Toute la journée du 6 juin 2014, les yeux du monde entier seront braqués sur les plages de Normandie, où, 70 ans plus tôt, les troupes alliées ont débarqué, changeant le cours de la Seconde Guerre mondiale.
Je me souviens ? Tout le monde se souvient, ou presque. The Guardian et le Globe and Mail ont publié des documents exceptionnels qui aiguisent la mémoire et laissent mesurer le chemin parcouru depuis ces temps obscurs. Mais le 7 juin, les regards se tourneront ailleurs, en attendant le prochain anniversaire.
J’ai connu un vétéran qui vivait mal l’indifférence des Québécois et des Canadiens à l’égard du combat pour la liberté qu’il a mené avec ses frères d’armes. En ce jour de commémoration, je voudrais délaisser la Normandie pour vous parler de Montmagny et d’un de ses enfants, un héros de guerre qui nous a tous laissé un peu orphelins, en décembre dernier.
Élevé par son père veuf dans une famille de 10 enfants, Gilbert « Gilles » Boulanger n’était pas destiné à faire la guerre. Aucun membre de sa famille n’avait d’ailleurs combattu lors de la Première Guerre mondiale. Mais sa passion pour l’aventure, transmise par son grand-père, et son amour des airs l’ont poussé à s’enrôler à 18 ans seulement. Devenu mitrailleur après deux ans d’entraînement, il s’est joint aux 425 Alouette, le seul escadron canadien français de l’Aviation royale canadienne.
« J’étais en mer quand nous avons appris que les Allemands avaient rendu les armes. Bien sûr, ç’a été un moment particulier, un moment de réflexion. Un moment étrange, également. Nous avions attendu ce moment si longtemps… Et pourtant, je n’étais pas ému. Je suis allé sur le pont ensoleillé, sans comprendre pourquoi je n’étais pas joyeux. C’est alors que j’ai réalisé que je n’allais plus avoir à tuer qui que ce soit, et que personne ne viendrait me tuer. C’est là que la liberté prend tout son sens, quand vous n’êtes plus dans l’obligation de tuer des gens. »
Gilbert Boulanger, qui a raconté sa guerre dans L’Alouette affolée, avait une définition bien à lui de la liberté. Une définition fortement influencée par sa participation à un conflit qui a fait plus de 60 millions de morts, entre 1939 et 1945.
Avec l’Alouette, Gilles Boulanger est allé se battre en Tunisie, en Italie et en Algérie, avant de prendre ses quartiers en Angleterre, d’où il s’envolait pour aller bombarder l’Allemagne. Et puis, il y a eu le jour J, le D-Day, au cours duquel il a effectué deux missions, l’une étant le bombardement de Coutances, en Normandie.
« J’ai appris après la guerre, en visitant ces endroits, que cette nuit-là, plus de 300 civils avaient été tués. Quand je suis allé à Coutances, en 2007, je me suis fait dire cette chose terrible : « C’est le prix de la liberté ». Au Canada, et surtout au Québec, personne ne sait ce que cela veut dire. »
Gilbert Boulanger m’a reçu chez lui, à Sherbrooke, il y a plusieurs années. Son appartement était comme sa mémoire : truffé de souvenirs d’une époque qui ne l’a pas laissé indemne, mais qui lui a apporté le plus grand bonheur de sa vie. Généreux de sa personne et fier que l’on s’intéresse à son histoire, il m’avait raconté sa rencontre avec Marie Eileen Rees – celle qui allait devenir sa femme – lors de la veillée de Noël, en décembre 1943, en Angleterre.
« Hollywood n’aurait pu inventer une meilleure histoire, m’avait-il raconté l’œil souriant. À Tholthorpe, un petit village triste du Yorkshire, je me suis retrouvé dans une soirée organisée par les volontaires pour que nous puissions rencontrer des dames. Quand j’ai poussé la porte pour rentrer, vers 10 heures du soir, j’ai vu cette femme en uniforme – elle faisait partie de la Force féminine auxiliaire de la Royal Air Force. Elle était blonde et portait les cheveux longs, ce qui était inhabituel car les femmes devaient normalement avoir un chignon. Je me suis alors dit qu’elle manquait de discipline, et que j’allais donc beaucoup l’aimer ! Je suis allée la voir et je lui ai dit : « Madame, vous vous trouvez sous une branche de gui. Selon la tradition britannique, à laquelle je dois me plier, cela veut dire que vous voulez être embrassée ». Elle s’est alors tournée vers moi et m’a répondu : « Monsieur, j’ai pour habitude de respecter les traditions britanniques. » Nous nous sommes embrassés, puis nous sommes allés danser, et nous avons ensuite été mariés pendant 56 ans. »
Le 30 décembre dernier, Gilbert Boulanger s’est éteint à l’âge de 91 ans.
Dans un documentaire qui lui est consacré, « Gilbert Boulanger, Aviateur de guerre », il s’emportait contre les siens, au moment de parler aux enfants de Courseulles-sur-Mer, ville normande qui a baptisé une école à son nom.
« Vous donnez mon nom à votre école, et vous vous souvenez. Mais chez moi, le devoir de mémoire, ça n’existe pas. »
À l’heure des commémorations du 70e anniversaire du Débarquement, les Alliés se souviennent de leur rôle dans la défaite de l’Allemagne d’Adolf Hitler. Les États-Unis éprouvent beaucoup de fierté à se remémorer leur heure de gloire. Mais, au Canada, qui se souvient réellement des héros comme Gilbert Boulanger ?
On pourrait ajouter les Paul Triquet, Jean-Charles Forbes, Dollard Ménard et l’incroyable Léo Major.
