Tout au long de son histoire, le Québec a été raconté par des auteurs qui ont su capter un moment, un lieu, un phénomène, et le transmettre en mots à leurs lecteurs. Certains ont saisi l’air du temps au moment même où ils écrivaient. D’autres ont plongé dans le passé pour relater, avec du recul, une époque révolue, mais éclairant encore notre présent.
Bien sûr, de nombreux essais ont aussi effectué (avec brio) ce travail d’analyse de notre société. Mais parce qu’elle possède cette magie de nous faire vivre les événements de l’intérieur, la fiction touche autrement ses lecteurs. En passant par le cœur avant la tête, elle permet de ressentir l’histoire avec un grand H, et de se sentir tout près de ceux qu’elle dépeint.
Nous avons donc eu envie de recenser certains des romans décrivant le mieux le Québec d’hier ou d’aujourd’hui. D’abord pour le pur bonheur de replonger dans des classiques et de faire partager nos plaisirs de lecture. Mais surtout pour amener une réflexion sur les multiples façons dont la littérature a contribué à tracer le portrait de qui nous sommes, et pour montrer qu’elle enrichit la société autant qu’elle s’en nourrit.
Avec l’aide de fins connaisseurs issus de différents milieux, nous avons établi une liste de 25 romans ayant défini le Québec, tirés de toutes les époques et offrant des points de vue variés. Ce n’est pas un palmarès. Bien que rigoureux, l’exercice est sans prétention ni esprit de compétition entre les œuvres. C’est encore moins une liste exhaustive. Inclure tous les romans qui auraient pu y figurer aurait demandé plus de pages que ne peut en contenir ce magazine !
Bâtir ce répertoire a entraîné bien des tergiversations, beaucoup de discussions, quelques décisions déchirantes… et énormément de plaisir. Nous espérons que vous en aurez autant à découvrir nos choix, et mieux encore, qu’ils vous donneront envie de plonger dans un livre. Et pourquoi pas de nous proposer les vôtres !
NOS EXPERTS

Mélikah Abdelmoumen est écrivaine et éditrice. Titulaire d’un doctorat en littérature de l’Université de Montréal, elle est rédactrice en chef de la revue Lettres québécoises.

Marie-Louise Arsenault est journaliste, animatrice, réalisatrice et conceptrice. Elle anime notamment l’émission littéraire Plus on est de fous, plus on lit à ICI Première, qui prendra bientôt fin après 11 saisons à l’antenne.

Michel Biron est professeur de littérature à l’Université McGill. Il a entre autres cosigné l’ouvrage Histoire de la littérature québécoise, devenu une référence sur le sujet. Il a reçu en 2021 le prix Acfas André-Laurendeau pour son apport à l’avancement des sciences humaines.

Josée Boileau est journaliste et collabore à L’actualité ainsi qu’à Radio-Canada à titre de chroniqueuse et d’analyste en affaires publiques. Elle est également chroniqueuse littéraire pour Le Journal de Montréal depuis 2017.

Gérard Bouchard est professeur au Département des sciences humaines de l’Université du Québec à Chicoutimi. Sociologue, historien, romancier et essayiste, il a écrit ou dirigé plus de 40 ouvrages, pour lesquels il a reçu de nombreux prix et distinctions.

Dominique Fortier est écrivaine et traductrice. Elle a publié six romans, y compris Du bon usage des étoiles et Au péril de la mer (Prix du Gouverneur général en 2016), ainsi que Les villes de papier, qui en a fait en 2020 la première lauréate québécoise du prix Renaudot de l’essai.

Stanley Péan est l’auteur de plus de 25 ouvrages, dont des romans, des essais et des livres jeunesse. Il a notamment travaillé comme journaliste culturel et chroniqueur littéraire, et anime une émission consacrée au jazz à l’antenne d’ICI Musique.

Lori Saint-Martin est écrivaine, traductrice et professeure au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal. Avec Paul Gagné, elle a traduit plus de 40 romans et essais de l’anglais vers le français ; quatre de leurs traductions ont été récompensées par un Prix du Gouverneur général.

Éric Simard est actif dans le milieu littéraire depuis 30 ans, notamment comme écrivain et éditeur. Copropriétaire des librairies du Square, il est président de l’Association des libraires du Québec.

