Chaque dimanche, le rédacteur en chef adjoint de L’actualité, Éric Grenier, vous invite à lire (ou à relire) dans son infolettre Rétroviseur un des reportages les plus marquants de la riche histoire du magazine. Vous pourrez ainsi replonger au cœur de certains enjeux du passé, avec le regard de maintenant.
Le Festival international de jazz de Montréal s’est terminé hier soir. D’après ce que semblent dire critiques et amateurs, ce fut un grand cru de cet événement pourtant riche en millésimes exceptionnels depuis ses débuts, il y a 43 ans. Entre autres points d’orgue consensuels, le spectacle d’adieu de la légende Buddy Guy, celui de l’habituée Diana Krall, le jazz de nuit de Jean-Michel Blais, et l’autre légende, Herbie Hancock, accompagné par le non moins mythique Terence Blanchard et sa trompette.
Montréal figure sur la sélecte mappemonde du jazz grâce aux fondateurs de ce festival, Alain Simard et André Ménard. Mais si les deux entrepreneurs ont pu bâtir un événement de ce calibre, c’est qu’à la base, il y avait déjà à Montréal tout le nécessaire en swing, en soul, en gospel et en bleus de l’âme depuis bien longtemps. Bref, ce n’est pas un hasard si Montréal est jazz. C’est dans ses racines.
Tout cela a commencé avec les red caps au début du XXe siècle, rappelle l’article en Rétroviseur de ce dimanche, signé par la journaliste Dominique Forget. Ces « casquettes rouges » étaient les employés des compagnies ferroviaires, les seules à embaucher des membres de la communauté noire québécoise alors en pleine explosion démographique. À la fin des années 20, neuf hommes noirs sur dix bossaient pour les transporteurs ferroviaires. Comme bon nombre des voies traversaient le sud-ouest de la métropole, dans le quartier de la Petite-Bourgogne, il n’est pas étonnant qu’une grande partie de la communauté s’y soit installée. Et puisque cette masse critique devait être bien desservie spirituellement, on a eu besoin d’un lieu de culte. C’est alors qu’est née la Union United Church, la plus vieille église noire de Montréal, qui célébrait son centenaire au moment de la parution de l’article, en décembre 2007. « Cent ans de prières, de gospel et de militantisme », comme le soutient avec justesse le chapeau du reportage.
Si on voulait trouver un Storyville montréalais — le nom du quartier malfamé de La Nouvelle-Orléans auquel on attribue la naissance du jazz —, ce serait bien cette petite église fondée par des épouses de red caps, qui réunissait autant les anglicans que les méthodistes, les baptistes et les catholiques. Elle sera le cœur de la vie sociale des Noirs anglophones montréalais pendant plusieurs décennies. C’est plus qu’un lieu de culte : c’est l’étoile autour de laquelle gravite toute une galaxie soudée de services et d’organismes de quartier, comme la banque alimentaire.
C’est aussi là que les monuments du jazz montréalais et québécois que sont Oliver Jones et Oscar Peterson ont joué leurs premières notes. « Le chant et l’ambiance sont pour moi des éléments clés de la pratique religieuse », insiste Clifford Owens, un Américain, auprès de la journaliste Dominique Forget. L’homme de Boston et sa famille étaient alors en pèlerinage au Festival de jazz, mais ils ne pouvaient se passer d’un arrêt à cette institution, à la fois spirituelle et musicale, de quartier.
À vous de la découvrir, bonne lecture !
Éric Grenier, rédacteur en chef adjoint
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