Entretien avec Heather O’Neill

Plusieurs éditeurs d’ici ont croisé le fer pour publier les titres en français de Heather O’Neill, écrivaine anglo-montréalaise de talent méconnue dans son propre patelin, qui a finalement arrêté son choix sur les éditions Alto. C’est Dominique Fortier qui signe la sublimissime traduction d’Hôtel Lonely Hearts, une grandiose histoire d’amour.

Photo : Julie Artacho

Les Québécois vous découvrent depuis peu, alors que vous êtes née à Montréal et que vous en êtes à votre cinquième livre publié.

J’ai d’abord fait paraître une traduction d’un premier titre en France (La ballade de Baby, 10/18) avec des dialogues… en argot parisien ! Mes amis riaient de moi, ça ne fonctionnait pas pour des personnages montréalais des années 1990. J’ai eu envie d’explorer d’autres voies, et c’est ainsi que des éditeurs québécois se sont montrés intéressés. La traduction de Dominique Fortier respecte mon essence. J’en suis très fière.

Les auteurs de langues française et anglaise sont-ils divisés en deux solitudes ?

Oui. Dans les autres provinces, la plupart des lecteurs ne connaissent pas les auteurs québécois, et c’est dommage. On se prive de tant… De plus, on ne se connaît pas tellement entre auteurs francophones et anglophones du Québec, malheureusement. Ça m’attristait que mes histoires ne soient lues que par une partie de la population d’ici.

Pourquoi cette fascination pour le Montréal des années 1930, comme vous en témoignez dans Hôtel Lonely Hearts ?

Ces années m’ont été racontées par mon père, qui a vécu cette époque-là. J’en ai rêvé toute mon enfance. Après son décès, j’ai retrouvé dans ses affaires une courte histoire que j’avais écrite à 22 ans. Je l’avais fait imprimer et relier pour l’offrir à mes proches. Ça s’intitulait The Romeo Hotel. C’est un peu la genèse d’Hôtel Lonely Hearts.

L’amour entre Pierrot et Rose, deux personnages attachants, domine votre histoire. L’amour qui n’est jamais simple…

Je suis toujours intéressée par des personnages qui sont séparés malgré eux, ça me fascine. Ça et la connivence entre deux êtres : pourquoi, même en rencontrant tant de gens dans notre vie, on tombe si rarement amoureux ? Ça ne s’explique pas. Et ça n’a rien de rationnel, bien sûr, comme le fait qu’oublier quelqu’un qu’on a aimé puisse parfois s’avérer impossible. Ça a l’air tragique comme ça, mais c’est plein de lumière.