Guy Sioui Durand est sociologue, critique d’art, conférencier et commissaire indépendant. Spécialiste de l’art autochtone contemporain et de l’art actuel, il a participé à la conception de nombreuses manifestations culturelles.
Photos : Jennifer Alleyn, ICI Radio-Canada, Monique Deland, Christian Blais pour L’actualité, Paul Cimon, Carl Lessard, Patrick Bourque/EML, Claire Dufour, Lou Scamble et Réal Capuano.
LES ROMANS

1970
Kamouraska
d’Anne Hébert
Un traîneau file dans le froid de l’hiver. George Nelson se dirige vers Kamouraska pour éliminer le mari de son amante. Mais le meurtre tourne mal et la délivrance ne sera pas au rendez-vous pour la jeune Elisabeth, qui devra se plier aux conventions de sa société et contracter un deuxième mariage aussi étouffant que le premier… Anne Hébert est partie d’un fait vécu pour raconter cette histoire d’amour et de haine se déroulant dans la période trouble suivant les rébellions de 1837-1838.
« Le Québec d’autrefois, celui de neige et de froidure, mais aussi celui des apparences à sauver, pas du tout idyllique, et puissamment raconté. » — Josée Boileau

2019
Kukum
de Michel Jean
S’inspirant de la vie de son arrière-grand-mère, l’auteur et journaliste Michel Jean raconte l’histoire d’une jeune orpheline du Lac-Saint-Jean qui, tombée amoureuse d’un Innu, va le suivre pour vivre auprès des siens. Après avoir adopté leur langue et leur mode de vie nomade, elle sera témoin de la perte de leurs terres, de leur sédentarisation forcée et de l’horreur des pensionnats. À travers les yeux d’Almanda, on assiste au déclin du mode de vie traditionnel des premiers peuples.
« Ce best-seller écrit par un écrivain autochtone nous rappelle que l’histoire du Québec est aussi celle des Premières Nations, longtemps occultée. » — Dominique Fortier

1913
Maria Chapdelaine
de Louis Hémon
La jeune Maria a trois prétendants, qui incarnent chacun une facette du Québec du début du siècle : le coureur des bois épris de liberté, le colon défricheur attaché aux valeurs traditionnelles, le moderniste qui veut l’emmener aux États-Unis.
« De très nombreux lecteurs ont reconnu dans cette modeste saga le portrait exact de leur société au temps des défrichements. En fait, il y a eu malentendu. Le message du roman, c’est que cette société, par fidélité, refusait de changer, au moment même où le Québec était en pleine industrialisation. C’est le tour de force dont il faut créditer l’auteur. » — Gérard Bouchard

1965
Une saison dans la vie d’Emmanuel
de Marie-Claire Blais
C’est un portrait impitoyable du Québec dit de la Grande Noirceur que brosse Marie-Claire Blais . Dans cette famille de 16 enfants où naît Emmanuel règnent la misère, le vice, la maladie, la mort. Un monde dur, où la lumière se trouve dans l’esprit de rébellion des enfants.
« Un regard inédit sur un certain Québec, qui nous sortait des symboles et images idéalisées du roman du terroir. Je me souviens particulièrement de la grand-mère, une femme qui, comme d’autres Québécoises, avait été écrasée à coups de maternité par la société et qui, plutôt que d’être présentée de manière caricaturale, devenait soudain foncièrement humaine. » — Mélikah Abdelmoumen

1958
Agaguk
d’Yves Thériault
Agaguk s’est inscrit dans l’histoire littéraire du Québec comme le premier roman portant sur le peuple inuit. Immense succès populaire et mis au programme dans les écoles secondaires, il a initié plusieurs générationsaux réalités du Grand Nord telles que vécues dans les années 1940, à l’époque où s’intensifiaient les contacts avec les Blancs du Sud.
« Agaguk propose un regard sans compromis sur ceux qu’on appelait alors les Esquimaux. Certes, notre perception des Inuits a évolué depuis, mais ce roman cruel et épique a le mérite d’inaugurer un dialogue entre les Premières Nations nordiques et leurs voisins du Sud qui mènera à la véritable prise de parole littéraire autochtone. » — Stanley Péan

1948
Les Plouffe
de Roger Lemelin
Emprise de l’Église sur la vie de ses ouailles ; figure maternelle aussi aimante qu’étouffante ; intérêt pour la culture américaine ; conscription ; syndicalisme ; censure ; nationalisme… Tout ce qui caractérise les années 1940 au Québec est représenté dans ce roman qui a ensuite connu toutes les incarnations fictionnelles, du feuilleton radiophonique au long métrage en passant par le téléroman et la pièce de théâtre.
« Ce grand roman fait converger, dans la vie d’une famille ouvrière de la Basse-Ville de Québec, le fragile équilibre des valeurs canadiennes-françaises catholiques et les transformations modernes, urbaines et mondiales de tous les rapports humains. » — Guy Sioui Durand

