Ce qui se cache derrière La course de Rose

Le roman La course de Rose, traduit par Daniel Grenier, est en lice pour les Prix littéraires du Gouverneur général 2021 dans la catégorie Traduction.

Montage L'actualité

Daniel Grenier est écrivain et traducteur. Son premier roman, L’année la plus longue (2015), a remporté le Prix littéraire des collégiens. Au cours des dernières années, il a fait paraître un essai sur l’écrivain et photographe Wright Morris, La solitude de l’écrivain de fond (2017), et un deuxième roman, Françoise en dernier (2018). Il vit à Québec.

Comment s’est déroulée la traduction de ce livre ?

Ah, quel bonheur de retrouver Dawn Dumont et de me retrouver dans sa prose ! C’était le deuxième livre de cette autrice crie des Plaines que je traduisais, et je viens d’en terminer un troisième. C’est peu dire que je me sens chez moi quand je travaille ses textes. Je me sens en bonne compagnie, à la fois guidé par une experte de la narration très consciente de ses effets et laissé libre de mes mouvements par une grande écrivaine qui a confiance en elle.  

Quel message avez-vous retenu de ce livre ?

J’aime lire et traduire Dawn Dumont parce que les messages de son œuvre sont nombreux et conflictuels, comme dans la vie. La course de Rose est un roman truffé de faux enseignements sur la résilience et la prise en charge du bonheur, mais aussi de vrais accidents de parcours qui nous obligent à changer de direction inopinément. J’ai aussi retenu que si une Rêveuse se pointe sur mon parcours, il vaut mieux que je sache courir aussi vite que Rose Okanese.  

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Un extrait de La course de Rose

Rose savait que ce qui l’attendait de l’autre côté de cette porte changerait sa vie. Pas parce que Gilbert ne l’avait jamais trompée auparavant, bien sûr qu’il l’avait trompée auparavant, c’était une vedette rock. Mais avec quelqu’un de sa famille ? Sous son propre toit ? Rose a posé la main sur la poignée et s’est arrêtée pour réfléchir une seconde. Était-ce vraiment nécessaire de savoir ? Elle pourrait prendre une serviette de bain dans l’armoire et aller se doucher, ça leur laisserait le temps d’ouvrir eux-mêmes la porte pour voir si le champ était libre. Michelle se faufilerait dehors sans se faire voir et dirait ensuite : « Wow, vite comme l’éclair. » Oui, et tout le monde pourrait faire comme si tout allait sur des roulettes. Fait semblant que ça marche jusqu’à ce que ça marche, comme on dit, n’est-ce pas ?

C’était incroyable de penser au nombre de secrets qu’on pouvait cultiver, même dans une si petite maison.

Rose était déjà en train de s’éloigner de la porte lorsqu’elle a senti une pression dans son dos, comme une main qui la poussait à agir. Si on lui demandait si c’était le courage ou la curiosité qui l’avait convaincue d’ouvrir la porte, elle aurait répondu : aucun des deux. C’était une question d’instinct et rien d’autre.

Tout nu à l’exception de ses boxers, ses stupides boxers Budweiser usés à la corde, Gilbert était debout devant la fenêtre, où deux fesses de femme étaient en train de disparaître. Rose s’est approchée au pas de course, mains tendues, et a raté de près une cheville. Gilbert l’a attrapée par le bras.

— Fais-lui pas mal.

De sa main libre, Rose lui a envoyé une bonne taloche. Plus sur la mâchoire que sur la joue, sans le claquement satisfaisant, mais elle n’avait pas le temps de s’offrir un deuxième essai. Elle s’est penchée dans le cadre de la fenêtre et a aperçu les cheveux gonflés par le vent de Michelle, qui tournait le coin de la maison.   

Les commentaires sont fermés.

J’ai adoré ce livre et c’est en partie grâce à la traduction de M. Grenier car il a le don de rendre en français ce monde assez spécial des communautés autochtones du pays. Je suis fatigué des traductions franchouillardes de France d’auteurs nord-américains alors que le français québécois est tellement près de ce monde qui nous entoure. En tout cas, les livres de Mme Dumont sont à lire car on y retrouve aussi ce genre d’humour un peu sarcastique qui est tellement typique des peuples autochtones d’ici.