L’un des problèmes c’est que ces héros ont souvent été instrumentalisés par Ottawa pour nous vendre le plus-meilleur.
Ménard, rare exception qui s’est révolté en 1980 contre le régime, a été excommunié.
C’est avec des gens plus-meilleurs qu’on fait un pays plus-meilleur. Et vous n’en n’êtes pas. Vous devriez avoir honte de votre commentaire.
Moi, je me souviens très précisément de Gilbert Boulanger.
Je n’ai peut-être pas de mérite car je l’ai connu, j’avais environ neuf ans (il habitait à côté de l’école Leblanc, que je fréquentais avec son fils Philippe, mon ami d’école), sur la rue Ontario, à Sherbrooke. Son épouse, Britannique (j’ai découvert ci-haut son nom), m’avait parlé de son pays, l’Angleterre, de comment elle avait rencontré son mari, et tout et tout, et lui m’avait parlé de ses exploits en avion pendant la guerre. Enfant, j’ai été fasciné par l’homme pour ses accomplissements. J’ai toujours eu un immense respect pour lui, même au moment où nous étions tous deux agents de voyages à Sherbrooke, lui patron d’une agence, moi employé de son plus grand concurrent. Son décès m’avait beaucoup touché. J’ai toujours une petite pensée pour l’homme à chaque fois que je passe devant cette maison de la rue Ontario où, grâce à mon amitié solide avec son fils, je fus invité à entrer plus d’une fois.
On a occulté cette période au Québec, parce que le discours nationaliste ne retient, encore aujourd’hui, que les opposants à la guerre « impérialiste » britannique et les crises de la conscription, élevées au rang de l’épopée nationale. Cet aveuglement volontaire continue de nourrir encore aujourd’hui la trame historique québéco-québécoise devant mener, inéluctablement, à l’indépendance de la Nation. De la Grande Guerre, on ne retient encore aujourd’hui dans les cercles nationalistes que les quelques morts des émeutes de Québec contre la conscription en 1917, l’emprisonnement du maire de Montréal (C.Houde) au début de la deuxième guerre, et les quelques envolées oratoires d’André Laurendeau ou de Jean Drapeau en 1944.
Ces hauts « faits d’armes » sont pourtant bien peu en regard des sacrifices des milliers de volontaires canadien-français, partis défendre nos libertés sur le vieux continent, que ce soit sur terre, à Passchendaele, Vimy, Courcelette, Casa Berardi, Caen, Falaise, les bouches de l’Escaut…, ou sur mer (convois atlantiques, Mourmansk), ou dans les airs. On pourrait aujourd’hui relater les exploits de héros comme Paul Sauvé, Pierre Sévigny, Paul Triquet, et plusieurs autres, mais apparemment, cela lancerait un « mauvais message ». Parlons plutôt de Louis-Joseph Papineau, après une introduction par Bernard Landry… et portons aux nues les patriotes.
Cet aveuglement volontaire, pour des raisons politiques ou idéologiques, est lamentable. Ces héros se sont justement battus pour mettre fin aux excès d’un nationalisme exacerbé, et aux idéologies mortifères. Prenons-en acte.
Vous avez vu comment ils ont traité Ménard en 80? Le héros est devenu un traitre. Idem pour Major.
Ce sont les fédéralistes qui n’ont cessé d’utiliser ces héros pour faire de la propagande contre les séparatistes, le sommet ayant été atteint en 80 justement lorsqu’ils ont osé comparer le nationalisme québécois au nazisme
Un jour, j’espère on va revenir à l’essentiel: les Québécois se sont battus héroiquement pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ils méritent tous nos respects.
Les seuls héros de la deuxième guerre mondiale qui soient valables aux yeux des nationalistes, seraient-ils ceux qui ont voté oui à un référendum? Je retiens tout de même votre souhait de voir honorés tous les québécois qui se sont battus en Europe: francophones, anglophones, autochtones (eh oui!), ou immigrants de fraîche date. En 1939-1945, il ne s’agissait pas de voter ou non pour l’indépendance du Québec, mais d’aller au secours des démocraties européennes.
Pantoute. C’est vous qui n’arrêtez pas de faire de la politique avec nos héros. J’ai le plus grand respect pour tous les Québécois qui sont allés se battre bravement dans une guerre qui ne nous regardait pas (les Américains ne se sont impliqués qu’en 42, après avoir été attaqués). Arrêtez de nous les servir en exemple comme ennemi du nationalisme qu’ils ont combattu. C’est odieux de comparer la lutte des Québécois pour avoir un pays avec le nazisme d’Hitler.
Nous, les Québécois, nous sommes allés au front parce que le Canada y allait. Le Canada y allait parce que la Grande-Bretagne y allait. La GB avait un traité de défense avec la Pologne. Lorsque la Pologne a été envahie, la guerre s’est ainsi déclenché. Mais lorsque 2 semaines plus tard, l’Union Soviétique a envahi la Pologne personne en Angleterre a eu idée de déclarer la guerre à Staline! lol
Démocrates européennes? Notre principal allié était l’Union Soviétique de Staline, le pire monstre du 20e qui avait affamé 9 millions d’Ukrainiens (l’Histoire se répète) et mis 20 millions de personnes dans les Goulags.
Faites-moi rire avec les démocraties. C’était de la pure propagande.
Merci de traduire ma pensée. Continuez monsieur St-Cyr.
Quel beau résumé de la vérité pure sur ces évènements. Merci de nous partager toutes ces informations pertinentes. Nous n’en savons jamais assez. Bonne fin de semaine et merci.