Fils de deux enseignants, Jean-François Sénéchal est né au milieu des livres. Après des études en anthropologie et quelques textes sur Haïti, il retourne à ses premières amours et se consacre à la littérature. Il a été plusieurs fois en lice pour le Prix jeunesse des libraires du Québec, qu’il a remporté avec Au carrefour. Pour ce dernier roman, ainsi que pour Feu, il a été finaliste des Prix littéraires du Gouverneur général. Il a également été en lice pour le Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal et lauréat du Prix Adolecteurs et du prix Bernadette-Renaud pour Le boulevard, qui figure sur la liste d’honneur 2018 de l’International Board on Books for Young People (IBBY). Jean-François Sénéchal a reçu du Conseil des arts du Canada le prix Joseph-S.-Stauffer 2017 en littérature. Les droits de son roman Le boulevard ont été vendus en France et en Italie.
Comment s’est déroulée la création de ce livre ?
Avec Les avenues, j’ai donné une troisième et dernière fois la parole à Chris, le héros de ma trilogie. Les autres personnages rencontrés dans les deux premiers tomes font eux aussi un dernier tour de piste, ce qui m’a permis de leur dire adieu, je dois dire avec émotion. Mais mes personnages sont maintenant en bonnes mains, celles des lectrices et des lecteurs, alors je pense pouvoir quitter avec sérénité cette aventure qui m’a demandé cinq ans de travail.
En créant cette trilogie, en particulier Les avenues, j’avais la préoccupation de ne pas me répéter, et aussi de faire en sorte que le regard de Chris sur le monde demeure toujours neuf et pertinent, en premier lieu pour moi-même. Il n’y a sans doute rien de pire que de s’ennuyer en écrivant, pour ensuite ennuyer les autres… C’est pour cette raison que Les avenues est pour moi une œuvre à part entière et non pas seulement le troisième tome d’une série.
Avec Les avenues, j’ai voulu explorer d’autres moments dans la vie de Chris, avec ce qu’ils comportent d’enjeux nouveaux, particulièrement ceux en lien avec la parentalité. J’ai aussi voulu que la relation entre Chris et sa mère évolue en profondeur afin que les deux personnages puissent enfin trouver la place qui leur revient dans la vie de l’autre. Au final, je souhaitais tout simplement que ce troisième et dernier tome soit mon meilleur roman.
Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre ? Quel message vouliez-vous faire passer ?
Je crois que le monde actuel manque cruellement de bienveillance et d’empathie. Il ne faut pas être trop crédule, bien sûr, mais j’aime penser que par-delà les erreurs et les mauvais pas, nous avons tous droit à une nouvelle chance. Au pardon. J’espère que mon roman permet de mieux le faire valoir.
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Un extrait du roman Les avenues
Quand Joseph est né, je t’ai envoyé une carte. Papa avait trouvé ton adresse à Vancouver, pis il pensait que c’était une bonne idée de t’annoncer la bonne nouvelle. Moi aussi, je trouvais que c’était une bonne idée, ça fait que je suis allé à la pharmacie. C’est pas facile à choisir, une carte, surtout quand on veut être sûr d’acheter la meilleure. J’en ai vu avec des lumières qui allument pis d’autres qui font des bruits d’animaux. Y en a même qui font des jokes cochonnes, j’en reviens pas que les magasins vendent ça.
J’ai lu beaucoup de cartes, j’ai ri en masse, pis j’ai pas vu le temps passer. Mais il fallait que je me décide, ça fait que finalement, j’ai acheté une carte où c’était écrit « C’est un garçon ! », avec un dessin de bébé dans une couche. J’ai trouvé que le bébé ressemblait à Joseph, ça tombait bien. Dedans, y avait beaucoup de place pour écrire, c’était parfait.
Je suis revenu chez nous en me demandant qu’est-ce que j’allais t’écrire. J’étais habitué de te parler dans ma tête, mais c’était différent d’écrire des affaires que t’allais lire, c’est sûr et certain. Chloé m’a aidé avec la carte, papa aussi, parce qu’il était revenu de travailler des États. Chloé m’a dit d’écrire qu’est-ce que je voulais te dire, j’ai trouvé que c’était un bon début. Papa m’a dit qu’il était pas tellement bon pour écrire des lettres, pis que le plus important, c’est d’écrire avec son cœur. J’étais content de savoir ça, parce que madame Toussaint m’a déjà dit que je parle avec mon cœur, pis écrire, c’est un peu comme parler, mais avec un crayon. De toute façon, j’aurais l’impression de tout le temps mentir si je parlais pas avec mon cœur, pis je finirais par me tromper dans mes menteries. Être honnête, c’est pas mal moins compliqué.