Miley Cyrus se balance nue sur une boule de démolition dans un vidéoclip. Elle frotte ses fesses sur un chanteur dans un gala. Elle détruit son image de jeune fille sage à coups d’éclat.
Qui ne l’a pas jugée en 2013 ? Condamnée sur l’autel de la sexualité, la chanteuse était devenue le symbole d’une génération narcissique, superficielle et consumériste.
Ancien professeur de philosophie, Thomas O. St-Pierre prend la « cahoteuse marche vers la crédibilité » de Miley Cyrus comme incarnation de la haine de notre époque. « Quoi que fassent les jeunes, ils ne sont jamais jeunes de la bonne façon », écrit-il dans un pamphlet mordant et formidable de dérision.
C’est un principe inéluctable : les générations montantes sont critiquées par celles qui les ont précédées. « Nous avons tous l’impression que notre jeunesse a été un grand moment d’apprentissage et d’édification, alors que celle des autres paraît toujours une suite de divertissements puérils et vulgaires », dit l’auteur.
Cette tendance à détester le présent pour glorifier un vague hier, Thomas O. St-Pierre l’appelle la « modophobie » — néologisme qui désigne la haine de l’époque. Parce que ce n’est pas tant la jeunesse qu’on condamne, dit-il, mais le siècle.
Nul besoin de nommer les chroniqueurs qui vomissent leur haine du présent. Mais quelle époque glorifient-ils au juste ? demande l’auteur. Celle des chapes morales, de la misère, des familles de 12 enfants ? Ou simplement s’ennuient-ils du moment où eux étaient jeunes et vifs, et baignaient dans l’illusion de leur supériorité ?
Nous vivons pourtant le moment le plus pacifique de l’histoire, où l’espérance de vie et les soins de santé sont à leur faîte, et où, malgré les inégalités grandissantes, l’indigence est le plus rare. Mais il semble que plus les êtres humains vieillissent, plus ils détestent le changement, quand il n’est pas un slogan politique.
Pour St-Pierre, ce discours traduit plutôt un mépris de la culture populaire. Des jeunes qui se mobilisent de façon naïve ? Qui ne l’a pas fait. Une tendance à enfoncer des portes ouvertes ou à se mettre en scène sur les réseaux sociaux ? N’est-ce pas de l’apprentissage normal, mais sur d’autres plateformes ? « La nature humaine est une étampe sur laquelle l’Histoire peut peser plus ou moins fort, mais qui produit toujours le même motif », dit-il avec justesse. Même Platon avait ses vanités.
Bref, regretter l’époque passée, c’est rater celle qui existe. Thomas O. St-Pierre nous invite à embrasser notre présent avec tous ses travers. « Il me semble qu’il faut refuser de considérer l’expression normale de notre existence comme quelque chose de laid. »
Dans quelques décennies, on regardera peut-être notre époque en se disant que c’était le bon temps.
« Détester l’époque, c’est finalement souvent détester les jeunes (regardez les termes qu’on emploie pour parler des millénariaux), surtout les plus visibles — ceux qui manifestent comme ceux qui s’exhibent sur les réseaux sociaux, dans les émissions de téléréalité ou sur scène. Détester le 21e siècle, c’est détester Miley Cyrus. »
Miley Cyrus et les malheureux du siècle, par Thomas O. St-Pierre, Atelier 10, 105 p.
Cet article a été publié dans le numéro d’août 2018 de L’actualité.
Ils sont beaux,plein d’idées, plein de vies. A 17 ans je constatai ce conflit de génération, je me suis souhaitée de ne pas tomber dans ce piège de « mononk ». J’ai 60 ans, j’ai des amis de 19 a 30 ans sans qui ma vie ne serais pas complète.
A chaque génération c’est la même chose. Qu’est ce qui va advenir de la nouvelle? Nos parents et ceux après nous disaient la même chose. La jeunesse, c’est remettre en question, faire autrement, déranger. Oui parfois on est dérangé mais au bout du compte, ils réussissent bien, sont compétents, et apportent leur contribution à l’évolution de la société, comme nous l’avons fait. Ne soyons pas trop sévères même s’il peut y avoir des dérapages. Ça vous rappelle quelque chose?
