En librairie ce mois-ci

Muette
de Pascale Beauregard
Catherine, entendante, a grandi auprès de parents sourds et muets. Jouant souvent le rôle de l’adulte dans un monde où communiquer verbalement est essentiel, elle a dû aussi taire des secrets de famille trop lourds pour une enfant. La surdité n’est qu’un prétexte pour camoufler des abus, de la maltraitance, des fugues et des troubles psychiatriques. Dans cette famille dysfonctionnelle, l’enfant n’a que la parole pour se défendre… La plume est parfois éclatée et joueuse, parfois sombre et cruelle. Une lecture qui fait réfléchir au pouvoir du silence familial.
(Boréal, 224 p.)

La vie de ma mère
de Nathalie Petrowski
Ce court récit de la chroniqueuse Nathalie Petrowski rend un hommage sans fard à sa mère, Minou, elle aussi journaliste et écrivaine, décédée en 2021 à l’âge de 89 ans. En racontant les déroutes maternelles de Minou, l’autrice dévoile comment elle a vécu leur relation à la fois fusionnelle et conflictuelle. La structure, plutôt libre, alterne le moment présent, les souvenirs de Nathalie et ceux que sa mère lui a racontés de sa propre enfance. Une lecture qui s’écarte de la déférence généralement réservée à nos disparus.
(La Presse, 136 p.)

La messagère
de Thomas Wharton
La famille d’Alex et Amérie a déménagé à River Meadows lorsque le père a obtenu un emploi dans l’extraction du minerai fantôme, une source d’énergie de grande valeur, mais qui a des conséquences majeures sur les habitants du coin. Des années plus tard, Alex revient dans le village déserté pour retrouver Amérie, récemment disparue. Ce roman est constellé de personnages fascinants qui réagissent aux problèmes écologiques chacun à leur façon. L’importance accordée aux oiseaux et à leur quête singulière — sauver l’humanité, rien de moins ! — intrigue et captive.
(Traduction de Sophie Voillot, Alto, 432 p.)

Kau Minuat — Une fois de plus
de Joséphine Bacon
Il y a un tel plaisir à se plonger dans le quatrième recueil de cette poétesse innue ! Les images y sont si nettes que même les lecteurs moins attirés par ce type de livre l’apprécieront. La nature et les saisons en constituent la trame de fond, elles racontent le cycle de la vie, mais aussi celui des souvenirs et de la mémoire. Bacon rend un bel hommage aux arbres, ancêtres de la forêt, qui seront là quand nous aurons disparu. Les poèmes sont présentés côte à côte en français et en innu-aimun, une alternance qui permet de découvrir une langue riche et unique.
(Mémoire d’encrier, 136 p.)

Supercanon !
de Philippe Girard
Après avoir illustré brillamment un pan de la vie de Leonard Cohen, Philippe Girard s’intéresse ici à un personnage canadien méconnu. Inspiré librement de la vie de Gerald Bull, ce roman graphique raconte comment un passionné de canons en est venu à créer des armes à longue portée ayant servi à l’Irak dans les années 1980. L’histoire au rythme soutenu se lit comme un roman d’espionnage bien ficelé où les intérêts militaires et scientifiques s’embrouillent.
(Casterman, 152 p.)

La sentence
de Louise Erdrich
Après un long séjour en prison, Tookie, une quarantenaire ojibwée, est embauchée par une petite librairie indépendante de Minneapolis. Lectrice avide de découvertes, elle prend littéralement son envol dans le microcosme de cette curieuse boutique hantée par une cliente décédée. Des réflexions autochtones parsèment le roman, mais ce qui retient surtout l’attention, c’est l’immense talent de raconteuse d’Erdrich (elle-même propriétaire d’une librairie), qui réussit à nous transporter tout au long du récit. Les propositions de lectures de Tookie, regroupées en fin d’ouvrage, donnent envie d’aller bouquiner !
(Traduction de Sarah Gurcel, Albin Michel, 433 p.)
Cet article a été publié dans le numéro d’octobre 2023 de L’actualité, sous le titre « 3 bonnes raisons de lire En dehors de la gamme, d’Anne Cathrine Bomann ».