Ésimésac: Quand Pellerin fait du Disney

J’ai acheté à reculons mon premier billet pour un spectacle de Fred Pellerin. J’y allais pour voir de mes yeux pourquoi le conteur obtenait tant de succès. Mais si j’avais pu, et j’ai bien failli le faire, j’aurais offert mon billet au premier venu… Puis j’ai vu. Et jamais plus je ne raterai un de ses spectacles. Même drame lorsque j’ai acheté son premier CD. L’appréhension a vite cédé la place à l’admiration. Et je suis fan pour la vie.

Avais-je envie de me plonger dans Ésimésac? Pas le moins du monde. Et cette fois, la conversion n’a pas eu lieu…

Je me demande même si c’était une bonne idée de donner chair et os aux personnages dont se nourrit l’esprit déjanté de Pellerin. Pourquoi nous enlever ainsi notre liberté d’imagination? Pour moi, Lurette ne pouvait pas être jolie, avec les immenses lobes d’oreille dont le conteur l’avait affublée. Or, Maude Laurendeau, qui l’incarne au grand écran, est plutôt belle. Dans l’idée que je me faisais du monde de Pellerin, la sorcière avait le dos courbé, un nez aquilin et les doigts croches. Elle n’avait certainement pas la beauté d’Isabel Richer…

La scénario d’Ésimésac, réalisé par Luc Picard, n’a pas non plus la folie ni l’humour auquels Pellerin nous a habitués sur scène. Récit linéaire, somme toute assez prévisisble, avec une morale guimauve aussi évidente qu’une verrue sur le menton d’une sorcière.

Dans le petit village de Saint-Élie-de-Caxton, la crise économique frappe durement. La population est condamnée à manger de la soupe à l’eau chaude, avec une pincée de sel les jours fastes.

Ésimésac (Nicola-Frank Vachon), le cadet de la famille Gélinas, propose à ses concitoyens que tous mettent leurs ressources en commun pour cultiver un immense potager communautaire, qui fournirait des légumes en quantité à la saison des récoltes. L’idée séduit tout le village, sauf le forgeron Riopel (Gildor Roy), le Séraphin de Saint-Élie.

Le potager prend forme rapidement, mais un autre projet, encore plus prometteur, vienne déstabiliser les troupes: le passage prochain du chemin de fer et la possibilité qu’une gare soit construite à Saint-Élie. Voilà qui séduit le forgeron, qui y voit une occasion de faire de bonnes affaires, en devenant le fournisseur officiel des rails.

Il s’associe à Ésimésac, dont la force surhumaine pourra lui être utile. Dès lors, devant la promesse de richesse à venir, tout le monde se prend à rêver de jours meilleurs et à dépenser l’argent qu’ils n’ont pas. Mais la méchante compagnie ferroviaire n’avait pas dit son dernier mot. Maudit capitalisme, entend-on en filigrane.

Cette fable plus enfantine que drôle, plus proche de Disney que du terroir québécois, finit par agacer. J’aurais mieux fait de m’abstenir, mais comme Pellerin m’a toujours séduit malgré moi…