1945
Bonheur d’occasion
de Gabrielle Roy
Ce roman (le plus cité par nos experts) brosse un portrait saisissant du quartier montréalais de Saint-Henri en 1940. Gabrielle Roy, qui était alors reporter, met un soin manifeste à décrire les lieux, les gens, l’époque. Mais c’est à la romancière qu’on doit cette poignante histoire d’une jeune femme engluée dans la misère de son milieu.
« Pour la première fois au Québec, l’action d’un roman était campée dans la ville. Les lecteurs découvraient un genre de vie aux antipodes de la ruralité, en même temps que le visage jusque-là peu visible d’une société colonisée. Tout cela sous la plume d’une romancière de talent, qui a su rendre la vérité émouvante des situations et des personnages. » — Gérard Bouchard

1978-1997
Chroniques du Plateau-Mont-Royal
de Michel Tremblay
Michel Tremblay avait déjà révolutionné le théâtre québécois quand il publia La grosse femme d’à côté est enceinte, premier opus de cette série qui immortalisa une famille aussi profondément montréalaise qu’universelle.
« Impossible de passer à côté de Michel Tremblay. Non seulement La grosse femme… est probablement la pierre d’assise de l’œuvre de Tremblay, mais c’est également une des pierres d’assise de notre littérature. Tremblay est le premier à avoir donné la parole aux gens de la rue (surtout aux femmes) en la transposant à l’écrit, et cette série est une sorte d’hommage à ces gens-là qui ont forgé l’identité propre à Montréal et à son Plateau. » — Éric Simard

2015
La femme qui fuit
d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Anaïs Barbeau-Lavalette est la petite-fille du peintre Marcel Barbeau, signataire de Refus global, mais aussi de Suzanne Meloche, poétesse et peintre qui a quitté son mari et abandonné ses enfants au début des années 1950. En reconstituant son parcours, l’autrice rappelle que le Québec n’a pas toujours été tendre envers les artistes, et surtout envers les femmes.
« Anaïs Barbeau-Lavalette fait entrer la petite histoire dans la grande, car cette grand-mère a fait partie d’une bande d’artistes qui ont crié haut et fort leur refus d’un dogme religieux pour pouvoir créer en toute liberté. Ce fut une époque charnière pour le Québec, pour la liberté de création. » — Éric Simard

1959
L’apprentissage de Duddy Kravitz
de Mordecai Richler
C’est beaucoup par cet auteur que le Québec — ainsi que le monde — a découvert la communauté juive de Montréal, qui fait pourtant partie inhérente de la métropole depuis 250 ans. Cette histoire d’un jeune homme du Mile End qui cherche à tout prix à devenir riche témoigne des divisions et des aspirations d’une communauté dont l’héritage est toujours présent dans la ville.
« Peuplé presque exclusivement de juifs et d’anglophones, le Montréal qu’habite Duddy Kravitz (miroir de celui où a grandi Mordecai Richler) est bien différent de celui auquel nous a habitués la littérature francophone. L’antihéros de ce récit d’apprentissage, par son ambition à tout crin, fait lui aussi figure d’outsider dans notre histoire littéraire. » — Dominique Fortier

2002
Dée
de Michael Delisle
La petite Dée naît dans un taudis de la ville de Jacques-Cartier, au moment où celle-ci passe à toute vitesse de bidonville à banlieue cossue (elle sera plus tard intégrée à Longueuil). Élevée dans la misère et les agressions sexuelles, puis mariée et installée dans un bungalow en pleine adolescence, elle ne s’adaptera jamais à ce monde propret et gazonné qu’elle ne comprend pas.
« Un bijou d’écriture dense, poignante, d’un réalisme impitoyable, nourri à la fois par l’expérience intime de l’auteur et par le nouvel imaginaire de la banlieue montréalaise. » — Michel Biron

1966
L’avalée des avalés
de Réjean Ducharme
Bien des titres de Ducharme auraient pu faire partie de cette liste. Mais cette œuvre majeure s’est imposée par la rupture qu’elle a amenée avec la littérature canadienne-française qui la précédait, par son style et son langage témoignant d’une entrée dans la modernité, et par la quêteidentitaire de la petite Bérénice qui semble faire écho à celle de ceux qui se nommeront bientôt « Québécois ».
« Ducharme s’imposait comme écrivain qui faisait bouger notre approche littéraire en parlant poétiquement du Québec, et L’avalée des avalés est un regard critique sur la Révolution tranquille au moment même où on la vivait. » — Josée Boileau

