirs!!!
Imaginez un passepot qui a fait le tour du monde!!!
Que de souvenirs!!!
Cette chronique est un bon moyen de se vanter de ses voyages. Félicitations!
Un journaliste spécialisé en voyages qui se vante de voyager, c’est comme un chef-cuisinier qui se vante de cuisiner.
Comme je vous comprend,,, mes anciens passeports sont dans un coffre -fort et je ne peux expliqué comment je me sentirais si je les perdrait avec toute ses frontières que j’ai traversé quel souvenir, j’aurais eu exactement le même acharnement que toi pour les récupérer Félicitations mon cher ami Et Merci pour ses information positive d’espoirs Aurevoir peut-être sur les grande route de ce monde
Est-ce que collectionner ses passeports nous fait oublier comment écrire sans faute?
La mémé choses m’est arrive apres que ma fille de 2 ans ait collorier avec un crayon de cire dans mon passeport qui etait expiré et la jolie grande blonde du bureau des passeports de Québec me la retirer pour le détruire en me fessant sentir comme un pire imbéciles. Je n’avais pas autant de souvenirs, mais suffisamment et j’y tenait beaucoup,
Avoir lu avant cette article j’aurais fait les démarches pour le ravoir. Lors de mon prochain renouvellement soyez certains que je ne fournirait pas mon ancien
Qu’est-ce que c’est que cette excuse? On l’a détruit parce qu’il était en mauvais état (donc, impossible à vendre, etc.) ? Je crois que l’employée a inventé cette excuse de toutes pièces pour justifier une erreur… La preuve, c’est qu’il était encore intact. Il m’arrive souvent d’avoir des explications ridicules de la part du service clientèle des entreprises.
Bravo
Vous avez vaincu une MACHINE, un ROBOT incompétent.
J’ai six passeports, depuis 1972 et canadien depuis 76 ans et je dois en redemander un autre en recommençant tout de a à z, mais voilà j’ai personne qui en détient un valable. J’espère pouvoir en discuter avec la même dame qui a gentiment répondu à votre fax.
Ce passeport c’est de la m….
Faut un visa de 130$ pour entrer au Brésil. Le reste du monde développé rentre sans problème
Faut payer 90$ pour entrer en Argentine. Le reste du monde développé rentre sans problème
Faut payer 90$ pour entrer en Turquie. Le reste du monde développé rentre sans problème
On ne peut même pas aller en Iran. Le reste du monde développé rentre sans problème
J’ai toujours détesté ce passeport. A chaque fois que dans l’avion je dois écrire CANADIAN sur les formulaires qu’on demande de remplir pour passer aux douanes, le coeur me lève
Vive le Québec libre
Pareil pour moi, sauf que j’écris Québécois (CDN) !
Je ne comprends pas cet acharnement à vouloir le détruire. Normalement, ils perforent ou découpent le coin de l’ancien passeport et de ce fait il devient obsolète. La date de péremption annulé aussi le passeport. J’ai aussi le plaisir de conserver tous mes anciens passeports qui racontent l’histoire de mes voyages.
Quelle excellente plume! On pend plaisir à vous lire! Un livre entier sur vos voyages ferait bondir les foules! Et le sujet abordé est éclairant! Merci!
Même si vous cochez de vous retourner l’ancien passeport, on vous le détruit quand même… Morale: ne pas le remettre au bureau des passeports !