L’ogresse Reno

Avant chaque spectacle, Ginette prie, seule dans le noir. Puis elle chante l’amour en faisant frissonner les Pierres. « Mais je n’en ai plus pour très longtemps à chanter… », dit-elle en pleurant.

« C’est une toquée ! », dit Diane Juster, l’auteur de Je ne suis qu’une chanson. « Folle », renchérit Thérèse David, son attachée de presse pendant 10 ans. « Elle a quelques fusibles de sautés»» ajoute le cinéaste Jean-Claude Lauzon.

Ils adorent Ginette Reno. Comme tous les Québécois. Même si c’est un monstre. Une croqueuse d’hommes, une dévoreuse d’amis, une bouffeuse d’émotions. Et un ogre de la chanson.

Il existe deux Ginette Reno. La première est immense. Elle porte de gros bijoux, parle cru, sacre comme un charretier et pique des colères terribles. L’autre est fragile. Avant chaque spectacle, elle prie, seule dans le noir, derrière les rideaux. Puis elle chante l’amour en faisant frissonner les Pierres.

Ginette Reno écrit présentement l’histoire de sa vie. Pour en faire un film. Et elle dira tout. Qu’on le veuille ou pas. Des écorchures aux grandes blessures. Jusqu’aux plus terribles secrets, ces drames d’enfance qu’elle livre parfois à demi-mot, en langage codé, aux journalistes de passage. Comme elle l’a fait pour nous.

La chanteuse veut faire des films organiser des expositions de peinture fonder une école de théâtre, enregistrer de la musique subliminale pour enfants, écrire des livres… Pourtant, ce qu’elle aime le plus au monde, depuis toujours, c’est chanter.

Au début de l’entrevue, Ginette Reno s’était installée devant moi. Collée collée, à quelques centimètres du nez. « C’est plus chaleureux », avait-elle dit. Et on entend mieux…

« Je n’en ai plus pour très longtemps à chanter… », a-t-elle confié en pleurant comme une enfant. Son tympan gauche est bousillé. Elle lit beaucoup sur les lèvres des gens et, sur scène, des amplificateurs puissants tentent de lui renvoyer sa voix. « Je suis très sourde », dit-elle entre deux sanglots.

Ginette Reno chante depuis l’âge de cinq ans. Avec son coeur, ses tripes, son âme. Pourquoi ? « Quand t’es un pommier tu ne vends pas des bananes», a-t-elle déjà répondu à un journaliste. « C’est un don de Dieu»» dit-elle aujourd’hui.

Petite, Ginette Raynault profitait des absences d’un vieil aveugle à l’angle des rues Marie-Anne et Marquette pour chanter très fort, un chapeau à ses pieds. Quelques sous pour, des frites, le reste au professeur de chant. « Les murs de la classe tremblent lorsqu’elle chante », disaient ses copains de classe. Au Centre Immaculée-Conception, le père Marcel de la Sablonnière la suppliait de ne pas participer à son concours d’amateurs tous les samedis. « Elle raflait tout, les autres enfants ne voulaient plus venir.»

A 14 ans, la petite Raynault a téléphoné à Jean Simon, imprésario et dénicheur de talents. Il avait lancé les Baronets et Tony Masarelli. Ginette Raynault lui promet de faire sauter le micro du Café Eldorado. Elle chante Chacun garde dans son coeur, de Margo Lefebvre, et c’est le début de plus d’un quart de siècle de gloire. La Reno est lancée.

« Elle chantait à plein moteur, en se défonçant, sans aucune retenue, et ne parlait que de chansons, dit Jean Simon. Je n’ai jamais connu quelqu’un qui aime autant chanter. C’est sa seule religion.»

Ginette Reno chante encore tout le temps. « Elle vit dans son studio », dit Alain Charbonneau, son ex-gérant et le père de Pascalin, 9 ans, son troisième enfant. Trop seule dans son immense maison, elle fait tourner ses disques en s’accompagnant. En plus des 53 albums bien connus de ses fans, elle a enregistré des tas de cassettes, juste pour elle.

