L’auteur du mois : Stéfani Meunier

« Une démarche artistique, pour moi, c’est d’en arriver à ce que les compromis entre ce que je voudrais écrire et ce que je peux écrire soient de moins en moins grands. »

Photo : Sean Mollit / fauto.com

Comme elle est discrète et que son visage montre encore un air juvénile, certains pourraient croire que Stéfani Meunier est une nouvelle venue dans le monde littéraire québécois. Pourtant, elle a publié son premier livre il y a presque 20 ans, et son dernier roman, La plupart du temps je m’appelle Gabrielle, paru en janvier, est le sixième de sa carrière. À partir de Saint-Adolphe-d’Howard, où elle s’est installée après avoir terminé une maîtrise en création littéraire, elle bâtit, lentement mais sûrement, une œuvre remplie de musique, de personnages forts et d’ambiances finement campées.

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Où et quand écrivez-vous ?

Je passe de grandes périodes à écrire peu, mais une fois qu’une idée est en place, j’écris régulièrement, et n’importe où. L’important, c’est qu’il y ait de la musique. C’est elle, mon espace de travail.

Comment décririez-vous votre démarche artistique ?

Une démarche artistique, pour moi, c’est d’en arriver à ce que les compromis entre ce que je voudrais écrire et ce que je peux écrire soient de moins en moins grands. J’aspire à écrire des romans qui, comme une chanson, plongent instantanément le lecteur dans une ambiance particulière.

Quelle place le lecteur prend-il dans votre processus créatif ?

Il n’existe pas quand j’écris. Il n’y a que le roman qui compte. Est-ce que ça marche ? Est-ce que ça me touche ? Je ne m’interroge sur la réception du roman que lorsque ma première version est terminée.

Quelle partie de votre boulot vous rend le plus heureuse ?

Quand des liens commencent à se créer tout seuls, que ça devient presque comme de la magie. Quand j’ai un flash, quand je fais un rêve et que ce rêve s’insère parfaitement dans le roman, ces petits moments miracles qui me font comprendre ce que je suis en train d’écrire. À un moment donné, ma tête est tout entière dans le roman et tout ce que je perçois est teinté par lui. J’adore ça.

Y a-t-il une composante autobiographique dans vos livres ?

Le but de mes romans n’est pas de parler de moi, mais chacun de mes personnages partage avec moi un souvenir, une envie, une chanson ou un rêve. Et une fois le roman publié, sorti de ma vie, d’une certaine façon, c’est comme si ce que j’avais donné de moi à mes personnages ne m’appartenait plus.

Quel auteur admirez-vous le plus ?

Stephen King. Je suis fascinée lorsque des liens se créent entre divers éléments d’un roman que j’écris. Chez King, ces liens parcourent toute l’œuvre. C’est comme si je fabriquais de petites planètes et lui, une galaxie.

Lisez-vous comme une simple lectrice ou comme une auteure ?

Comme une lectrice, sauf pour deux exceptions. Quand c’est mal écrit, l’auteure en moi prend la relève et je sors de l’histoire. Et quand c’est trop bon, l’auteure s’approche pour admirer le travail.

Écrire un sixième roman, est-ce plus facile qu’en écrire un premier ?

Oui. Mon premier roman a été très difficile à écrire. J’avais peur que mes histoires ne soient pas crédibles si je m’aventurais trop en dehors de ce que je connaissais. Avec mon dernier roman, je crois avoir réussi à la fois à m’éloigner de ma réalité et à m’en approcher de très, très près.

Comment s’est passée la création de votre dernier roman ?

Le premier chapitre s’est écrit tout seul, à partir d’un questionnement qui m’est venu : si une femme qui a deux personnalités devient mère, est-ce que son enfant est le même pour les deux personnalités ? Puis, je n’ai presque rien écrit pendant cinq ans, à cause d’une séparation, mais surtout du deuil de mon père, qui était une des premières personnes à qui je faisais lire mes romans. Quand j’ai repris l’écriture, l’idée de base était toujours là, mais l’histoire a pris un chemin inattendu, comme ça arrive souvent. La création engendre la création.

Qu’aimeriez-vous que les lecteurs en retiennent ?

Je voulais écrire quelque chose de positif, même si mes personnages vivent de grandes difficultés. Tout s’adoucit grâce à l’amitié, à l’amour, à la bienveillance. En vieillissant, je me rends compte que l’amitié reprend l’importance primordiale qu’elle avait pendant l’enfance. Et qu’elle peut vraiment venir panser des plaies qu’on aurait crues incurables. J’ai envie de donner un peu de bienveillance aux gens, dans ma vie et dans mes livres.

(Propos recueillis par Claudine St-Germain)