Née à Montréal, Anna Babi est diplômée en cinéma du cégep de Saint-Laurent et étudie en littérature et en histoire à l’Université McGill. Depuis près de 10 ans, elle est également comme comédienne pour la télévision et le cinéma. La poésie est pour elle un outil précieux qui lui permet de se réapproprier son univers et de se réconcilier avec l’envie de création. Vivarium, qu’elle publie sous pseudonyme, est son premier livre et marque un tournant dans sa carrière artistique puisqu’il s’agit aussi de son premier projet personnel.
Comment s’est déroulée la création de ce livre ?
Je n’avais jamais écrit de poésie avant, et c’est un médium que je connaissais très peu. Puis j’ai suivi un atelier de poésie à McGill pour lequel j’ai dû commencer à écrire. Après avoir commencé, c’est comme si quelque chose en moi s’était ouvert. J’ai écrit mon recueil en une année, obsessivement, puis je l’ai retravaillé avec ma maison d’édition pendant six mois. La création du livre a été assez facile, même si elle était intense émotivement : c’est comme si elle s’imposait, que je n’avais pas le choix.
Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent de votre livre ? Quel message vouliez-vous faire passer ?
J’ai voulu écrire un livre pour que les filles se sentent moins seules. Je voulais écrire ma réalité de fille et rejoindre les autres, je veux que mes lectrices sentent que nous sommes une sororité. J’ai voulu aussi m’adresser à celles à qui je ne pourrai jamais parler.
Un extrait de Vivarium
Vous ne vous méfiez même pas de moi
qui suis plante grimpante
et carnivore
barque percée
radeau de plomb
à la fois l’ordre et le désordre
la crème de la crème et l’ordure
je suis le vent qui rouvre vos plaies
le hibou perché qui vous guette
la bactérie qui vous bouffe
ou un litre de lait suri
un pissenlit fané depuis des lustres
la rouille de vos vieux os
l’eau qui noie vos chairs
l’arme que vous possédez pourtant
qui vous perdra un jour
*
Je m’appelle l’eau grise de tous les bébés et
je m’appelle chance
je m’appelle petite soif
quand l’eau coule, quand l’eau glisse
pour laver le monde
j’ai tous les noms que me laissent mes grands-mères
celui de l’eau et celui des champs
et quand je crie je suis laide
car au creux de la déchirure
nous avons toutes le visage des monstres
*
Me voilà rebaptisée
j’écris le français comme ma mère et mes grands-mères
avec le nouveau nom que je me donne
je serai aujourd’hui ma propre grand-mère
ma propre mère
ma propre sœur
*
Un bouillon nommé glu et cristal
on m’avale à me rendre folle
d’accord la glu la porcelaine
la potion
le poison
une allumette entre deux tranches
une entaille dans le roc
un champ de certitudes
la culture de la douleur
oui un bouillon de peur humide
ce qui claque et gagne le monde