Membre de la nation Innu-Montagnaise, Maya Cousineau Mollen a été adoptée de façon traditionnelle par des parents québécois. Avec leurs encouragements, elle commence à écrire de la poésie dès l’âge de 14 ans. D’abord publiée dans des anthologies et des revues littéraires, elle lance son premier recueil de poésie, Bréviaire du matricule 082, en 2019 (Hannenorak). Elle a aussi signé une nouvelle du recueil Amun (Stanké, 2016) sous la direction de Michel Jean. Depuis plus de 20 ans, elle s’engage auprès des Premiers Peuples, d’une foule de manières et sur une multitude de sujets : jeunesse, itinérance, culture et architecture.
Comment s’est déroulée la création de ce livre ?
L’écriture de mon recueil fut lente et suivait l’actualité dans le monde des Premières Nations. J’étais à l’écoute de mes émotions et ce qu’elles m’inspiraient. Je libérais aussi mes douleurs et cette colère. Mon iPhone était mon calepin de l’écrivain.
Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre ? Quel message vouliez-vous faire passer ?
Je souhaite que l’on retienne cette histoire partagée et que l’on garde cette curiosité que je suscite, que les Premières Nations suscitent. Je fais ma part comme ambassadrice, car je crois ce travail nécessaire afin que mes neveux et nièces évoluent dans un monde différent du mien.
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Un extrait de Enfants du lichen
LE SUICIDE DE SEDNA
Sans doute es-tu parmi les étoiles
Gotha de la cosmogonie
Qui guide son peuple
Tu as pris un chemin sans détour
Décision brutale et sans appel
Gutturale, ta voix résonnait
Renforçant une langue millénaire
Nation de neige, cristaux éphémères
Peuplade régnant sur les eaux froides
Chevauchant les ours polaires
Prise dans les filets des noirceurs
Des vilenies envieuses
Avais-tu toi aussi cette fragilité
Pouvant nous être mortelle
À trop ouvrir son cœur
À ceux qui n’en ont plus
À trop s’ouvrir
Le cœur en meurt
Enclos de vains sursauts de révolte
Quand elle se dit rendue là
Son souffle à rebours
Au-delà, elle est attendue
Je sens la mouvance des aïeux
Leur impatience de toucher la flamme
Sa petite main frêle cherche ma force
Celle que je fouette chaque matin
Sous mon sourire, ma rage
Sous ma tendresse
Repose l’impuissance
Sentir le souffle des ancêtres
Retrouver dans le vestige des traits
Son appartenance territoriale
Revoir dans ce visage de Nukum
Ciselé comme une sculpture
Un futur d’incertitude
Dans le sourire de Mushum
L’espoir indompté
D’un avenir de reconnaissance
Quand je me regarde
Dans ce miroir colonial
À l’image de l’Indienne
Se substitue celle de la femme
Qui écrit
Se tient debout
Et rêve en prose
Dans les jours à venir, je serai lassitude
En quête d’un minime espoir
Chaque petite perle apposée
Sur cette œuvre in memoriam
En vos mémoires, mes sœurs perdues
Une vaine prière pour un retour impossible
Il vous reste un territoire-linceul
Brodé de la soie du lichen
[…]