Ça démontre l’une des limitations de l’espèce humaine. Les jeunes n’ont pas encore acquis l’expérience des vieux, et leur capacité de déterminer les conséquences de leurs actes sont limitées par leur lobe frontal qui n’est pas encore complètement développé. Ceci peut les mener à être beaucoup plus violents et revendicateurs.
Dans le meilleur des cas, cet âge passe sans trop de problèmes. Dans les pires cas, cela peut en mener certains en prison (la criminalité est plus grande chez les jeunes) ou causer des désordres sociaux, des révolutions, qui ne font souvent qu’amplifier les problèmes sociaux. Dans d’autres cas, c’est l’addiction aux drogues. Et il ne faut pas oublier aussi le rejet social très présent chez les adolescents et jeunes adultes, rejet qu’ils font de tous ceux qui sont différents, ou qu’ils subissent.
Il est vrai que notre société va mieux que ce qu’il y avait antérieurement. On peut se demander si ce n’est pas parce qu’il y a moins de jeunes adultes par rapport aux plus vieux. Néanmoins, on aimerait trouver des moyens pour que cet âge de jeune adulte puisse se vivre en générant moins de problèmes.
Il y a du vrai dans tout cela. En ce qui me concerne, je condamne en effet ce début de siècle qui ne va absolument nulle part, qui se trouve aux antipodes de tout ce que je rêvais non seulement pour moi-même et pour l’humanité toute entière.
En ce début de siècle on se goure à peu près en tout et sur tout. On n’est pas à la moindre petite contradiction près. Pratiquement les gens de toutes générations vivent dans le déni. Les jeunes sont le produit de toutes ces contradictions.
Ce qui me surprend notamment, c’est de voir avec quelle facilité des mots tels que « haine » sont employés à tous bouts de champs. J’ai voici quelques années été accusé d’être « haineux ». Les bras et les jambes m’en sont pratiquement tombés. Je ne m’en suis jamais remis depuis.
Lorsque je lis des choses du genre : « Nous vivons pourtant le moment le plus pacifique de l’histoire (…) », nous pourrions dire aussi que nous vivons la période de l’histoire la plus armée et militarisée de tous les temps, nous consacrons depuis les attentats du 11 septembre plus de moyens et d’argent dans tous les services de sécurité qu’il ne s’en est dépensé dans les 20 premiers siècles qui ont précédés.
Même l’espérance de vie semble avoir atteint un plateau très diversement réparti à la surface de la Terre qui plus est.
Pour ce qui est de la paix universelle, je crois qu’on repassera. D’ailleurs d’objecteur de conscience à 18 ans, maintenant je suis devenu un vieux fasciste hyper-militariste. La loi et l’ordre, y’a qu’ça d’vrai !
Franchement ce n’est pas du tout le genre de période pacifique que j’avais rêvée. Ma génération était celle du « Flower Power », de la paix par l’amour dans le beau sens du terme. Nous nous sommes battus pour cela et certain-e-s sont tombé-e-s avec cela.
Nous avons d’ailleurs fait progresser les lois qui profitent amplement à la jeunesse de maintenant. Devrions-nous vivre dans la honte désormais, tirer notre révérence au plus vite, pour ne pas traumatiser cette jeunesse qui nous ignore et qui nous méprise comme si tout nous n’existions tout simplement pas ?
Mais à propos quelles étaient donc ces vanités de Platon ?
En philosophie vanité et allégorie vont souvent de pair. L’allégorie de la caverne qu’on trouve au livre VII de la République place le philosophe dans la spatialité de l’organisation humaine à une position sensiblement différente. Est-ce une forme de vanité que de dire que l’intelligence de Platon était supérieure à celle de la plupart de ses semblables ? Faudrait-il considérer que ce qui particularise ce 21ième siècle, c’est l’inversion de toutes les valeurs ? En sorte que plus on est ignorant de toutes choses et plus on est roi et maître de la destinée de tous les autres.