Pour son dernier disque, Ginette Reno a mis en boîte 26 chansons. Avec orchestre et tout. « Les plus grandes vedettes en préparent parfois 13 pour en choisir 10, mais jamais 26 ! Mais Ginette Reno est heureuse en studio. Elle voulait étirer le plaisir»» dit Yves LaPierre son directeur musical.

« Elle n’a que son talent pour se défendre, que son succès pour être heureuse », dit Jean-Pierre Ferland qui la connaît depuis presque toujours. Diane Juster l’avait deviné en écrivant Je ne suis qu’une chanson. Ginette Reno en a tout de suite fait sa chanson de fin de spectacle. Pendant près de deux ans, elle a refusé d’enregistrer cette chanson fétiche qui allait devenir le plus grand succès de la chanson québécoise, avec près de 400 000 exemplaires vendus.

Son dernier spectacle, Ginette Reno le termine avec un monologue confession. Elle y parle de sa faim d’aimer qui ressemble à de la folie; des mots durs et des gestes bas, appris pour tromper cette faim. Elle se vide les tripes sans pudeur, dans un silence d’église. Et elle enchaîne avec une chanson intitulée Chanter. Elle chante et les milliers de spectateurs oublient que Ginette Reno est plus malheureuse que les Pierres. Qu’elle pèse 300 livres et qu’elle a beau être la femme la plus admirée des hommes québécois (selon un sondage, en juin 91, de la revue Châtelaine), elle n’en reste pas moins seule sur son « île » à Boucherville. Derrière son micro, Ginette Reno est une montagne-oiseau prête à s’envoler.

« Elle a accepté son infirmité, dit Yves LaPierre. Et ce n’est pas d’être grosse. C’est d’être juste une chanteuse sur pattes. »

A 15 ans, elle chantait la nuit, dans les cabarets, gagnant parfois plus en une soirée que son père en une semaine. « Ma huitième année, je l’ai passée endormie», dit-elle. A 16 ans, elle travaillait plus de 50 heures par semaine et son premier disque était déjà au palmarès. « Ce que je veux, c’est conquérir le monde », annonçait-elle au journaliste du magazine Maclean à 18 ans, en 1964. Un an plus tard, Ginette Reno attaquait la Place des Arts et à 21 ans, l’Olympia de Paris. Les États-Unis la courtisaient déjà. Mais à 45 ans, Ginette Reno n’a conquis que le Québec.

« Le soir de la remise des Oscars, j’ai regardé Céline Dion à la télévision. C’est sûr que ça me travaille… Moi aussi, je voulais être une grande star. Mais je voulais aussi être aimée, avoir des tas d’enfants, et préparer des rôtis à mon mari.»

René Angélil, le gérant de Céline Dion, a déjà été l’imprésario de Ginette Reno. Jusqu’à ce qu’elle l’envoie paître. « Angélil est super, dit-elle aujourd’hui. Mais je ne suis pas facile…»

« Elle mène sa carrière elle-même. Elle adore consulter mais n’en fait qu’à sa tête. Ses gérants lui servent de commissionnaires », dit Alain Charbonneau. Avant de s’improviser gérant de l’artiste, il vendait des photocopieurs. Robert Watier, l’ex-mari de Ginette Reno, était tailleur avant de se réveiller imprésario.

Ginette Reno a souvent flirté avec la gloire. Elle a chanté à côté des Tom Jones, Roger Wittaker, Don Rickles, Dinah Shore… « Une carrière comme celle de Céline Dion, on lui en a offert souvent, et sur un plateau d’argent. Mais madame ne voulait pas », grogne Alain Charbonneau. « J’ai attiré les hommes avec ma voix. Ils voulaient tous faire de moi une grosse vedette. Mais moi, je voulais qu’ils aiment la femme. Pas juste la voix », dit Ginette Reno, sanglotant à nouveau.

A Londres, en 1971, la bûche était prête à flamber. Ginette Reno avait déménagé ses meubles, donné des spectacles, enregistré deux disques. Mais elle est devenue enceinte et elle est rentrée. « Quand j’y repense… J’ai fait exprès. J’avais peur du succès. », Deux ans plus tard, elle s’exile en Californie, prend 130 livres en 18 mois et refuse les offres du gérant de Don Rickles. « Je me trouvais trop grosse. Je voulais maigrir avant », dit-elle.

