Marie-Claude Verdier est autrice dramatique et traductrice. Son premier texte, Paradise.com, a été inclus dans le spectacle Les Zurbains du Théâtre Le Clou en 1999. Sa pièce Andy’s gone est une adaptation in situ interactive avec casques audio de la tragédie Antigone. Créé par le metteur en scène Julien Bouffier, le spectacle a fait plus de 200 représentations en France ; une collaboration qui s’est poursuivie avec les spectacles La Faille et De vos yeux. Détentrice d’un diplôme en scénarisation télévisuelle de l’INIS et d’une maîtrise en dramaturgie de l’Université de Glasgow, elle est aussi dramaturge de plateau.
Comment s’est déroulée la création de ce texte ?
L’écriture de Seeker s’est déroulée sur de nombreuses années. J’ai tout d’abord eu la possibilité de faire des ateliers dramaturgiques au Centre des auteurs dramatiques (CEAD) où j’ai pu explorer les premiers jets du texte avec des interprètes. J’ai ensuite tiré profit d’une résidence d’écriture d’un mois en Belgique en collaboration avec le CED et le Théâtre du Rideau. Puis, j’ai été accueillie pour deux courtes résidences au LAB2M ainsi qu’au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec quelques partenaires de création afin de tester des idées. La pièce a connu de nombreuses versions. Le travail d’écriture s’est poursuivi en dialogue avec le metteur en scène Justin Laramée durant la création du spectacle présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui à l’automne 2021.
Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de votre pièce ? Quel message vouliez-vous faire passer ?
Mon projet était d’amener la science-fiction au théâtre. Je souhaitais utiliser le futur pour parler de nos craintes présentes. La science-fiction nous permet d’aborder des thèmes, au-delà des monstres et des robots : sur la nature de l’âme humaine, la transcendance, la réalité, ou sous une forme plus modeste, la volonté de sauvegarder la mémoire des êtres aimés.
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Un extrait de Seeker
LOMOND
[…]
Veux-tu, je vais te raconter la fois où j’ai découvert que j’étais un Seeker. J’avais huit ans
Je me rappelle du laboratoire,
Gris comme là
Les petits singes en sarraus qui étaient tous derrière la vitre à me regarder Comme là
Puis tout à coup
J’étais ailleurs
Comme téléporté
Instantanément
Sur un banc
Près d’une jeune fille
Elle tenait un parapluie
Sauf que ses mains
C’était comme mes mains
C’était d’autres mains
Plus petites
Mais je les ressentais dans les miennes
Pis ses longs cheveux noirs
Je les sentais glisser sur mon visage.
J’entendais les voitures autour
J’étais perplexe
Pis paniqué
Où est-ce que j’étais,
Moi ?
Je veux dire, est-ce que j’existais encore ?
Est-ce que j’étais un petit gars qui rêvait à une fille ?
Ou une fille qui rêvait à un petit gars ?
Pis la voix de la femme
— Lomond, tu vois Rachel ?
Quoi ? C’est qui la fille ?
— Concentre-toi. À quoi elle pense ?
Pis à ce moment-là,
Je le savais exactement
Elle récitait sa table de multiplication de douze
Dont moi j’avais aucune idée
Alors que là je la savais avec elle
Dans une clarté immédiate
Mais aussi, je ressentais
Sa tristesse pis son ennui
Comme si c’était mes sentiments à moi
J’ai raconté tout ça
Puis les images de Rachel ont disparu.
Je suis revenu en moi,
Ce que je pensais être moi
Je comprenais rien.
J’étais épuisé
Ils m’avaient rien dit
Ils m’avaient juste garroché
Direct dans un fichier
Pis observé
pour voir si j’allais comprendre
Pis à partir de ce jour-là
On a commencé à me fait lire d’autres fichiers mémoriels
Pis de toutes les sortes :
Des vols
Des meurtres
Des exécutions
Vas-y mon grand
Lis nous ça
Les avocats veulent savoir
Plonge dans la partie la plus sombre de la tête d’un humain
Suis le protocole
Mais ménage pas les détails
Sois précis
Décris-nous comment un violeur se sent
Pis sa victime
Parce qu’elle était peut-être consentante
NIAMH
Ils font faire ça à tous les Seekers ? Même aux enfants ?
LOMOND
Ils exploitent leur don.
Pis ça recommence
Encore
Pis encore
Chaque
Fucking
Jour.