Faudrait-il estimer que la médiocrité fait loi ? Mes avis sont que d’ici la fin de ce siècle bien des valeurs seront restaurées. La petite Miley Cyrus qui n’est rien de plus qu’une saveur du moment présent articulée par des baby-boomers toujours en quête de cash-flow. Qu’elle sera bien avant un demi-siècle perchée dans les combles des archives des divertissements passés. D’ailleurs, l’avenir (dans la cash-machine) s’il en est un, vous le trouveriez plutôt en ce moment avec Beyonce qui incarne avec grâce justement les fondamentaux de l’espèce humaine.
Un peu pessimiste M. Drouginsky? Ce qui ne semble pas être le cas du professeur Steven Pinker qui soutient dans son livre «Enlightment Now: The Case for Reason, Science, Humanism and Progress» que la civilisation continue de progresser. Serait-il dans l’erreur?
@ Claude Perras,
Merci pour votre question. Un peu de rancune peut-être de votre part ?
Je vais vous répondre franchement. Je n’ai jamais prétendu être d’une nature particulièrement optimiste. J’espérais simplement que le 21ième siècle soit meilleur que le siècle qui a précédé. En 2018, ce n’est toujours pas le cas. Je sais qu’il y a des gens qui sont beaucoup plus optimistes que moi. Tant mieux ! J’assume ma vision des 18 premières années du siècle. Je me réjouis et j’admire le fait que vous soyez particulièrement optimiste pour l’avenir face à tout ce que vous voyez.
Peut-être est-ce dû au fait que vous portiez des lunettes (roses peut-être ?) tandis que moi toujours pas ? Qu’en pensez-vous ?
Autre question : est-ce que vous avez lu en entier ce livre : « Enlightment Now: The Case for Reason, Science, Humanism and Progress » ? Ou vous contentez-vous seulement d’un petit résumé pour faire votre « doux » nid ?
En matière de progrès scientifiques, je ne saurais que trop vous recommander un classique (que j’aie lu) : « La Formation de l’esprit scientifique » de Gaston Bachelard, publié à la veille de la seconde guerre mondiale. Vous devriez pouvoir remarquer que les choses ne sont pas si simples que cela, qu’il n’est pas de réel progrès dans l’humanité sans grandes souffrances.
Les jeunes de 18 ans et moins qui naissent dans nos contrées ne savent pour la plupart pas encore très bien ce que signifie le mot souffrance. Pour nombre d’entre eux la vie passe entre un joint, une pilule de méthamphétamine et quelques selfies….
Et puis… voyez-vous, je pleure aussi pour ces deux jeunes filles : 10 ans et 18 ans qui ont vu leurs vies à Toronto fauchées dimanche dernier de si belle façon ; par un « ange de la mort » pas tellement plus âgé qu’elles d’ailleurs. De tels évènements ne devraient-ils pas nous alarmer sur l’incommensurable superficialité de nos existences ?
— Évidemment, je devrais être plus optimiste, mais de quoi ?
Steven Pinker traite de la souffrance (peut-être indirectement) dans le chapitre 2 intitulé «Entro, Evo, Info» pour entropie, évolution et information. La souffrance semble faire partie de la condition humaine et il conclue le chapitre en disant : «So for all the flaws in human nature, it contains the seeds of its own improvement, as long as it comes up with norms and institutions that channel parochial interests in universal benefits.» En somme, le combat entre le bien et le mal se poursuit. Et est-ce que le score est 2-1 en faveur du mal au début de ce siècle selon vous? Et est-ce qu’il faudra une période de prolongation pour déterminer qui sera le gagnant? Ou tout simplement, il n’y aura pas de gagnant comme tel mais la vie sur Terre continuera son cours.
@ Claude Perras,
— Poursuivons le débat et répondons à votre question :
Si nous regardons le piteux bilan écologique de la Terre, on ne peut que conclure que si cette planète pouvait se débarrasser de l’espèce humaine, cela ne prendrait guère de temps pour qu’elle verdisse de la plus belle façon à nouveau, de telle sorte qu’elle pourrait renouveler aisément et sans l’aide de personne son caractère biotique qui un peu plus chaque jour est remis en question.