2014
Bondrée
d’Andrée A. Michaud
En 1967, au bord d’un lac situé à la frontière américaine où se côtoient des familles francophones et anglophones, une adolescente est retrouvée morte dans la forêt. D’un coup, la langueur du « Summer of Love » se dissipe et les faits et gestes des vacanciers sont scrutés à la loupe par un inspecteur de police américain, de même que par une préadolescente qui observe les réactions des adultes au drame.
« Un roman sombre et magnifiquement composé autour de la frontière (boundary) entre les États-Unis et le Québec, entre l’anglais et le français, entre le réalisme et l’onirisme. » — Michel Biron

1983
Maryse
de Francine Noël
Avec Maryse, qui a 20 ans en 1968, on revit une époque charnière de l’histoire du Québec, alors en vive ébullition. Crise d’Octobre, lutte des classes, apparition du mouvement indépendantiste, montée du féminisme et bouleversement des relations amoureuses : pour cette première génération d’enfants d’ouvriers à accéder aux études supérieures, les choix se multiplient et le monde est plus vaste qu’il ne l’a jamais été. Écrit en plein désenchantement postréférendaire, Maryse observe ces bourgeons de révolution d’une façon à la fois empathique et sans pitié.
« Un portrait clair et sans concession de celles qui ont eu 20 ans en 1968 et du Québec des années 1970. » — Josée Boileau

2010
La constellation du Lynx
de Louis Hamelin
Louis Hamelin a passé huit ans à faire des recherches sur Octobre 1970 pour écrire ce livre. Il a changé les noms et utilisé la fiction pour remplir les zones d’ombre ; c’est un roman, pas un ouvrage historique. Mais le résultat se tient quand même tout près de la réalité et constitue une réelle plongée dans un des épisodes les plus tragiques du Québec.
« Dans ce récit, Louis Hamelin fait se conjuguer l’américanité gobant le rêve d’une Amérique française et l’espoir d’un nouveau pays à naître des Canadiens français qui se métamorphosent en Québécois, en réaction contre les pouvoirs économique et politique canadiens. » — Guy Sioui Durand

1984
Volkswagen Blues
de Jacques Poulin
Jack Waterman entreprend un périple vers l’Ouest à la recherche de son frère, en compagnie d’une jeune Métisse qu’il appelle la Grande Sauterelle. Son chemin le mène sur les pas de ses ancêtres, explorateurs canadiens-français lancés à travers le continent, alors que sa complice s’intéresse aux contours de son identité autochtone. Dans Volkswagen Blues, Jacques Poulin aborde l’identité québécoise par l’intermédiaire de son américanité, en examinant son passé tout en se tournant vers l’avenir.
« C’est l’épopée intime d’une Amérique retraversée, de Gaspé à San Francisco, par deux vaincus de l’histoire, un écrivain au nom de plume et une Métisse en quête de son passé. » — Michel Biron

1985
Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer
de Dany Laferrière

2005
Nikolski
de Nicolas Dickner
À son histoire de jeunes déracinés en quête de filiation, Nicolas Dickner entremêle une bonne brassée de thèmes qui touchent la nouvelle génération des années 1990 : la surconsommation, la solidarité internationale, la solitude qui grandit à mesure que la planète se branche virtuellement. Le regard de Joyce la pirate informatique, de Noah le Métis nomade et du narrateur libraire n’est pas tourné vers le passé et le Québec, mais vers l’avenir et le monde.
« Nikolski marque le début d’une sorte de renaissance de la littérature québécoise. Dans un style unique, il nous présente un Québec qui se déploie vers des horizons inattendus, se construit et s’invente à chaque page. » — Dominique Fortier

1991
Passages
d’Émile Ollivier
Un mystérieux narrateur relate la dérive continentale d’Amédée Hosange et de Normand Malavy, voyageurs marqués par le drame de leur Haïti natale, déchirée par la dictature. En faisant se croiser ces deux hommes allant de Port-au-Prince à Montréal en passant par Miami, et vice-versa, Émile Ollivier raconte comment les immigrés haïtiens sont toujours hantés par les malheurs qui ont frappé (et frappent encore) leur pays d’origine.
« Avec Passages, Émile Ollivier signe la première grande saga sur la rencontre entre Haïti et le Québec. » — Stanley Péan

2014
La déesse des mouches à feu
de Geneviève Pettersen
On est en 1996, à Chicoutimi-Nord, et Catherine, 14 ans, dérape à la suite du divorce de ses parents. Tout ce qui compte maintenant pour elle, ce sont les virées au centre commercial pour attirer l’attention des « skateux », les partys dans les bois entourant la ville, les trips au PCP qui durent des jours. Cette spirale étourdissante culminera avec le grand déluge du Saguenay, qui frappera en juillet de cette année-là. Le ton intense typique des adolescents, les références à l’époque (Kurt Cobain, Pulp Fiction…) et le vocabulaire authentiquement saguenéen donnent l’impression d’un voyage dans ces derniers temps pré-Internet, à la fois proches et lointains.

