C’est rare, un style. Stéfani Meunier en a un, on le sait depuis son précédent roman, L’étrangère. C’est un style qui ne fait jamais d’esbroufe, qui se contente de peu: des phrases généralement assez courtes, presque banales (tout est dans le «presque»), où tout à coup un mot inattendu, une syntaxe un peu bancale nous avertissent que se joue là quelque chose de grave.
Ce deuxième roman, intitulé comme négligemment Ce n’est pas une façon de dire adieu, se passe pour l’essentiel à New York, plus précisément à Brooklyn, dans les dernières années de l’ère Beatles. Un jeune musicien montréalais nommé Sean, rockeur, bien sûr, vient se réfugier chez son ami new-yorkais Ralf, «homme à tout faire au cimetière Green-Wood». Il y a un chien, aussi, appelé à juste titre Lennon et qui n’est pas le personnage le moins substantiel du roman. Arrive une belle jeune femme, Héloïse, qui fait couple avec Sean. La distribution est complète. On n’y rencontre, il est important de le noter, que des personnages extrêmement ordinaires, y compris le chien, mais la romancière semble nous dire entre les lignes que nous ne perdons rien pour attendre.
Il faut dire qu’Héloïse s’est installée chez Ralf pendant que Sean jouait avec son groupe dans un bar assez miteux d’une île du Sud. À son retour, la loi du triangle amoureux, ou plutôt de la trahison amoureuse, jouera infailliblement. Il y aura un baiser, un seul, et cela suffira pour introduire la tragédie dans cette trop tranquille histoire. Un baiser passionné, presque violent, et Sean s’enfuira dans les Cantons-de-l’Est pour essayer de l’oublier. Quant à Héloïse, elle retournera à l’appartement de Ralf et… Mais la fin est trop banale et émouvante — oui, cela se peut — pour être simplement évoquée ici. Une phrase d’Héloïse suffira: «Nous n’avons pas pleuré, Ralf et moi, quand les Beatles se sont séparés.»
La vie en prose, de Yolande Villemaire, était-ce avant les Beatles ou pendant leur règne? Pour moi, qui me fiche du rock comme de ma première chemise, c’était le roman-culte de 1980, un gros roman plein de verve et d’ésotérisme, qu’on a trop vite oublié. J’en relis aujourd’hui quelques pages, et le charme opère encore. Depuis ce grand coup, Yolande Villemaire a considérablement réduit le poids de ses livres, qui sacrifient un peu trop au reportage personnel.
La voici — mais déguisée en Miliana Tremblay — faisant du tourisme spirituel en Inde. Spirituel ou non, le tourisme en Inde, ce n’est pas toujours une promenade de tout repos. Ni pour Miliana ni pour le lecteur, qui peine à se retrouver dans le dédale des routes et des noms de personnes. Il est d’ailleurs significatif que la narratrice, la voyageuse, devienne amoureuse du patron de son agence de voyages. Égarée souvent, comme nous, dans ce trop grand pays, elle harcèle le monsieur, elle dépense une fortune en appels téléphoniques à Sept-Îles, où se trouve sa fillette, appelée Adamanti, et l’Inde n’est pas pour elle l’éden rêvé. Le plus drôle de l’histoire, c’est un colloque sur la culture québécoise à l’Université Jawaharlal Nehru, où un «spécialiste de Gérard Bessette» explique les subtilités du Libraire, un autre celles de la traduction en tamoul des Belles-sœurs, de Tremblay, et où une professeure de l’Université de Goa parle de «l’écriture des femmes au Québec».
India, India, on l’aura compris, ressemble plus à un récit de voyage, plein de péripéties mineures, qu’à un véritable roman. Mais ça se laisse lire, parce que Yolande Villemaire nous fait sentir, par mille détails concrets, l’étrangeté fondamentale de l’Inde.
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Ce n’est pas une façon de dire adieu, parStéfani Meunier, Boréal, 213 p., 22,95$.
India, India, par Yolande Villemaire, XYZ éditeur, 278 p., 25$.