Si nous projetons sur la base de modèles scientifiques les standards de vie qui animent une part de la communauté humaine et plus encore le 1% ; que nous poursuivons au même rythme cette course effrénée au progrès (changer de iPhone tous les ans c’est vraiment très smart) ; que nous les appliquons à l’humanité toute entière ; eh bien ce ne sera pas long avant que ne se produise un conflit majeur quelque part sur la planète Terre.
Et dans ce cas, il n’y a ni gagnants, ni perdants. Seulement des malheureuses et des malheureux.
D’ailleurs, la poursuite du djihad — toujours en marche -, est une illustration plutôt emblématique de ce qui se passe actuellement. N’allez pas imaginer que les choses vont s’arrêter là, même si la Syrie retrouve finalement la voie de la paix grâce en partie au secours bienveillant de la Russie. L’islam va continuer de se répandre sur la planète toute entière en beaucoup moins de temps que vous ne l’imaginez pour le dire.
Comme depuis nos derniers échanges, j’ai fait mes devoirs à propos de Steven Pinker (nous avons des origines culturelles communes et exactement le même âge à quelques mois près), je n’ai pas lu le livre, seulement des résumés au travers desquels j’ai cru comprendre que l’auteur attribuerait à des forces surnaturelles (cosmiques) cette sorte de balance dont vous faites mention entre : le bien et le mal.
Je ne sais si je devrais dire qu’il y existe bien proche de nous, des forces surnaturelles en sorte que nous pourrions concevoir qu’il y eût bien un ordre quelque part supérieur à notre entendement. C’est ce que croient d’ailleurs nos frères et sœurs Inuits.
Pratiquant de la photographie de longue date, j’ai obtenu quelques assez bons clichés de silhouettes d’objets qui interpellent le photographe que je suis. Quant à croire que ces forces vont faire triompher le bien sur le mal, je dois dire qu’en cette occurrence je ne me commettrai pas. Comme dans l’Univers possiblement rien ne se perd lorsque tout se dissipe puis se recrée, ces forces seraient plutôt en cette occurrence, là pour faire un tri.
Ceux ou celles qui obéissent à ces forces, augmentent peut-être en partie leurs chances temporaires de survie.
Le bien : c’est vous qui choisissez de l’accomplir, par exemple en étant compatissant même envers celles et ceux que vous n’appréciez pas. Aimez Donald Trump comme vous-même.
Pas vraiment étonnant que Bill Gates adore ce livre de Steven Pinker.
Finalement je pense que vous posez maladroitement votre question. La question n’est pas de savoir si la vie va poursuivre son cours. La question serait plutôt de savoir : comment, avec qui et à quel prix ?
@Serge Drouginsky
Concernant le livre de Steven Pinker, je suis en train de le lire et ne vois pas nulle part qu’il « attribuerait à des forces surnaturelles (cosmiques) cette sorte de balance dont vous faites mention entre : le bien et le mal. »
Pinker est athée et pourfend toutes les croyances en quelque force surnaturelle que ce soit. Il est cependant très optimiste pour l’homme, d’un optimisme presque délirant, mais il soulève des points de discussion importants et intéressants. Je vous en recommande fortement la lecture. Ne vous contentez pas des résumés.
L`être HUMAIN est à 90% pauvre d`esprit, le 10% qui reste est intelligents, dont les deux tiers sont des rapaces, des malhonnêtes, des égoïstes qui ne pensent qu`à profiter des humains pauvre d`esprit, le tier qui reste est honnête, bon, veut à tout prix la paix, la justice, l`égalité pour tous, mais ils sont minoritaire. C`est comme ça depuis l`humain existe… je me croise les doigts pour qu`avec les moyens de communication qui existe de nos jours, notre jeune génération qui est éveillé, et ouvert d`esprits va allumer et ne pas se laisser laver le cerveau par les deux tiers de rapaces malhonnêtes, on a une chance d`améliorer l`humain je crois et j`espère….