Poétesse et peintre, Natasha Kanapé Fontaine slame au Festival international de la littérature

Photo : Jocelyn Michel
Photo : Jocelyn Michel

Elle a 22 ans, des yeux doux de myope, un rire de ruisseau de printemps. Peintre, poétesse, slameuse et comédienne, Natasha Kanapé Fontaine a publié, fin 2012, son premier recueil, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures. Un cri d’amour à un homme, à un peuple, à un territoire.

Innue de Pessamit, elle a, à cinq ans, « émigré » à Baie-Comeau pour y apprendre le français et la culture de la société dominante. Le sentiment d’exil a surgi plus tard. Aujourd’hui, elle promène poésie et prose à travers le Québec. « Des soleils se relèvent sur le pays de ma naissance. »

Qu’est-ce qu’être une artiste des Premières Nations ?

C’est, avec l’héritage que l’on a, s’inscrire dans la culture contemporaine. À partir de la maternelle, j’ai vécu en français, j’ai oublié la langue innue et mes origines. Écolière, je rêvais d’être une Amérindienne : je regardais des films et je me disais que ça devait être plaisant de vivre dans la forêt… Ma quête identitaire s’est faite au fil de ma démarche artistique.

Vous vous déclarez « militante autochtone et slameuse territoriale ». Et quoi encore ?

Je m’identifie beaucoup au loup, qui défend son territoire, protège sa famille, vit en meute. J’ai à cœur la guérison de mon peuple, dont l’histoire est marquée, entre autres, par les pensionnats autochtones, une grosse blessure qui a laissé des séquelles intergénérationnelles.

Je milite en faveur de l’être humain. Active dans le mouvement Idle No More — Jamais plus l’inaction, j’ai été vraiment concernée, en mars et avril 2012, par la Marche des femmes innues et le blocus de la route 138 [pour s’opposer aux travaux d’Hydro-Québec sur la rivière Romaine], et consternée par le silence des dirigeants, autant autochtones que provinciaux et fédéraux. Pourquoi dévaloriser un groupe de personnes en choisissant de ne pas les écouter ? Se taire ne vaut pas mieux que parler.

Avoir un pied dans la culture québécoise et l’autre dans la culture innue, est-ce une position confortable ?

Depuis janvier dernier, j’habite à Montréal, carrefour des métissages où je me sens bien. Longtemps, j’ai été divisée en deux parts ; je continue d’apprendre à me réunir. J’écris pour qu’êtres humains et pays se fracassent ensemble, telles des plaques tectoniques, pour ne former plus qu’une seule et même complainte.

Vous retournez régulièrement à Pessamit ; quel accueil vous font les gens de la réserve ?

Ils sont fiers de ce que j’accomplis. J’ai longtemps cherché mon sentiment d’appartenance à la communauté, que je ne connaissais pas pour l’avoir trop peu fréquentée. Aujourd’hui, quand je dis que je suis une Innue de Pessamit, je désigne ma place dans l’univers.

Stimulez-vous un mouvement d’émulation chez les jeunes ?

Je crois en la jeunesse, en sa force créatrice. On m’invite souvent dans les écoles autochtones à rencontrer les élèves. En voyant le statut que moi et combien d’autres gagnons tranquillement dans la société, ils se disent que l’avenir est possible.

Croyez-vous en la réelle possibilité d’une union entre Québécois et Amérindiens ?

À la recherche d’une identité nationale, les Québécois ont l’impression qu’il leur manque quelque chose. Pour se sentir complets, ils ont besoin de la reconnaissance des peuples des Premières Nations. Je dis souvent : « Aidez-nous à nous relever et nous vous redonnerons une identité. » Nous sommes tous à portée de main : il ne nous reste qu’à nous la tendre.

En quoi consiste le spectacle Femmes de la Tierra, présenté au Festival international de la littérature (Lion d’Or, à Montréal, le 23 septembre) ?

Quatre Innues de générations différentes — la chanteuse Kathia Rock, les poètes Joséphine Bacon, Rita Mestokosho et moi — plus une auteure d’origine bretonne, Laure Morali, chantent, parlent et tapent du pied au nom de la Terre matrice de toutes les Amériques et à la mémoire des femmes autochtones disparues et assassinées.

Le programme du Festival international de la littérature (FIL), du 20 au 29 septembre, se détaille ici.