Ce qui se cache derrière Okinum

La pièce Okinum, d’Émilie Monnet, est en lice pour les Prix littéraires du Gouverneur général 2021 dans la catégorie Théâtre.

Montage L'actualité

Au croisement du théâtre, de la performance et du son, le travail d’Émilie Monnet est le plus souvent présenté sous forme de théâtre interdisciplinaire ou d’installations performatives. Sa démarche artistique privilégie les processus de création collaboratifs et multilinguistiques, et sonde les thèmes de la mémoire, de l’histoire et de la transformation. Artiste interdisciplinaire engagée, elle fonde en 2011 les Productions Onishka afin de tisser des liens entre artistes de différents peuples autochtones, toutes disciplines confondues. Artiste en résidence au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui de 2018 à 2021, elle est maintenant la nouvelle artiste en résidence à Espace GO pour les trois prochaines années. Tout récemment, elle présentait son spectacle Okinum au théâtre Centaur et au Centre national des arts, et sa nouvelle création Marguerite : le feu sera diffusée au printemps prochain. Émilie est d’origine algonquine et française et vit actuellement entre l’Outaouais et Tiohtià:ke / Mooniyaang / Montréal.

Comment s’est déroulée la création de ce livre ?

Okinum est le premier texte que j’écris. Il est né de l’envie de creuser mon rapport aux rêves et de sonder la récurrence de certains messages ou signes dans nos vies. Le point de départ de l’écriture de cette pièce, c’est la visite récurrente dans mes rêves d’un castor géant qui me souffle des paroles à l’oreille, dont j’essaie de déchiffrer la signification par le truchement d’une transposition scénique. Tout naturellement, des liens ont commencé à émerger entre les castors, les tactiques gouvernementales d’assimilation des Autochtones et mon cheminement à la suite d’un diagnostic de cancer de la gorge. Okinum veut dire « barrage» en anishinaabemowin. L’image du barrage de castor devient ici une métaphore pour signifier à la fois ce qui nous protège et ce qui nous entrave. 

Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre ? Quel message vouliez-vous faire passer ?

Dès le départ, j’avais envie de faire coexister plusieurs langues sur scène et de faire partager mon processus d’apprentissage de l’anishinaabemowin. Les langues autochtones naissent du territoire et offrent une autre vision du monde et de notre rapport à celui-ci. En jumelant cette langue au français, j’avais envie de faire des mots une musique pour faire jaillir la poésie qui, elle, est contenue dans les images.

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Un extrait d’Okinum

Ne pas être vulnérable
ne pas laisser aller
c’est pas donné à tout le monde la vulnérabilité
la vulnérabilité c’est un privilège
c’est un luxe
parce que pour survivre il faut pas que ça fonde surtout pas que ça fonde
faut pas se faire prendre au piège
surtout pas se laisser apprivoiser
parce qu’être vulnérable c’est dangereux
parce que si ça dégèle tout va se déverser

parce que si le barrage saute je ne serai plus protégée.