Ce qui se cache derrière Havre

La pièce Havre, de Mishka Lavigne, est en lice pour les Prix littéraires du Gouverneur général 2019 dans la catégorie Théâtre. 

Mishka Lavigne a écrit Cinéma, produit en 2015 par le Théâtre la Catapulte et le Théâtre Belvédère et publié aux Éditions l’Interligne ; Vigile, produit en 2017 par le Théâtre Rouge Écarlate en collaboration avec le Théâtre du Trillium; et Havre, créé par la Troupe du Jour de Saskatoon et joué au POCHE/GVE à Genève, et publié aux Éditions L’Interligne en 2019. Elle signe aussi un texte en anglais, Albumen, produit à Ottawa en mars 2019 dans le cadre de la série TACTICS. Son texte Copeaux sera produit en mars 2020 par le Théâtre de Dehors, appuyé du Théâtre la Catapulte et des Créations In Vivo. Elle signe, de plus, plus d’une douzaine de traductions de théâtre et de poésie, tant en français qu’en anglais.

Comment s’est déroulée la création de l’œuvre ?

Avec Havre, j’ai eu la chance de bénéficier d’une résidence d’écriture au Banff Centre en février 2015. J’ai ensuite continué mon travail en tant qu’autrice en résidence du Théâtre la Catapulte d’Ottawa pour la saison 2015-2016. Trois mises en lecture du texte ont eu lieu en 2016 : au Festival du Jamais Lu de Montréal, au Feuilles Vives à Ottawa et aux Francophonies en Limousin en France. La création du texte a eu lieu en septembre 2018 à la Troupe du Jour de Saskatoon, dans une mise en scène de David Granger et une production a ensuite eu lieu en janvier 2019 en Suisse au POCHE/GVE et au Théâtre populaire romand dans une mise en scène d’Anne Bisang. Le texte est aussi traduit en anglais et en allemand.

La première inspiration pour Havre vient d’un questionnement autour de ce qu’on laisse derrière nous quand on meurt : ce qu’on laisse derrière nous en tant qu’artiste, mais aussi en tant qu’humain. En plus de mes réflexions sur le deuil, sur l’absence, je me suis demandé comment vivre le deuil d’une figure publique quand elle est pour nous une figure privée. Autour de Havre, il y a aussi la guerre de Yougoslavie et le siège de Sarajevo. C’était la guerre en arrière-plan de mon enfance, des images qui m’ont marquée. Et des histoires que j’ai entendues plus tard, par des amis ayant immigré au Canada suite à cette guerre.

Ce qui rassemble Elsie et Matt, c’est l’absence.

Ce qui unit Elsie et Matt dans Havre, c’est l’amitié. L’amitié nécessaire, ceux à qui on s’accroche quand tout s’écroule, ceux qu’on rencontre au moment de notre vie où on a le plus besoin d’eux. Je trouve que l’amitié est une chose que l’on voit peu sur scène et, avec Havre, je voulais parler d’une amitié qui naît, même dans un moment sombre.

///

Un extrait de Havre

PROLOGUE

Une grande inspiration.

ELSIE
MATT
Le 14 juin.

ELSIE
À 5 h 21 le matin.
Heure avancée de l’Est.

MATT
À 11 h 21 le matin.
Heure d’été de la Grande-Bretagne.

ELSIE
Ottawa.
La Côte-de-Sable.

MATT
Londres.
Aéroport d’Heathrow.

ELSIE
Un immense bruit
comme une explosion.
C’est assez pour réveiller les morts.
Le 14 juin, au bout du cul-de-sac, un énorme trou déchire l’asphalte et une voiture qui était stationnée dans la rue tombe dedans, tout droit vers le bas. Une voiture rouge.

MATT
Le 14 juin, un homme attend, café et passeport en main, gate forty-two. Il a voyagé toute la nuit. Il tombe de fatigue.

ELSIE
Dans la voiture rouge qui s’est écrasée dans le trou à 5 h 21, il y avait personne. Seulement un vieil exemplaire taché de

ELSIE
MATT
café…

ELSIE
du roman Havre de Gabrielle Sauriol.

***

Havre, par Mishka Lavigne, Les Éditions L’Interligne