Peut-on dénoncer la pratique, que je juge antidémocratique, des distributeurs d’inonder une centaine d’écrans du Québec du très moyen Oz le magnifique (Oz: the Great and Powerful), avec James Franco en ravi de la crèche, tandis que Le météore, de François Delisle, film autrement plus audacieux, n’occupe que deux salles (Excentris, à Montréal, et Le Clap, à Sainte-Foy) ? Les exploitants ajouteront – manière de s’en laver les mains – que les abonnés de Vidéotron peuvent voir le long métrage de Delisle (Deux fois une femme, Le bonheur est une chanson triste) grâce au service Illico de télé numérique. Vrai, mais il reste encore des cinéphiles pour croire qu’un film créé pour le cinéma doit être vu au cinéma.
https://www.youtube.com/watch?v=_YFgN5r7RIA
Le météore, donc. À l’écran, François Delisle, Jacqueline Courtemanche, Noémie Godin-Vigneau, Laurent Lucas et Dany Boudreault – dont on n’entend que les voix intérieures, d’ailleurs émises par les comédiens François Papineau, Andrée Lachapelle, Dominique Leduc, Stéphane Jacques et Pierre-Luc Lafontaine – personnifient respectivement un homme condamné à 14 ans de prison pour homicide involontaire et délit de fuite ; sa mère de bientôt 80 ans qui vient au parloir une fois par semaine ; sa dernière femme qui essaie de refaire sa vie ; un gardien de prison fatigué et un jeune dealer épinglé. Un procédé narratif inusité adossant la poésie d’images fantastiques (de la nature, entre autres) au réalisme des propos (sur la vie, l’amour, la mort, la solitude, la liberté, cette sorte de choses). Cinq monologues entrecroisés, que certains pourront trouver ici et là trop écrits, une musique juste ce qu’il faut et de l’émotion qui surgit sans qu’on ait à tirer dessus.

Réalisation, scénarisation, production, image et montage : François Delisle (Deux fois une femme, Le bonheur est une chanson triste). Cette œuvre d’un vrai passionné ne ressemble à rien de ce que l’on voit habituellement sur nos écrans et incruste en tête bien plus de souvenirs que le magicien d’Oz et son orgie d’effets spéciaux.
Note : On peut se procurer au comptoir de la billetterie d’Excentris le récit photographique d’Anouk Lessard (25 $) qui a inspiré le film auquel on souhaite de ne pas passer comme un météore….