
Il y a trois siècles, le vin le plus précieux du monde n’était ni bourguignon ni bordelais. C’était plutôt le tokaji aszú, un vin liquoreux produit dans un petit village du nord-est de la Hongrie, qui faisait les délices de Louis XIV. Plus tard, à l’est du rideau de fer, le tokaji est devenu communiste. Vinifié de façon industrielle et à gros volume, ce vin de légende n’était plus que l’ombre de lui-même.
Des années d’obscurantisme avaient dégradé la qualité du vin, mais le terroir et le cépage local furmint avaient conservé toute leur singularité. Ne manquait plus que de l’argent pour restructurer les vignobles et remettre les chais en bon état. C’est dans ce contexte que les autorités hongroises ont instauré un programme de privatisation dès la fin du régime communiste, en 1990. Une occasion en or qu’ont vite saisie une poignée d’investisseurs d’Europe occidentale, dont l’écrivain britannique Hugh Johnson, qui a alors mis la main sur quelques-unes des parcelles les plus réputées de Tokaj.
Ce programme a fini par être abandonné et les investissements étrangers dans les vignobles ne sont plus autorisés depuis près de 20 ans. Cependant, la revitalisation se poursuit et on voit éclore de nouveaux domaines d’envergure. La tendance s’observe de manière plus manifeste à Tokaj, selon John Szabo, critique de vin et Master Sommelier torontois d’origine hongroise, mais aussi dans d’autres régions productrices, comme Eger, où il a acquis des vignes dès 2003.
Confiant en l’avenir viticole du pays de ses ancêtres, Szabo a été séduit par le prix encore relativement abordable des terres, ainsi que par le climat continental frais de la région, la richesse historique du lieu et la présence d’un cépage indigène de qualité, le kékfrankos. « Les vins sont déjà très bons, mais je suis convaincu que ces terroirs n’ont pas encore atteint leur plein potentiel. Et quelle belle occasion de prendre part à la renaissance d’une grande région viticole ! »
Château Pajzos, Tokaji Furmint 2015
(860668 ; 13,95 $)
Le cépage blanc furmint contribue avant tout au caractère unique des vins azsú, mais on en fait aussi de bons vins secs. À moins de 15 dollars, il faut souligner le volume en bouche et le caractère original de ce 2015. Parfums de pêche, de fleurs blanches et de noisette, sur un fond délicatement salin qui ajoute à son relief et qui appelle la soif. Très belle bouteille !
Royal Tokaji, Blue Label 2013, Aszú 5 Puttonyos
(10274312 ; 48,75 $)
Cette entreprise a été créée en 1990 par un groupe d’investisseurs, dont l’auteur Hugh Johnson. La cuvée Blue Label résulte d’un assemblage de furmint, de hárslevelű et de muscat de Lunel, provenant surtout du cru Nyulászó. Fruit d’un excellent millésime, tant pour les vins secs que liquoreux, le 2013 est riche, intense et parfumé, avec la structure et la vivacité des meilleurs aszú.
Cet article a été publié dans le numéro d’avril 2017 de L’actualité.