Quel est votre rituel d’écriture? Quels sont vos rêves les plus fous? L’actualité a demandé aux finalistes des Prix littéraires du Gouverneur Général de parler de leur métier. Toutes les entrevues de la série «Raconte-moi un auteur» sont accessibles ici.

Joël Pourbaix est lauréat des Prix littéraires du Gouverneur général, catégorie Poésie, pour son recueil Le mal du pays est un art oublié, publié au Noroît.
L’étincelle
Comment est né votre désir d’écrire, de créer? Des souvenirs d’enfance précis?
Plusieurs braises sont à la source du feu sacré! Un voyage familial vers les vieux pays à l’âge de 10 ans, j’écris dans un avion; Alice, ma marraine vivant au Luxembourg, sera ma première et constante lectrice… Adolescent, les langueurs d’un été ponctué par des escapades à pied ou à vélo produisent des dizaines de pages d’une histoire apocalyptique… Et mes premières amours, lettres envoyées et reçues, marquées par l’intensité que procure le secret de toute véritable rencontre.
Le rituel
Où et quand vous installez-vous pour écrire, pour créer? À quoi ressemble votre espace de travail? Thé, café, boissons, objets fétiches?
Avant l’espace, le temps. Céder et plonger dans les heures qui viennent, cet abandon au silence, ce chapelet d’instants qui respirent autrement, radicalement. Je suis au bord d’une fenêtre, je regarde parfois le ciel, un arbre; eux aussi me regardent. L’univers est une rumeur à déchiffrer entre deux gorgées de bière, de vodka ou de Campari, selon la saison.
L’ouvrage
Quel est le livre qui vous a marqué, qui a changé votre vie? Pourquoi?
Ne citer qu’un livre ou un auteur est injuste! Ce qui change la vie, et la sauve, forme une constellation bougeant sans cesse. Puisqu’il faut choisir: la série d’ouvrages de Gaston Bachelard sur les quatre éléments (L’eau et les rêves: Essai sur l’imagination de la matière), méditations exemplaires et concrètes m’apprenant la transfiguration dans le plus humble des détails. Et je nommerai rapidement ici ces lectures inaugurales qu’ont été Paul Chamberland, François Charron, Ernesto Sabato, Guy Debord, H.P. Lovecraft, les Romantiques allemands… L’amitié des livres a éclairé de nombreuses nuits.
Le projet
Quel est votre prochain projet littéraire? Le ou les thèmes que vous prévoyez aborder?
J’ai actuellement deux cahiers noircis qui demandent à être revisités pour entamer l’aventure d’un livre, le souhait d’une publication en 2017! J’entrevois l’expérience d’une voix approchant un territoire retourné en friche, celui de la transcendance humaine. Des aphorismes viendront également ponctuer cette traversée, une urgence de dire et d’agir devant l’horizon disparu.
Le rêve
Vos rêves les plus fous! Pour le monde de la littérature (l’avenir du livre, par exemple), pour la société, pour votre entourage, pour les arts…
Trois rêves spontanés et très raisonnables…
- Que tous les écrivains aient les ressources pour aller à la rencontre des jeunes sur tous les continents. Face à la virtualité sans frontières, une rencontre physique permet de franchir de véritables seuils.
- Parlant de seuils, je rêve de voir les poètes, philosophes, urbanistes, scientifiques, etc., se rencontrer dans une même et grande Maison. Le cloisonnement des savoirs et des pratiques heurte encore et toujours la destinée des œuvres. Et les «lieux du savoir» risqueront alors d’être ouverts et audibles à la communauté entière.
- Le sol, les parois rocheuses furent les premiers «livres». La méditation sur le sens de la vie fut une chose intime et partagée depuis la nuit des temps. Pour affirmer l’initiation plutôt que le seul divertissement, investissons tous les terrains: paysages urbains ou forestiers, banlieues vagues ou rives du grand fleuve. Créons des jardins de mots peuplés d’œuvres peintes, sculptées, plantées; dansant avec l’eau, la terre, l’air… et jouant avec le feu!
Toutes les entrevues de la série «Raconte-moi un auteur» sont accessibles ici.
Les Prix littéraires du Gouverneur général sont administrés et financés par le Conseil des arts du Canada.