
Jouer sa vie
Chaque fois qu’on croit épuisé le sujet de la France occupée, le septième art nous étonne avec une proposition forte. Dans Un sac de billes, production internationale (France-Canada-République tchèque) confiée au réalisateur québécois Christian Duguay, deux jeunes Français, juifs, doivent faire preuve d’imagination et de beaucoup de courage pour déjouer l’invasion nazie et retrouver leurs parents. Interprétés par Elsa Zylberstein et Patrick Bruel, ces derniers les ont volontairement éloignés d’eux pour améliorer leurs chances de s’en tirer. Le film, un succès en France depuis sa sortie là-bas en janvier, est une adaptation du récit autobiographique éponyme de Joseph Joffo, paru en 1973 et rapidement devenu un best-seller mondial. (En salles le 16 juin)
Casser la voix
Ce sont trois grands ténors de leur temps et ils monteront bientôt sur scène ensemble à l’occasion d’un concert historique. Non, il ne s’agit pas de Carreras, Domingo et Bocelli, mais de Max (Benoît Brière), Carlo (Carl Poliquin) et Tito (Luc Guérin), les protagonistes des 3 ténors, une pièce de l’Américain Ken Ludwig. On se retrouve à Paris, en 1936, où on suit les préparatifs de ce que le producteur (Martin Drainville) promet d’être le « concert du siècle ». Mais le choc des égos et les amours complexes des uns et des autres compromettront bientôt ses ambitions. (Théâtre du Vieux-Terrebonne du 8 juin au 29 août)

À propos d’« Un sac de billes »….
J’avais bien apprécié la première version du film réalisé par Jacques Doillon en 1975, laquelle avait une fraicheur toute particulière dans cette histoire qui montrait les années d’occupation allemande au travers des enfants. Un film tourné avec un petit budget, quelques acteurs professionnels (mais pas des vedettes) et des amateurs pour l’essentiel.
Je ne suis pas certain que cette nouvelle mouture, plus commerciale avec des vedettes bien connues, que cela soit fidèle à l’esprit du livre de Joseph Joffo. Le premier film avait le mérite d’avoir été tourné en France dans le même environnement et les mêmes paysages que ceux relatés par l’écrivain et son co-auteur Claude Klotz (de son vrai nom Patrick Cauvin).
Ici, c’est plutôt une France qui n’existe plus, dont les vestiges s’effacent, laquelle se recréée par ses décors de studio (Studios Barrandov en République tchèque), des images de synthèse, des effets spéciaux remasterisés numériquement dans un assemblage pêle-mêle de plusieurs paysages d’emprunts.
Cependant, les images tournées à Nice sur la Promenade des Anglais proche de l’emblématique l’Hôtel Negresco, revêtent-elles ici un caractère prenant, lesquelles révèlent toute une tension lorsqu’on se rappelle le drame au même endroit qui se produisit le 14 juillet dernier.
Malgré cela, on ne retrouvera sans doute pas dans le spectacle cette belle spontanéité qu’apportait initialement l’œuvre de Jacques Doillon.
C’est une vision stéréotypée avec son lot de clichés qui l’emporte sur la réalité de l’histoire initiale racontée ; autant de choses qui ne rendent pas forcément hommage à ce drame dont la représentation voulue était formée d’une truculence qui permettait de faire passer le rire, la dérision, la légèreté de toutes choses au premier plan de la trame narrative.
En ce sens on est loin de la représentation toute en nuance, toute en douceur, pleine d’amour et d’humour du film « La vita è bella (1997) » de Roberto Begnini en partie autobiographique qui retraçait aussi les tracas des familles juives en Italie lorsque ce pays pourtant allié de l’Allemagne doit subir aussi les affres de l’occupation nazi.
La question serai donc de savoir si le titre du film représente bien les faits vécus tels que relatés par Joseph Joffo. Si le jeu d’acteur comme toujours limité de Patrick Bruel démontre vraiment le sacrifice du propre père de Joseph Joffo qui quant à lui, ne revint jamais du camp de concentration tristement célèbre d’Auschwitz.
— Ce qui devrait donner à cette œuvre sa profondeur, sa grandeur épique dans ce sacrifice du père pour sauver ses fils, est une dimension qui semble être complétement tombée à la trappe dans cette ultime épitre qui nous est offert par Christian Duguay qui sût tout aussi bien en d’autres moments dépeindre Chanel sans Coco….