
Femme forêt
d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Les livres où la pandémie se fraie un chemin sont déjà bien présents, mais c’est assurément dans celui-ci qu’on trouve les propos les plus lumineux. L’autrice y raconte le quotidien de deux familles parties s’enfermer dans une maison centenaire, à l’orée d’une forêt. On renoue avec la nature et les souvenirs dissimulés en rencontrant les voisins de ce rang éparpillé. La belle folie des enfants — et parfois leur grande sagesse — étonne et ravit. À la fois cru et tendre, c’est un texte qui accroche le cœur. (Marchand de feuilles, 294 p.)

L’omission
de Suzanne Mercier
Évelyne a plus de 60 ans quand on lui annonce le décès de Philippe, son frère qu’elle n’a jamais connu. Autiste et aussi atteint de déficience intellectuelle profonde, il habitait depuis quelques années chez une famille d’accueil, après avoir vécu l’internement puis la désinstitutionnalisation. Retracer l’histoire de cet homme se fera-t-il sans heurts ? Comment déterrer en douceur les secrets de famille, sans se déconstruire complètement? Un premier roman qui réussit le pari de faire parler ceux qui accompagnent les laissés pour compte. (Hamac, 280 p.)

L’homme-miroir
de Lars Kepler
Un bon polar scandinave bien dodu, parfait pour des vacances hivernales ! Et l’histoire est à la fois captivante… et brutale. Une adolescente, Jenny, disparaît à la sortie des classes. Son cadavre est retrouvé dans un parc cinq ans plus tard. En remontant le fil des événements, on découvre qu’elle était retenue prisonnière dans un repaire avec d’autres filles qui tentent de survivre malgré les traitements atroces. Mais personne ne s’intéresse à elles, sauf peut-être l’enquêteur Joona Linna, personnage phare de Lars Kepler, pseudonyme d’un duo d’auteurs suédois. (Actes Sud, coll. « Actes noirs », 528 p.)

Ciels parallèles
d’Henri Chassé
Ce premier roman du comédien Henri Chassé — publié par une toute nouvelle maison d’édition québécoise — a un petit quelque chose de poétique. Le quotidien de trois personnages (Thomas, un ancien disquaire ; Lester, un musicien de jazz ; et Geneviève, une jeune caissière) est marqué par une quête d’identité profonde qui s’incarne différemment chez chacun d’eux. Ponctué par l’amour de l’auteur pour la musique et la littérature, ce court roman en chassés-croisés aborde l’étonnante fragilité des liens familiaux. (Mains libres, 171 p.)

Les coups de dés
de Sean Michaels
La vie de Theo Potiris est constituée de hasards, certains heureux, d’autres moins. Employé dans l’épicerie familiale, il parie à l’hippodrome et présente des monologues comiques à La banane dans l’oreille. Quand la chance lui fait défaut, il plaque tout pour se joindre à une organisation qui, grâce à l’analyse de données sportives, vise à remporter des paris coûte que coûte. Mauvaise idée… Si le rythme du récit est inégal, son foisonnement de détails est franchement épatant. Pour qui est prêt à suivre les détours proposés par l’auteur, la lecture s’avère dépaysante à souhait. (Alto, 408 p.)

Football-Fantaisie
de Zviane
Fred et Annabelle s’enfuient du laboratoire d’un scientifique fou et échouent à Football-Fantaisie, une petite ville insulaire où l’on parle une langue que les deux fillettes ne comprennent pas du tout (et nous non plus, mais c’est franchement amusant de lire ces phrases décousues !). En trame de fond, des élections, des révoltes étudiantes, de l’amour, des poursuites… et plus encore ! Dans ce costaud roman graphique, la bédéiste québécoise Zviane (L’ostie d’chat, entre autres) joue autant avec les codes linguistiques que les codes graphiques, avec toute l’intensité qu’on lui connaît. Du bonbon ! (Éditions Pow Pow, 516 p., en librairie le 7 décembre)
Cet article a été publié dans le numéro de janvier-février 2022 de L’actualité.