Un Prix du Gouverneur général, ça change pas le monde, sauf que… Tous ceux qui sont allés chercher le leur à Rideau Hall en conviennent : il y a eu un avant et un après. « Et puis, c’est sans doute le seul prix littéraire d’ici qui ait une vraie résonance à l’étranger », nous dit Perrine Leblanc, lauréate en 2011 pour son roman L’homme blanc (Le Quartanier). « À Paris, par exemple, un GG, ça veut dire quelque chose », ajoute celle qui connaît bien les cercles littéraires français depuis qu’elle a été repêchée par la très auréolée collection « Blanche », de Gallimard.
Un peu d’histoire
C’est en 1936 que le gouverneur général du Canada a, pour la première fois, remis des prix littéraires. À des livres de langue anglaise uniquement, faut-il préciser, et dans deux catégories seulement (« Romans et nouvelles » ainsi qu’« Études et essais »). Aucune bourse n’y était rattachée à l’époque, alors que les GG sont aujourd’hui assortis d’un coquet chèque de 25 000 dollars.
Le gouverneur du temps, lord Tweedsmuir (John Buchan), faisait preuve d’une authentique sensibilité littéraire : il était lui-même l’auteur d’une centaine d’ouvrages (!), dont quelques romans d’espionnage à succès. Mais il satisfaisait surtout la Canadian Authors Association, qui exerçait des pressions depuis une dizaine d’années pour que soit créé un prix confirmant l’essor d’une véritable littérature nationale.
Ce n’est qu’en 1959, lorsque l’administration des prix passa de ladite association au Conseil des Arts du Canada, fondé deux ans plus tôt, que des GG furent décernés également à des auteurs francophones, tandis que de nouvelles catégories faisaient leur apparition — il y en a sept aujourd’hui. En 2013, pas moins de 624 ouvrages de langue française ont été soumis aux différents jurys, formés de pairs.
Une deuxième vie
L’histoire des GG est émaillée de coups d’éclat : en 1974, Roland Giguère refusait le sien (catégorie « Poésie ») pour des raisons politiques ; en 1978, Gilbert Langevin (catégorie « Poésie » aussi) l’acceptait, mais consacrait sa bourse à la défense des personnes emprisonnées lors de la crise d’Octobre. Encore l’an dernier, Biz demandait que son roman jeunesse La chute de Sparte soit retiré de la liste des finalistes, le chanteur de Loco Locass prétextant ne pas être « un sujet de Sa Majesté ».
Mais c’est là l’exception, dans un marché du livre difficile où un GG représente un véritable Graal pour les auteurs et leurs éditeurs. Perrine Leblanc confirme : « On ne peut pas dire : ça fait vendre x nombre d’exemplaires, parce que d’un livre à l’autre ça varie beaucoup. Toutefois, l’effet est indéniable, en matière de ventes, mais pas seulement. Le prix a clairement donné une deuxième vie à mon livre, qui était paru plus d’un an auparavant. Quand il s’est retrouvé finaliste, par exemple, deux éditeurs canadiens-anglais ont manifesté de l’intérêt pour une traduction, puis quand je l’ai remporté, ils ont été quatre à nous adresser des propositions ! »
Souhaitons d’aussi belles retombées aux lauréats 2013.
Lire aussi : Prix littéraires du Gouverneur général – les lauréats 2013 en quelques coups de crayon
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LA CUVÉE 2013
Romans et nouvelles
Stéphanie Pelletier
Quand les guêpes se taisent (Leméac)
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Yvon Rivard
Aimer, enseigner (Boréal)
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René Lapierre
Pour les désespérés seulement (Les Herbes rouges)
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Fanny Britt
Bienveillance (Leméac)
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Isabelle Arsenault
Jane, le renard & moi (La Pastèque)
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Geneviève Mativa
À l’ombre de la grande maison (Pierre Tisseyre)
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Sophie Voillot
L’enfant du jeudi (Boréal)