Elle s’est souvent promis d’aller vivre en France. Il y a 10 ans, elle a bien failli. Mais sitôt débarquée à Paris, Ginette Reno a trouvé une lettre de sa fille dans ses bagages. Natacha lui annonçait qu’elle était enceinte. Elle avait 15 ans.

« Paris, c’est loin de Boucherville », gémit Ginette Reno dans Rouge, une chanson signée Jean-Pierre Ferland. « Rouge est une de mes chansons les plus importantes », dit Ginette Reno. Ferland était débarqué chez elle sans crier gare un jour rouge. Ginette Reno buvait trop, ne dormait plus, vomissait du sang et n’avait plus d’argent. Ce n’était pas la première fois. Elle vivait en boulimique s’empiffrant d’émotions et de chansons. A intervalles réguliers, son corps se rebellait. Alors, Ginette Reno préparait une petite valise et entrait à l’hôpital guérir son corps et panser son âme. «J’écris ma vie à l’encre rouge », griffonna Ferland ce soir-là. Une chanson bouquet de fleurs, offerte le lendemain, à l’hôpital.

Le 24 juin 1975, Ginette Reno a transformé le mont Royal en volcan. Une extraordinaire flambée nationaliste a chaviré la foule lorsqu’elle a entonné Un peu plus haut, un peu plus loin de Ferland. Pourtant, ce soir-là, Ginette Reno se fichait éperdument de l’indépendance des Québécois. La politique l’a toujours profondément ennuyée. Pendant qu’elle secouait la montagne, Ginette Reno était plutôt très en colère.

Elle venait de se quereller avec les organisateurs du spectacle qui lui refusaient l’honneur de clôturer la soirée. « Ils m’avaient dit que j’avais un trop gros ego, mais pour une fois c’était faux. Je voulais simplement faire un cadeau à Jean-Pierre, dont c’était l’anniversaire. J’étais triste et en colère quand on m’a donné le micro. Je me suis dit: tenez-vous bien, ça va décoller. Je vais monter plus haut et aller plus loin que tout le monde. »

La foule en délire l’a ovationnée pendant 10 minutes, et, longtemps après cette prestation magique, aucun artiste n’a osé reprendre cette chanson. En route vers sa maison, quelques heures plus tard, alors que tout le monde fêtait, Ginette Reno a apostrophé son fidèle ami: « Veux-tu me dire, Dieu, comment ça se fait que tant de monde m’aime et que je suis encore toute seule ? »

Il y a 30 ans, un journaliste de Paris-Match a écrit qu’elle était la meilleure chanteuse de jazz blanche au monde. « Le blues est ma vraie nature », disait-elle alors. « Ça fait trop mal à l’âme » réponde-t-elle aujourd’hui.

« Si Ginette Reno allait au bout d’elle-même, ce n’est pas une montagne mais la planète qu’elle soulèverait », dit Jean-Claude Lauzon. Dans Léolo, elle interprète une mère de quatre enfants solide comme le roc. « Ma mère avait la force d’un grand bateau voguant sur un océan malade », dit Léolo. Mais Ginette Reno est aussi une épave. « A la fin de chaque séquence, elle traînait sur le plateau avec cet air piteux d’un chien quêtant son biscuit. Il fallait lui dire que c’était bon et qu’on l’aimait », dit Jean-Claude Lauzon.

Avec les admirateurs et les curieux accourus à sa vente de garage l’an dernier, Ginette Reno aurait pu remplir 10 fois la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Il y avait des cantines mobiles des policiers et un ruban de voitures de plus d’un kilomètre de long. Elle a vendu ses robes de spectacle et ses vieux coussins, ses skis, son lit, son télescope, ses rideaux… Lorsqu’il ne resta plus rien, elle sortit de vieux posters. Et la foule serait partie avec des morceaux de pelouse si elle leur en avait vendu.

