L’auteur du mois : Éric Plamondon

Après les ouvrages primés qu’ont été sa trilogie 1984 et Taqawan, l’auteur qui habite désormais en France nous offre une plongée dans le Pays basque avec son nouveau roman, Oyana.

Photo : Rachel Moschberger

Il avait 40 ans quand son premier roman a été publié, mais depuis, Éric Plamondon n’a jamais arrêté. Il faut dire que, dès le début, il a fait mouche : chacun des romans de sa trilogie 1984 (Hongrie-Hollywood ExpressMayonnaise et Pomme S) a été finaliste au Prix des libraires du Québec, et Taqawan a remporté en 2018 le prix France-Québec. Si son dernier roman, Oyana, emprunte un style plus classique, ses lecteurs y retrouveront tout de même certains des éléments qui rendent sa plume unique : des chapitres courts et percutants, une narration éclatée et un regard neuf sur l’histoire récente.

(Photo : Rachel Moschberger)

Comment décririez-vous votre démarche artistique ?

En général, un questionnement précède le texte. Quand je lis, j’aime apprendre, voir la vie sous un angle nouveau. Quand j’écris, j’aime que l’histoire cherche, fouille et tente des réponses. Je considère le roman comme un discours original, un savoir riche et unique sur la société et nos propres vies.

Quelle place le lecteur prend-il dans votre processus créatif ?

J’écris toujours en me disant que je veux que mes lecteurs travaillent. Je ne veux surtout pas me plier à leurs attentes. En tant que lecteur, j’aime être déstabilisé, alors j’essaie aussi de bousculer.

Écrire un cinquième roman, est-ce plus facile que d’en écrire un premier ?

Malheureusement non. Avec les livres, on repart toujours de zéro. C’est ce que résume très bien Le Clézio quand il dit : « Un écrivain est nouveau à chaque fois qu’il fait un livre. Ce n’est pas un nouveau livre, c’est un peu un nouvel écrivain à chaque fois. »

J’écris toujours en me disant que je veux que mes lecteurs travaillent. Je ne veux surtout pas me plier à leurs attentes.

Quelle activité nourrit le plus votre créativité ?

D’abord, le travail quotidien. Comme le disait Baudelaire, l’inspiration est la sœur du travail journalier. Depuis deux ans, je fais une dizaine de minutes de méditation avant de commencer à écrire. C’est très stimulant. Pour le reste, je lis, j’écoute et je me laisse aller à suivre des sentiers dont j’ignore la destination. Le cheminement m’importe davantage que l’issue.

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu ? Et le pire ?

Le meilleur : écrire tous les jours et assumer le fait qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Le pire : pendant que j’écrivais mon premier roman, Hongrie-Hollywood Express, une amie m’a dit : « On ne peut pas gagner sa vie en écrivant des livres. » Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’on n’écrit pas pour gagner sa vie. On écrit parce qu’on n’a pas le choix. En vivre est une conséquence, pas une cause.

Vous vivez depuis longtemps en France, mais vos romans se passent au Québec. Pourquoi ?

C’est quelque chose qui m’étonne moi-même. Je ne le fais pas de manière consciente. Mais chaque fois, l’écriture me ramène au pays. C’est comme si mon corps avait traversé l’Atlantique, mais pas mon imaginaire !

De quelle réalisation êtes-vous le plus fier ?

D’abord, de ne pas avoir abandonné mon rêve d’écrire et d’avoir réussi, à 40 ans, à publier mon premier roman. Cette année, recevoir le prix France-Québec m’a vraiment ému. C’est quelque chose qui me dit que j’ai toute ma place à la fois dans mon pays d’origine et dans mon pays d’adoption.

Comment s’est passée la création de votre dernier roman, Oyana ?

Quand je suis arrivé en France, à l’été 1996, ma blonde m’a emmené au Pays basque et j’ai eu le coup de foudre. L’histoire de cette région résonnait doublement pour moi. Je terminais la rédaction de mon mémoire sur Moby Dick et je me retrouvais dans le haut lieu de l’histoire de la chasse à la baleine. Un an après le référendum de 1995, les questions autour de l’indépendance du Pays basque me touchaient particulièrement. Depuis, j’y suis constamment retourné. Et je me disais : il faudra un jour écrire un livre qui parle du Québec et du Pays basque. La dissolution de l’ETA a été pour moi le signal de départ. C’était maintenant ou jamais. Oyana est donc un livre que j’ai voulu écrire pendant 20 ans, et que j’ai écrit en quelques mois.

Qu’aimeriez-vous que les lecteurs en retiennent ?

C’est un roman sur l’espoir et sur le fait qu’on ne peut pas cacher indéfiniment les problèmes. Tant qu’on ne dit pas les choses, on est dans l’échec. Je me rends compte aussi que ce livre est une nouvelle fois la quête de liberté d’un personnage victime d’injustice. Il semblerait que j’ai toujours envie de dire aux lecteurs que rien n’est jamais joué d’avance. (Propos recueillis par Claudine St-Germain)

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