« J’ai longtemps cru que mes enfants allaient m’empêcher de créer… Je me rends compte qu’ils m’ont nourri plus qu’ils m’ont empêché. » C’est vrai, Biz n’a jamais autant écrit que depuis qu’il a embrassé la paternité. Après des textes souvent sombres, il fait jaillir la lumière dans deux nouveautés : C’est Flavie, un premier livre pour enfants, et Cadillac, un roman mettant en scène un vendeur d’automobiles, ancien joueur de hockey professionnel, en quête de ses origines au moment où il s’apprête à devenir père.
D’où est venue l’idée de camper votre histoire à Détroit ?
Chaque année, avec mes amis, on fait un tailgate [NDLR : fête d’avant-match dans un stationnement] aux États-Unis. L’an dernier, on s’est arrêtés à Détroit. La ville était au sommet de sa gloire dans les années 1950. En 1967, il y a eu un été caniculaire, des émeutes raciales partout ; à Détroit, ça a été le début de la fin. Le centre-ville a depuis été abandonné, placardé… J’ai eu envie de créer autour de ça : la désolation de la ville, la chute du monde automobile et la présence francophone qui est partout, parce que le fondateur de Détroit s’appelait Antoine Laumet dit de Lamothe, sieur de Cadillac.
Vous auriez pu en faire une chanson, un documentaire…
Pour moi, l’œuvre d’art totale sera toujours le roman, parce qu’on peut tout y intégrer. Je devais quand même trouver le filon, puis j’ai eu l’idée de ce joueur de hockey, un descendant du fondateur de Détroit. J’ai écrit son histoire en quatre mois, ça a été mon livre le plus facile à faire.
Pourquoi avez-vous choisi d’imaginer un héros que certains traiteraient de douchebag ?
Mon ambition, c’était de créer un personnage « simple » auquel plein de gens allaient s’identifier et avec lequel on parlerait de hockey, de baseball, des États-Unis, d’Eminem, pour voir quelles réflexions on pourrait tirer de son parcours. Il représente la majorité silencieuse, celle dont on ne parle jamais, si ce n’est pour la juger… Le rôle d’un écrivain n’est pas de juger le monde, c’est d’en rendre compte.
Que pensez-vous de la manière dont notre peuple se souvient ?
Je trouve qu’on ne mesure pas la grandeur de nos ancêtres et qu’on ne connaît pas notre histoire. Comme Québécois, on a le droit des fois de se trouver bons. Bien modestement, j’ai envie de redonner aux gens une partie de leur dignité pour qu’ils puissent être en paix dans le présent avec ce qu’ils sont. Je sais qu’il est possible de changer le monde une personne à la fois avec un livre. Je le sais.
Cet article a été publié dans le numéro de novembre 2018 de L’actualité.
La fierté de ses ancêtres, il faut la célébrer. Et de plus en plus, car les 15 années de pouvoir avec un gouvernement de concierges nous a collectivement nanisés. Il faut relancer les Loco Locas baveux et la poésie de la révolution, vecteur de changement.
Raynald Collard, St-Antoine-sur-Richelieu.