Lire pour comprendre

Cette liste de 25 œuvres n’est ni exhaustive ni exclusive, et est surtout sans prétention. Mais elle témoigne d’une chose : les romans sont de formidables révélateurs d’une nation. 

Photo : Christian Blais pour L’actualité

L’idée de notre grand dossier de l’été a germé au printemps 2021, après que la Commission Relève de la CAQ (l’aile jeunesse du parti) eut proposé la création d’un corpus d’œuvres de la littérature québécoise à l’intention des écoles de la province. Son objectif était de « transmettre un héritage partagé afin d’unir les Québécois autour de ce que nous avons en commun ».

Cette proposition a été reçue assez tièdement, d’abord par les enseignants de français, qui ont déjà de nombreuses ressources sur lesquelles s’appuyer pour suggérer des lectures à leurs élèves (et qui tiennent à leur autonomie professionnelle), puis par des commentateurs qui doutaient de la pertinence même de l’initiative, ou qui y voyaient une tentative de politiser la littérature. « Il est presque mignon de croire que la lecture de Menaud, maître-draveur éloignera quiconque de l’hégémonique culture états-unienne », écrivait David Desjardins dans nos pages. « Il est plus naïf encore de prétendre que ce florilège de fictions puisse être autre chose que politique, peu importe qui en choisirait les œuvres. »

Pour ma part, je songeais que le noble objectif invoqué entrait en conflit avec un autre, peut-être moins grandiose, mais bien plus vital dans les écoles : amener les élèves à aimer la lecture. Quiconque a élevé un enfant sait que la meilleure façon de lui donner le goût des livres est de le laisser lire ce qui lui plaît. Après tout, les jeunes ne sont pas si différents des adultes ; qui a envie de consacrer des heures à un roman dont le sujet et le style le rebutent ?

Je me suis quand même amusée à jongler avec le concept. Si on abandonnait l’idée d’imposer ces lectures aux jeunes et qu’on voulait simplement valoriser l’effet rassembleur de notre littérature, comment s’y prendrait-on ? Sur quels critères baserait-on la sélection ? Qu’est-ce qu’on retiendrait de l’exercice ?

Ces rêveries se sont transformées en projet sérieux, comme vous pourrez le constater à partir de la page 18. Nous avons construit un dossier sur une idée à la fois simple et vaste : le miroir que la littérature peut tendre à la société en la racontant. En parcourant notre liste de 25 romans qui ont défini le Québec, établie par 10 personnalités amoureuses de la littérature, vous remonterez le fil de son histoire et retrouverez les grands courants qui ont façonné son évolution. 

Il n’y a pas d’intention cachée derrière notre liste. Pas de message politique ou social. Pas de « chaque Québécois DOIT avoir lu l’ensemble de ces livres ». Pas de prétention non plus d’avoir inclus tous les classiques incontournables, ou ceux jugés comme étant supérieurs sur le plan littéraire. Il y a mille raisons d’avoir envie d’ouvrir un livre, mais aucune n’est plus méritoire que les autres. Et on n’est certainement pas plus québécois parce qu’on a lu Maria Chapdelaine et Bonheur d’occasion

Cela étant dit, il n’y a pas de façon plus efficace de comprendre les courants de notre société que de plonger dans un roman. Pourquoi y a-t-il tant de réticence à retirer les signes religieux catholiques de nos institutions ? D’où vient l’incompréhension entre les habitants des campagnes et ceux des villes ? Qu’est-ce qui fait que l’égalité hommes-femmes est plus avancée au Québec que dans bien d’autres sociétés occidentales ? Pourquoi la paix linguistique est-elle toujours à refaire ? De grands pans de réponses se trouvent dans les romans québécois. 

Depuis que nous avons finalisé notre liste, il me vient sans cesse en tête d’autres titres qui auraient pu y figurer. Pieds nus dans l’aube, de Félix Leclerc. Haute démolition, de Jean-Philippe Baril Guérard. La classe de madame Valérie, du regretté François Blais. La série Paul, de Michel Rabagliati. Notre rédacteur en chef adjoint, lui, n’en démord pas : Les anciens Canadiens, de Philippe Aubert de Gaspé, aurait dû s’y retrouver. D’autres livres vous viendront sans doute à l’esprit aussi. Et c’est une excellente nouvelle. Car si la littérature n’a pas pour fonction de « transmettre un héritage partagé afin d’unir les Québécois », elle y réussit quand même admirablement. 

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J’ai récemment renouvelé mon abonnement à la revue et je n’ai toujours pas eu accès au plus récent numéro.