Chaque dimanche, le rédacteur en chef adjoint de L’actualité, Éric Grenier, vous invite à lire (ou à relire) dans son infolettre Rétroviseur un des reportages les plus marquants de la riche histoire du magazine. Vous pourrez ainsi replonger au cœur de certains enjeux du passé, avec le regard de maintenant.
Notre grande diva nationale vient une fois de plus d’être la première à emprunter un chemin qu’aucun artiste québécois ou presque n’avait foulé auparavant. Diane Dufresne est débarquée à Calgary jeudi soir dernier en disant sûrement : « Tassez-vous de d’là ! J’arriiiive ! », pour réclamer son entrée au Canadian Music Hall of Fame. Il aura ainsi fallu 45 ans et 65 intronisations pour que l’organisation qui se veut représentative de ce qui se fait de mieux en musique sur le territoire canadien admette en son panthéon une ou un artiste qui chante en français. Il y avait bien eu Luc Plamondon en 1999 comme parolier, mais ça reste quand même chenu.
L’important clivage culturel entre la musique québécoise et celle du Canada anglais, Louis-Jean Cormier et sa bande de Karkwa l’ont bien connu. Cet influent groupe rock, construit sur des amitiés nées au cégep de Saint-Laurent, à Montréal, a annoncé cette semaine son grand retour, après plus de 10 ans d’absence des scènes et des listes d’écoute. Une nouvelle toune, présage d’un prochain album et d’une série de spectacles ma foi très attendus.
Tout juste avant cette pause, la journaliste et documentariste Noémie Mercier avait suivi les musiciens pour L’actualité dans une sorte de Canada Tour. La sourde oreille du public canadien-anglais au rock québécois, en l’occurrence en français, est une des trames principales de ce long reportage publié en septembre 2011, l’objet de notre Rétroviseur de la semaine. Grosses vedettes au Québec, bardés de prix et habitués aux salles pleines, les membres de Karkwa peinaient, pendant la réalisation du reportage, à percer le mur de l’indifférence outre-Outaouais. De lieux miteux en bars désertés, quelques belles salles au détour, mais à une fraction du cachet offert au Québec, cette tournée « brune », comme l’appellent les gars de Karkwa, a été tout sauf un succès. Assez pour que le reportage pose la question : étaient-ce les dernières flèches de Karkwa ?
Pourtant, le groupe avait gagné en 2006 le prix Polaris, l’une des plus hautes distinctions en musique canadienne, qui récompense le meilleur album de l’année. Comme d’autres Québécois avant et après lui : Patrick Watson, Kaytranada, Arcade Fire, Feist… À une différence près : ces derniers chantent en anglais. Qu’une formation qui rocke dans la langue de Gerry Boulet remporte un tel trophée a fait sourciller : la presse torontoise a même remis en question la légitimité de ce choix, rappelle Noémie Mercier, suspectant un traitement de faveur…
En ce printemps 2011, la fatigue de la lutte pour exister hors du Québec commence à gagner les membres du groupe. « On a des chansons en banque, et le désir de faire des disques est là, jurait Louis-Jean Cormier. Mais ça pourrait être catastrophique si on continuait de presser le citron. Alors on se paie le luxe de se reposer. L’important, c’est de ne pas avoir de plan sérieux, d’échéancier, rien. Laisser les portes ouvertes. Et faire entrer l’air. »
Et voilà que 12 ans plus tard, on a droit à un air de Karkwa tout frais !
Bonne lecture et bon congé de la Journée nationale des patriotes.
Éric Grenier, rédacteur en chef adjoint
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Le Québec et le Canada anglais: deux univers en musique? Ça me rappelle le fameux album de Beau Dommage, qui faisait un retour triomphal en 1994, avec des chansons comme: Tout simplement jaloux, Échappé belle, J’aimais l’hiver… C’était la folie au Québec. On les entendait partout. J’ai fait un voyage à Calgary (Alberta) cette année-là, notamment pour visiter une amie francophone qui travaillait là-bas. Elle ne savait même pas que Beau Dommage avait sorti un album…
Karkwa, le groupe le insignifiant que le Québec ait jamais produit.