1998
Le bonheur a la queue glissante
d’Abla Farhoud
Abla Farhoud donne la parole à Dounia, une Québécoise d’origine libanaise qui se remémore sa vie marquée par la violence de son père et de son mari, dans son pays natal, puis à Montréal.
« Le Québec, c’est aussi ces femmes silencieuses — isolée dans son foyer, Dounia n’a jamais appris le français — que ce roman vrai et touchant, ponctué de proverbes arabes, nous fait voir de l’intérieur. » — Lori Saint-Martin

2002
Le cœur est un muscle involontaire
de Monique Proulx
C’est avant tout une histoire d’amour, de deuil et d’apprentissage. Mais il y a aussi un portrait de génération dans ce récit d’une jeune femme qui crée des sites Web pour des artistes découvrant le tout nouveau pouvoir d’Internet, qui a du mal à nouer une relation amoureuse et qui deviendra véritablement une adulte en se mettant sur la piste d’un mystérieux auteur refusant la célébrité.
« L’enquête de Florence sur ce “plagiaire” qui pille la vie des autres pour nourrir ses livres tient autant de l’hommage à Réjean Ducharme que du polar existentiel. » — Stanley Péan

2001
Putain
de Nelly Arcan
Entre deux clients, une étudiante en littérature qui travaille comme escorte écrit sur ses obsessions, ses douleurs, ses souvenirs, ses angoisses. Près de 20 ans avant #moiaussi, Nelly Arcan a donné un véritable coup de poing dans notre conception de la féminité et des rapports entre les sexes.
« Nelly Arcan remet en question la place de la femme dans notre société, elle qui était prisonnière de son image, de l’image que l’on veut bien avoir des femmes. Preuve qu’elle avait en partie raison, on a accueilli son roman en ne parlant pratiquement que de la prostitution (l’anecdote), alors que c’est un puissant plaidoyer pour libérer la femme du carcan social. » — Éric Simard

2009
Ru
de Kim Thúy
Le premier roman de Kim Thúy, inspiré de sa propre vie, raconte l’arrivée au Québec d’une famille de réfugiés vietnamiens ayant fui la dictature communiste dans les années 1970. Souvenirs de la vie d’« avant », traumatismes de la traversée en bateau et du passage dans un camp en Malaisie, puis arrivée à Granby en plein hiver : par mille détails, Kim Thúy nous aide à comprendre ce qu’a vécu cette communauté qui s’est durablement implantée au Québec. Par ailleurs, elle montre aussi un visage généreux et accueillant des Québécois par l’entremise de ces enseignantes, voisins et camarades d’école qui ont spontanément tendu la main à cette petite fille venue d’ailleurs.

2011
Kuessipan
de Naomi Fontaine
Par touches impressionnistes, Naomi Fontaine raconte le quotidien d’un village innu d’aujourd’hui, sans fard ni misérabilisme. Elle ne fait pas abstraction des problèmes sociaux qui pèsent sur sa communauté, mais montre aussi tout le reste : la poésie, la beauté, la chaleur et la résilience.
« Titré en innu-aimun, le roman Kuessipan est tissé d’une écriture lumineuse par l’autrice innue Naomi Fontaine, qui place l’espoir dans sa trame. Alors que s’amorce la décennie des langues autochtones décrétée par l’UNESCO, Kuessipan participe à l’actuel mouvement de décolonisation “Rien sur nous sans nous” que l’on retrouve dans la musique, la poésie, le cinéma et les arts visuels autochtones. » — Guy Sioui Durand
Cet article a été publié dans le numéro de juillet-août 2022 de L’actualité.
Il y a beaucoup de sexe, de jazz et de littérature dans ce livre où, par ailleurs, il ne se passe pas grand-chose. Mais au fil des histoires de drague de son narrateur, Laferrière offre une réflexion à la fois drôle et féroce sur le racisme, le colonialisme, la place des immigrés au Québec et les relations hommes-femmes. Un autre roman qui a fait faire un grand bond en avant à notre littérature.
« Un roman plein d’humour sur un thème gravissime, celui du racisme, revu et corrigé par un personnage qui passe son temps à lire des livres dans sa baignoire. » — Michel Biron