Quel est votre rituel d’écriture? Quels sont vos rêves les plus fous? L’actualité a demandé aux finalistes des Prix littéraires du Gouverneur général de parler de leur métier. Toutes les entrevues de la série «Raconte-moi un auteur» sont accessibles ici.

Roger Des Roches est l’un des finalistes aux Prix littéraires du Gouverneur général 2015, catégorie Littérature jeunesse, pour La boîtamémoire, publiée à La Courte Échelle.
L’étincelle
Comment est né votre désir d’écrire, de créer? Des souvenirs d’enfance précis?
L’étincelle (une double étincelle en fait) est née de deux événements très différents l’un de l’autre: un ami qui me fait découvrir à 10 ans les romans d’Henri Vernes (la série des Bob Morane), son écriture réjouissante et riche — mon vocabulaire s’en est retrouvé multiplié par 100 après quelques livres seulement.
Puis, j’avais alors 14 ans, un article dans un journal du week-end, La Patrie ou Le Petit Journal, titré «Le plus jeune poète canadien-français», m’a amené à plonger dans l’univers surréaliste de Denis Vanier, une écriture différente, créatrice, à des lieues de ce que je lisais alors.
On peut voir, dans ces deux pôles de lecture, ce qui m’a fait naître en poésie (trois ans après la lecture du Je, de Denis Vanier, je publiais mes premiers poèmes dans la revue Les Herbes rouges) et ce qui m’a motivé, pendant des années, à tenter l’écriture de romans jeunesse, jusqu’à ce que j’y arrive enfin, en 2002, avec le premier Marie Quatdoigts.
Le rituel
Où et quand vous installez-vous pour écrire, pour créer? À quoi ressemble votre espace de travail? Thé, café, boissons, objets fétiches?
Je n’ai à peu près aucun rituel d’écriture. J’écris n’importe quand (en fait: quand je réussis à trouver du temps entre deux contrats pour mes clients — je suis travailleur autonome) et n’importe où: que ce soit en poésie ou en littérature jeunesse, j’écris au bistrot, au restaurant, et chez moi, bien entendu, de plus en plus directement à l’ordinateur.
J’ai des montagnes de carnets qui ne me servent en fait que pour démarrer un projet (quelques notes, quelques pages, quelques vers). J’adore les beaux stylos, mais j’écris de moins en moins à la main. En résumé: pas de rituels, pas d’horaires (j’en ai eu toutefois par le passé où, semble-t-il, j’étais moins désorganisé qu’aujourd’hui); j’écris finalement quand ça devient urgent de le faire.
L’ouvrage
Quel est le livre qui vous a marqué, qui a changé votre vie? Pourquoi?
Ils sont nombreux, ces livres-là, et l’ensemble est particulièrement hétéroclite! (À me marquer, mais sans, sans chaque fois, nécessairement changer ma vie.) J’ai déjà mentionné les Bob Morane, d’Henri Vernes, et la poésie de Denis Vanier.
Il faut ajouter les Poèmes saturniens de Verlaine, mes premières lectures en science-fiction (en anglais, alors que je n’avais que 13 ans), la poésie de Nicole Brossard, les romans d’horreur américains (Stephen King en tête), des ouvrages de vulgarisation scientifique, etc.
Marcel Hébert, mon éditeur — aujourd’hui décédé —, disait en riant: «Des Roches lit n’importe quoi.» C’était vrai alors, ce l’est encore. Je me nourris un peu partout. Je n’ai pas de «projet» de lectures. Je fonctionne par coups de cœur, un peu au hasard, sans contraintes auto-imposées.
Le projet
Quel est votre prochain projet littéraire? Le ou les thèmes que vous prévoyez aborder?
J’en ai trois: un nouveau recueil de poésie, intitulé Faire crier les nuages, une «fresque» surréaliste de près de 200 poèmes — c’est le projet; on verra à la fin si j’aurai réussi! — ainsi que deux romans jeunesse: le premier sera un court roman qui s’amusera avec la notion d’«ami imaginaire»; le second, un cinquième roman dans la série Marie Quatdoigts.
Le rêve
Vos rêves les plus fous! Pour le monde de la littérature (l’avenir du livre, par exemple), pour la société, pour votre entourage, pour les arts…
Le livre, le parent pauvre dans les pages de nos quotidiens, à la radio, à la télé… Il faut que les médias — écrits, électroniques — s’aperçoivent que sans le livre, il n’y a pas de société qui avance, qu’il faut donner au livre une place importante, majeure, place que prennent très et trop souvent les événements «culturels» les plus divers — qui, parfois, tiennent du décervelage. Les médias doivent tenter un… «nivellement par le haut» plutôt que par le bas.
La société… je vais juste commencer par la mienne, ici, et je rêve de l’indépendance du Québec (de mon vivant, j’espère), d’une véritable justice sociale (le retour à l’État-providence et à la «prise en charge» de l’individu par l’État en lui assurant une éducation, des soins de santé adéquats, justes, nécessaires, du travail rémunéré correctement — avec parité homme-femme, évidemment —, le travail devant redevenir là où l’on s’accomplit, où l’on est heureux et fier, un État, donc, fondé sur des valeurs humanistes et non celles du marché).
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