Patrick Roy est né en 1977 à Danville, en Estrie. Après des études à l’Université Laval pendant lesquelles il a consacré un mémoire de maîtrise à Alain Bashung et une thèse de doctorat à Michel Houellebecq, il a publié deux romans, La ballade de Nicolas Jones (2010) et L’homme qui a vu l’ours (2015), une novella, Les singes de Gandhi (2013), et un recueil de poésie, Pompéi (2020), tous parus au Quartanier. Réviseur dans une agence de communication-marketing, il vit aujourd’hui à Saint-Bruno. Il prépare de front un troisième roman, qui aura pour toile de fond sa ville natale, et un deuxième livre de poèmes, qui explorera la mort du père.
Comment s’est déroulée la création de cette œuvre ?
Pompéi s’est construit sur plusieurs années au fil d’un long processus de condensation, en se rapprochant toujours plus d’une langue terre à terre. Car je voulais signer une poésie en prise directe sur le réel, sans faux-fuyants stylistiques.
C’est un livre de filiation et de deuils, d’échecs et de recommencements. Un livre marqué par la violence ordinaire, qu’elle soit intime, professionnelle, médiatique, sociale, économique ou environnementale. C’est surtout un livre où, au fil de ses errances et rencontres, un homme apprend à sortir de lui-même et découvre son privilège : nous sommes peut-être, collectivement, au bord du désastre, mais il a le luxe d’être là pour le dire.
Et pour donner à voir ce qui autrement peut paraître anodin, ou passer inaperçu. Pompéi, c’est cette serveuse qu’insulte un client et l’amoureuse qui va voler des lilas sur le terrain d’Imperial Tobacco, ce vieil Irlandais croisé dans un cimetière avec sa femme malade et ce rasta « qui crie le nom des fleurs comme on lance des sortilèges ». On y croise aussi bien le type paniqué qui dit avoir « fait des affaires atroces à des kids » que la mère qui aide son fils à répéter ses oraux d’anglais, un barman croate aux pronostics sombres que Ghislaine, préposée bienveillante d’une centrale de rendez-vous.
Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre ?
« Le monde n’est que le monde, la seule chose qu’on ait », écrit Knausgaard. Pompéi, c’est au fond la volonté d’en rendre franchement les désillusions et la dureté, mais aussi d’en saisir les moments de clarté et de grâce qui le réenchantent et le rendent habitable. En écoutant et en observant. En posant un regard empathique sur les êtres et les événements. En demandant d’abord au langage de rendre compte.
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Un extrait de Pompéi
Nos os
Longtemps je me suis vu
insoucieux des frontières
fluide comme du beurre
fondu, voyageur
aux bras ouverts, pas ici
marié, presque rasé
entre nos murs climatisés
tu vieilliras, je vieillirai
et plus je vieillirai, plus je verrai
se déglinguer les gens que j’aime
les taches brunes sur la peau
le grisonnement des veines
les yeux de cellophane
aux iris vitrifiés
les poumons qui sifflent
les anévrismes au cerveau
mais je me ferai violence
mes deux cent six os
contre tes deux cent six os
le précipice
ta présence.