Rayonnante sous sa casquette de baseball, Ginette Reno a empoché 22 449 dollars dans son immense tablier. Un coup de promo ? « Pas du tout, dit Ginette Reno. Je voulais m’acheter de nouveaux meubles. » Mais ça n’a pas marché… Des journalistes ont annoncé que les recettes iraient à une oeuvre de charité. « Vous trouvez ça drôle ? Pas moi !dit-elle.

Sa vie amoureuse est un échec. Ginette Reno n’a jamais trouvé d’homme qui: l’aime autant que son public. « Aucun autre chanteur n’a eu une telle cote d’amour, dit Daniel Guérard, animateur à Cité Rock Détente. Michel Louvain a des fans, Roch Voisine aussi. Ginette Reno a des amoureux et des amis. Même après 30 ans, c’est encore elle qui vend le plus de disques et de billets. »

« Les Québécois m’aiment, moi, plus que ma voix », dit-elle, heureuse. En échange, elle leur dit tout et chante ce qui leur plaît. Pour choisir une douzaine de chansons parmi les 26 enregistrées pour L’Essentiel, Ginette Reno a enfermé 75 personnes « de tous les ages et de toutes les classes sociales » dans son studio. Elle a remis une fiche à chacun et leur a demandé d’attribuer une cote d’amour à chaque chanson. Pour les remercier, elle leur a servi un énorme buffet.

Ginette Reno mange comme elle chante. Tout le temps. Au gré des jours, lorsqu’on l’interroge à ce sujet, elle donne les détails de son nouveau régime ou déclare, pleine d’assurance: « Un jour, je maigrirai. », « Je sais exactement à quoi pensent toutes les femmes lorsqu’elles me regardent. Elles meurent de peur de grossir autant ! Mais moi je sais que les petites ne sont pas plus heureuses ».

A 13 ans, elle était déjà boulotte mais à 20 ans, Ginette Reno était mince comme un échalas. « Cent dix-sept livres ! Je mangeais aux deux jours et je tombais partout. Le pire, c’est que je me trouvais grosse. » Un jour, elle s’est remise à manger. Beaucoup.

Les Québécois l’aiment telle quelle joyeuse mais tout croche, royalement imparfaite. Ils l’aiment sans lunettes avec ses confidences de simple voisine et sa voix d’un autre monde. Ils l’aiment explosive, comme les pastels qu’elle exécute. Et obsessive. Depuis trois ans, il n’y a que des fleurs dans ses oeuvres. Des centaines de fleurs.

Ses thérapies font la manchette. Comme ses diètes. La dernière « démarche » a duré cinq ans. Toutes les semaines, Ginette Reno courait à Saint-Hyacinthe écouter le père Jean. L’horaire du dominicain n’étant pas très souple, les organisateurs de tournée en ont bavé. Et au gala Métrostar, ou on lui a décerné les trophées de la chanteuse de l’année et de l’artiste la plus aimée, elle est arrivée en retard. C’était un soir de père Jean.

Ginette Reno adore râteler l’âme humaine et elle a un petit côté Krishna. Ses amis reçoivent – veut, veut pas – les derniers best-sellers sur l’analyse transactionnelle, la plus récente édition de la Bible ou Les Douze Lois kosmiques. Elle croit aux voyants et aux diseuses de bonne aventure et jure que son oncle a le don d’arrêter le sang. Elle fait aussi tous les psycho-tests des revues et des journaux. Mais elle ne perd pas de temps avec les mots croisés. C’est trop sec, trop drabe, trop rangé.

Ginette Reno déteste enfermer la vie dans des cases. Elle mêle l’amour et le travail, la chanson et la vie. Et quand le fouillis est trop grand, elle annonce une vente de garage.

QUAND RENO FAIT DU CINÉMA

«Léolo va changer ma vie », dit-elle. Le tournage a été dur. Le film l’expédiait chaque jour dans les décors de son enfance.

L’an dernier, Lise Lafontaine, productrice du film Léolo, entendait Ginette Reno parler à la radio de ses hommes, de ses enfants et de ses thérapies. « J’ai trouvé ta mère », lança-t-elle à Jean-Claude Lauzon quelques minutes plus tard. Lauzon, l’enfant terrible du cinéma québécois, cherchait LA comédienne pour jouer le rôle de sa mère dans Léolo, un film hautement biographique, qui sortira dans quelques jours.

