Entretien avec Virginie Francœur

De son propre aveu, son premier roman, qui fait la part belle à la langue orale, se veut féministe. Comme quoi la pomme n’est pas tombée bien loin de l’arbre… Rencontre avec la fille de Lucien Francœur et Claudine Bertrand.

Photo : Mathieu Rivard

Pour se rebeller contre ses parents, les écrivains et poètes Lucien Francœur et Claudine Bertrand, Virginie Francœur a étudié à HEC avant d’enseigner la gestion à l’Université Laval. Mais chassez le naturel… La voilà donc avec un premier roman fort singulier entre les mains, Jelly Bean, mettant en vedette trois héroïnes peu reposantes.

Complétez la phrase : Être la fille de deux écrivains, ça ne change pas le monde, sauf que…

Je n’ai pas étudié en littérature, mais j’ai grandi entourée de livres. À l’adolescence, les gens disaient que ce serait facile pour moi si je décidais de publier, en raison des contacts de mes parents… Alors, j’ai voulu aller complètement ailleurs… et c’était pour mieux y revenir !

Les héroïnes de votre histoire, qui travaillent dans le monde des restos et des bars, ne sont pas des victimes des hommes, bien au contraire ! Votre livre est-il un roman féministe ?

Absolument. Je voulais un livre avec des femmes fortes qui ne s’en laissent pas imposer, mais sans jamais que ce soit moralisateur. Elles se relèvent de leurs embûches, elles sont tendres et bienveillantes les unes envers les autres. J’ai toujours été impressionnée par celles qui travaillent en restauration, un milieu qui n’est pas facile.

Pourquoi avoir entrepris un travail de la langue qui est près de l’oralité, loin du français dit normatif ?

Très tôt, j’ai lu des textes qui inventaient une langue, comme Le cassé, de Jacques Renaud, Le cabochon, d’André Major, etc. Je les ai piqués à mon père, il ne le sait pas… [Rire]. Ça témoigne d’une génération, et on comprend comment ils vivaient d’après la manière dont ils parlaient. Mon époque aussi se cherche dans le langage. Mes personnages disent « je fais mon close », elles ne disent pas « je fais ma caisse ». Je tenais à respecter ça.

Bien que ce roman soit très moderne, vos inspirations sont également d’un autre temps. Vous remerciez Anaïs Nin, Simone de Beauvoir…

Il s’agit de femmes qui déconstruisent le modèle féminin typique. Avec elles, on va ailleurs, et j’ai toujours aimé ça. J’ai aussi voulu faire ressortir le passage de la jeune fille à l’âge adulte, cette transition fondamentale. De plus, mes héroïnes aiment la vie, elles vivent des aventures, s’en sortent malgré tout ce qui leur arrive. Il y a chez elles une envie de vivre, une forme d’espoir…