Ce qui se cache derrière À qui appartiennent les nuages ?

Le livre À qui appartiennent les nuages ?, de Mario Brassard et Gérard DuBois, est en lice pour les Prix littéraires du Gouverneur général 2021 dans la catégorie Littérature jeunesse – livres illustrés.

Montage L'actualité

Mario Brassard est né en 1978. Poète et auteur jeunesse, il a notamment écrit Le livre clairière (prix Émile-Nelligan 2012), La saison des pluies (Prix jeunesse des libraires et prix TD 2012), « Séconal » (Prix de poésie Radio-Canada 2018) et Ferdinand F., 81 ans, chenille (Prix du Gouverneur général 2018 – texte jeunesse). Il vit à Notre-Dame-de-Lourdes, dans la région de Lanaudière.

Installé à Montréal depuis plus de 30 ans, Gérard DuBois exerce le métier d’illustrateur, principalement pour la presse et l’édition. Parmi ses clients : The New York Times, Entertainment Weekly et Time Magazine, ainsi que de nombreux éditeurs et agences. Son travail lui a valu plusieurs distinctions prestigieuses. Il s’est notamment vu décerner le Hamilton King Award, remis pour l’ensemble de sa carrière par la Society of Illustrators, à New York. Par ailleurs, il est depuis 10 ans chargé de cours à l’UQAM.

Comment s’est déroulée la création de cette œuvre ?

Mario Brassard : Par le passé, j’avais souvent essayé d’écrire un album, mais une phrase en appelant une autre, ça finissait toujours par prendre des proportions et devenir un animal à poils longs. Cette fois-ci, j’ai réussi à mieux concentrer ce qui devait l’être, je crois. Mais la partie la plus fascinante de la création de ce livre a commencé bien après, lorsque Gérard a pris le relais. Pendant environ deux ans, j’ai eu le privilège de voir évoluer son travail, chaque fois soufflé par le résultat. Les mots sont alors devenus autre chose que des mots à travers son regard si évocateur. Gérard n’a pas illustré le texte ; il l’a habité. 

Gérard DuBois : Le texte de Mario Brassard m’a immédiatement conquis ; l’histoire collait en plein à mes goûts par son ton et sa poésie, par son thème, par ses espaces de liberté de lecture, cette possibilité de choisir une version plutôt qu’une autre, dans laquelle tout n’est pas dit, pas tranché.

Il m’est apparu évident que la thématique du texte, sa poésie et le drame qui s’y jouait demandaient une forme narrative plus développée.

Une forme qui rendrait compte des souvenirs de Mila, cette jeune femme devenue adulte se remémorant sa jeunesse, sa déportation, son exil, la guerre, sa famille, ou encore du souvenir de ce flot continu de nuages sombres, ou plutôt de panaches de fumée des villages en feu, omniprésents, charbonnant tout l’espace ; un environnement où le gris domine, où les nuages blancs ne sont plus que des rêves salvateurs dans la vie de Mila, ses seuls instants d’évasion et de bonheur.

Des images qui pourraient dire les silences et surtout les doutes qu’elle-même entretient, du fait de ses souvenirs d’enfant, lointains, des propos alors volontairement rassurants des adultes, de sa mémoire faisant défaut ; car qui veut se souvenir de l’horreur telle qu’elle était ?

Avec ce texte, j’avais la volonté d’exprimer les lenteurs du temps qui passe, les divagations mémorielles, de temporiser, de trouver le moyen d’exprimer tout autant la vie qu’elle pense rêver que celle qu’elle croit vivre ; arriver par des moyens graphiques, des jeux formels, par le traitement de la couleur, mais aussi avec le rythme et l’étirement sur davantage de pages, à mélanger ces deux perceptions parallèles, afin de rendre compte de l’aspect éthéré de ses souvenirs.

Quel message vouliez-vous faire passer ?

Mario Brassard : Je vous avoue que je n’ai pas écrit ce livre en pensant à un « message » en particulier. Je cherchais plutôt à créer une certaine atmosphère rappelant l’insomnie, à marcher en compagnie du personnage de Mila sur la mince ligne qui sépare le sommeil de la réalité. Mais par-dessus tout, je voulais explorer le flou qui entoure parfois certains souvenirs d’enfance plus difficiles. Écrire sur le poids de la mémoire, sur la place que peut occuper le passé dans le présent, même lorsque celui-ci est paisible, heureux. J’ai toujours aimé les histoires de résilience, et je suppose que c’en est une.

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Un extrait du livre À qui appartiennent les nuages ?