Ce qui se cache derrière La part habitée du ciel

Le recueil La part habitée du ciel, de Michel Létourneau, est en lice pour les Prix littéraires du Gouverneur général 2019 dans la catégorie Poésie. 

Michel Létourneau est né à Québec en 1959. Il habite à Rivière-du-Loup depuis une quinzaine d’années. Ses poèmes sont souvent habités par le souffle du fleuve et celui des montagnes. Il a publié jusqu’à maintenant neuf recueils de poésie. Il poursuit depuis plusieurs années sa quête d’une écriture qu’il voudrait la plus juste et la plus vraie possible. Les thèmes qu’il affectionne sont l’enfance, l’angoisse, la peur, mais également l’émergence d’une lumière, d’une volonté commune de résister aux forces de toutes sortes qui nous cantonnent dans le désespoir.

Comment s’est déroulée la création de l’œuvre ?

Pour mon recueil La part habitée du ciel, je n’avais pas de plan d’écriture préétabli. À vrai dire, je n’en ai que rarement! L’écriture de ce livre s’est déroulée pierre par pierre, une phrase me venait puis une autre et ainsi de suite.

Dans la première partie du recueil, c’est le nous qui parle. Le premier poème commence en effet ainsi :

Nous nous précipitons
dans les treillis du jour…

Je tente donc d’exprimer ce que nous vivons de commun en tant qu’humains aux prises avec nos angoisses, nos dénis, nos illusions, etc. Concernant, la deuxième partie, je dirais qu’elle m’est plus personnelle puisqu’elle relate mon enfance, mon quartier, mes espoirs d’alors, etc.

J’aime beaucoup ce recueil, car en plus de traiter de ma vision du monde, je m’y dévoile effectivement un peu plus que dans mes recueils précédents et cela m’a fait du bien!

Pour moi, écrire comporte toujours évidemment une part non négligeable de travail et… de doutes! Ce recueil n’y fait pas exception, mais je sens que je l’ai écrit avec une certaine sérénité et que les mots qu’il contient traduisent avec passablement de justesse ce que j’avais envie de partager.

Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de ce livre ? 

J’espère que les gens vont se reconnaître dans mes textes, qu’ils se sentiront concernés par mes propos. Je voudrais surtout que mes poèmes les touchent, et cela, même si le sens peut parfois leur échapper en partie. Mon message, si j’en ai un, c’est que nous devons poursuivre notre quête tant personnelle qu’universelle. À cet effet, je crois que les mots nous aident à nous relier les uns aux autres et à mieux nous comprendre.

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Un extrait de La part habitée du ciel

des bateaux
très haut perchés au large
la neige qui tombe si belle
la dorure de ceux qui s’aiment
dans un champ de ruines
mais plus près
il y a encore des enfants
qu’on retourne
entortillés dans les masures

nous ne sommes pas encore revenus
de la torpeur des landes
de nos petites morts
qui passent
transparentes sous les tonnelles
de nos déplacements
sur le bois laqué de la nuit
nous cherchons le dernier ange
à nous avoir regardé dans les yeux

nous ne nous souvenons plus
de qui nous sommes
empêtrés dans nos inventions
nous cherchons de nouveaux assemblages
du turquoise des auras
le perclus des dimanches
nous glissons
dans le sommeil d’un train en marche
rien ne nous ressemble plus
que des petits pas de porcelaine

l’ancrage du ciel
notre endurance
ces relents de guerre
nos consentements
tout cela
que nous épongeons sur le comptoir

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La part habitée du ciel, par Michel Létourneau, Écrits des Forges