Jamais, dans sa longue histoire, le vin n’aura suscité autant de curiosité et de fascination. En Europe, en Amérique et maintenant en Asie — en Chine, la consommation a bondi de 20% en quatre ans et devrait progresser d’environ 50% d’ici 2009 —, le vin est devenu la boisson civilisée par excellence. Au Québec, la consommation annuelle est la plus élevée au Canada — 18 litres par habitant. Le vin touche maintenant une jeune génération, elle aussi séduite par la richesse inépuisable de cet univers et curieuse d’en explorer les mille et un sentiers. Les 12 recommandations suivantes ne sont que quelques-unes des plus belles fleurs cueillies cette année dans le jardin luxuriant des vins fins et authentiques.
Même si la France est aux prises avec une crise viticole sans précédent, le pays continue d’offrir une pléthore de bons vins, qui traduisent, chacun à sa manière, les richesses de ses multiples terroirs. À Bordeaux, le Château Martinat 2003, Côtes de Bourg témoigne éloquemment des progrès accomplis même dans des appellations longtemps mésestimées. Ce vin rouge éminemment charmeur, charnu et enrobé de tanins mûrs s’avère déjà bon tant il est bien équilibré (S-10389072; 24,30$).
Maintenant planté à l’échelle planétaire, de l’Afrique du Sud à la Nouvelle-Zélande en passant par la Californie, le sauvignon a d’abord été cultivé dans le centre de la France. Issu d’une petite appellation d’à peine 100 hectares située dans le département de l’Yonne, dans le nord de la Bourgogne, le Saint-Bris 2004 de Ghislaine et Jean-Hugues Goisot se signale par sa fougue aromatique et surtout par sa nervosité naturelle. Cet excellent vin blanc sec et vivifiant, sentant bon les agrumes, est une expression très originale du sauvignon (S-10520819; 19,85$).
Sans doute pour mener une offensive sur des champs de bataille étrangers de plus en plus occupés par les vins du Nouveau Monde, la famille Perrin de Châteauneuf-du-Pape a créé la marque «VF» — pour «Very Fruity, Very Fun, Very French». Le vin est offert dans une bouteille à capsule vissée habillée d’une étiquette annonçant le concept «100% Rhône, 0% bouchon». Le VF Lasira 2005, Costières de Nîmes est donc un vin rouge résolument moderne, misant à fond sur le fruit, la souplesse et la fraîcheur. Taillé sur mesure pour séduire une nouvelle génération de consommateurs, il plaira tout autant aux plus vieux, qui ne manqueront pas de le trouver, eux aussi, very fine (C-540684; 12,95$).
À prix également très abordable, le Terres de Méditerranée 2004, Vin de Pays d’Oc de Dupéré-Barrera est sans doute l’un des meilleurs achats de l’heure. Ce vin rouge remarquable, élaboré dans le dépouillement — sans filtration, sans collage, sans bois —, est un petit chef-d’œuvre signé par la Québécoise Emmanuelle Dupéré et le Français Laurent Barrera. Unis dans la vie comme en affaires, ils ont mis sur pied une maison de négoce spécialisée en vins fins de Provence et du sud de la vallée du Rhône. Syrah, cabernet, carignan et grenache forment un ensemble magique dont la richesse, la tenue et le grain exquis ont vite fait d’enchanter le palais (S-10507104; 13,80$).
Autre exemple des immenses progrès accomplis dans le Languedoc, la cuvée Le Cas 2004 du Mas Conscience, Vin de Pays de l’Hérault puise sa richesse et sa profondeur dans de vieux plants de carignan de plus de 50 ans cultivés en biodynamie. Comme tous les vins dits naturels — c’est-à-dire non filtrés, non collés et non levurés, mais résultant de soins attentifs! —, ce vin rouge a une forte personnalité et laisse en bouche une délectable impression de plénitude (S-10506902; 21,70$).
Moins cher, le Château Tour Boisée 2004, Cuvée Marielle et Frédérique, Minervois est l’un des meilleurs achats du moment. Composé de syrah, de grenache et de carignan, ce vin rouge vibrant, charnu, débordant de fruit et de vitalité est d’une qualité exemplaire et explique sans doute pourquoi les vins du Languedoc sont si populaires chez nous (S-896381; 16,75$).
De l’autre côté des Alpes, à l’ombre des Dolomites, la coopérative de Mezzacorona joue un rôle important dans la viticulture locale avec une production annuelle frisant les 25 millions de bouteilles. Des nombreux vins qu’elle commercialise, il faut signaler le Teroldego Rotaliano 2001, Riserva, délicieux vin rouge sphérique, à pleine maturité et ayant développé une palette de saveurs à la fois nuancées et généreuses. Très satisfaisant à ce prix (S-964593; 15,90$).
En Espagne, juste au sud de la Rioja, la coopérative de Borsao exporte au Québec depuis trois ans des vins rouges particulièrement friands et généreux. Le plus complet est le Tres Picos 2004, Garnacha, Campo de Borja. Issu de vieilles vignes de grenache de 40 ans, ce vin rouge robuste et vineux s’exprime avec une générosité rassasiante. Charnu et vigoureux, mais sans lourdeur. Un achat avisé à ce prix (S-10362380; 22,10$).
Participant aussi à cette vague planétaire, le Portugal a vu la qualité de ses vins progresser à grands pas au cours des dernières années. Et comme tant d’autres, le Quinta de la Rosa 2003, Douro puise son originalité dans l’utilisation de cépages portugais traditionnels: touriga nacional, roriz, franca et barroca. Cela nous vaut un très bon vin rouge plein et savoureux, ferme sans être dur et très satisfaisant (S-928473; 19,40$).
Au sud de l’équateur, les choses vont aussi bon train, les différents pays viticoles apportant une contribution de plus en plus significative à la planète vin. Ainsi, en Argentine, le géant Trapiche commercialise, sous la marque Broquel, un savoureux Bonarda 2004. Très répandue dans le pays, cette variété d’origine italienne couvre environ 16 000 hectares et vient au deuxième rang derrière le malbec. Ce vin rouge fougueux, au caractère épicé fort original, s’exprime pleinement s’il est rafraîchi à environ 15°C, sans quoi il paraît lourd (S-10394761; 16,80$).
En Australie, on remarque maintenant de plus en plus de vins fins et distingués, qui se démarquent des habituels colosses alcoolisés, au goût de confitures. Pour s’en convaincre, il suffit de goûter le Cabernet sauvignon 2001, Pyrenees Victoria, de Taltarni Vineyards. Par sa droiture et ses heureuses proportions, cet excellent vin rouge se révèle ferme, mais sans dureté. Il offre un profil qui rappelle certains très bons crus de Bordeaux (S-10273977; 24,35$).
Nouvelle terre promise du pinot noir, la Nouvelle-Zélande a le vent dans les voiles. Profitant d’un environnement climatique idéal, les vignobles les plus au sud du monde n’ont mis que quelques années pour donner des vins purs et aromatiques qui ont vite fait de s’imposer sur les marchés internationaux. Le Pinot noir 2005, Roaring Meg, Central Otago, de Mount Difficulty montre bien de quoi ce pays est capable. Rafraîchi autour de 14°C, ce vin rouge fruité et coulant, au bon goût de fruit mûr évoquant la framboise, est un vrai régal (S-10383762; 25,55$).
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Michel Phaneuf est l’auteur du Guide du vin 2007, publié aux Éditions de l’Homme.