Comme bien des intellos, Lauzon n’avait pas un disque de Reno. Mais il l’aimait secrètement. « Elle m’avait renversé en chantant du Brel à la radio. »

Au lancement de L’Essentiel, le dernier disque de Ginette Reno, Jean-Claude Lauzon s’est glissé dans la foule au bras de Dominique Michel pour laisser son scénario à la chanteuse. Elle l’a lu. Et elle a dit non. Parce que c’était un rôle de grosse femme, parce qu’elle trouvait le film dur, sans espoir, et peut-être surtout parce que Léolo l’entraînait bien loin de sa Rolls-Royce et de sa maison de Boucherville avec tennis, piscines et ascenseur. Léolo l’expédiait dans les décors de son enfance: une cuisine jaunie qui sent la pauvreté.

Lauzon a fait des salamalecs, multiplié les appels téléphoniques et exhorté Dominique Michel, Diane Juster et Luc Plamondon à plaider sa cause auprès de la vedette. Rien à faire! Alors il est parti à la recherche d’une autre mère en se disant que c’était sûrement mieux ainsi, qu’il n’avait pas envie de se faire ch… par une diva qui avait encore plus mauvais caractère que lui.

Pendant que Jean-Claude Lauzon faisait son casting, Ginette Reno attirait 30 000 Québécois et faisait la manchette des journaux avec une simple vente de garage. Puis, un matin, la chanteuse a lancé un « Pourquoi tu me veux plus ? », lourd de reproches au cinéaste hébété. Pendant quelques secondes, Lauzon a rêvé qu’il la débitait en petits morceaux. A la place, il lui a infligé une audition. V’là pour la diva !

« Elle est arrivée au studio en braillant, raconte-t-il. Le visage inondé, la morve sous le nez. Elle pleurait tellement que mes collègues se sont éclipsés. C’était trop dérangeant. Je suis resté seul avec elle et elle s’est mise à m’engueuler: » Je veux pas le faire ton maudit film, comprends-tu ? Pourquoi me poursuis-tu ? (Ça fait 20 ans que je suis sortie de ma marde, ça te donne quoi de me replonger dedans ? Tu te prends pour qui ? Veux-tu me tuer ? »

J’étais bouleversé. Et je la voulais. Vingt-cinq fois plus qu’avant ! »

« A la fin du screen test, Lauzon m’a pris par le bras et il l’a serré un peu fort, dit Ginette Reno. J’aurais dû me fâcher. J’ai trop souvent avance avec des coups de pied et des claques dans ma vie. Je ne veux plus. Mais là, ça ne me dérangeait pas. Il m’a regardée dans les yeux et il m’a dit: « Dis-moi que t’as pas eu du plaisir à jouer ce que tu viens de jouer, tabar…. »»

Ginette Reno a signé son contrat et Jean-Claude Lauzon l’a trouvée généreuse, chaleureuse, merveilleuse et… bouleversante. « Elle a enfilé ses pantoufles en Phentex et sa robe de chambre et elle a fait tout ce qu’on lui demandait. Pas la moindre petite crise de vedette. Le midi elle laissait sa Rolls-Royce dans les rues de Saint-Henri pour aller manger des hot-dogs ou de la pizza avec les gars.»

Il y a eu des jours ou tout le monde pleurait sur le plateau. Du machiniste à l’éclairagiste en passant par le responsable des beignes et Lauzon lui-même. « C’est une grosse grosse éponge, dit-il. Elle arrivait le matin, gonflée à bloc, prête à jouer, incapable d’attendre, de se ménager. » Souvent, le soir, après avoir tourné des scènes particulièrement difficiles, Ginette Reno allait pleurer tout son soûl sur les berges du fleuve près de Boucherville.

« Léolo va changer ma vie, dit-elle. Je veux faire du cinéma depuis que j’ai vu Samson et Dalila, mon premier film. J’étais petite, je n’aimais pas ma vie et j’étais prête à jouer tous les rôles. »