Rétroviseur : le réveil d’une langue

Est-il possible de ressusciter une langue officiellement morte ? Oui, répondent les Wendats, qui ont entrepris la tâche colossale de reconstruire celle de leurs ancêtres.

Photo : Christian Blais pour L’actualité

Chaque dimanche, le rédacteur en chef adjoint de L’actualité, Éric Grenier, vous invite à lire (ou à relire) dans son infolettre Rétroviseur un des reportages les plus marquants de la riche histoire du magazine. Vous pourrez ainsi replonger au cœur de certains enjeux du passé, avec le regard de maintenant.

Kwe kwe !

Cette semaine marque le début de la période des grandes festivités au Canada. La fin de semaine prochaine, ce sera la Fête nationale du Québec, et sept jours plus tard, la fête du Canada. Mais avant, mercredi, aura lieu la Journée nationale des peuples autochtones, alors que partout, d’un océan à l’autre et à l’autre, les descendants des premiers humains à s’être établis sur le continent américain célébreront leurs cultures, leurs histoires et leurs droits sur leurs terres ancestrales.

Comme pour la Saint-Jean-Baptiste, dont les origines remontent aux fêtes païennes, question de souligner les longs jours qu’apporte le solstice d’été, la date du 21 juin a été choisie parce qu’elle revêt un symbolisme important dans les cultures des premiers peuples. Ces identités sont millénaires.

Comme le rappelle Louis-Karl Picard-Sioui, anthropologue et écrivain wendat de Wendake, cité dans l’article mis en vedette dans le Rétroviseur de la semaine : « Nos ancêtres n’ont pas inventé de hautes technologies comme l’Europe ou la Chine, mais notre civilisation est aussi ancienne. »

Peut-être, mais un ouvrage de recherche historique publié en 2022 (Au commencement était… : Une nouvelle histoire de l’humanité, de David Graeber et David Wengrow), mis en lumière la semaine dernière dans une chronique de Jean-François Lisée dans Le Devoir, accorde aux nations du Nord-Est américain la paternité de la plus grande invention sociale parmi toutes : la démocratie telle que nous l’exerçons aujourd’hui, rien de moins. Les discours et échanges de Kondiaronk, philosophe et chef politique wendat, justement, dans les beaux salons européens auraient été l’inspiration des Lumières.

« Liberté, égalité, fraternité », la Révolution française, la révolution américaine… Rien n’aurait été possible sans l’assistance culturelle des nations autochtones d’ici au reste de l’humanité, selon la thèse des deux auteurs.

Aujourd’hui, cette grande civilisation se bat pour maintenir en vie sa langue, donc sa mémoire. C’est sur cette lutte que notre collaborateur Philippe Marois s’est penché en 2019, plus précisément sur celle des Hurons-Wendats. Il raconte ainsi comment cette nation cherche à ressusciter sa langue. Aucune des 2 000 et quelques âmes de Wendake, au nord de Québec, ne parlait le wendat depuis plus d’un siècle. Mais grâce à un effort collectif, à la mémoire des anciens, à d’inestimables indices enfouis dans de vieux manuscrits des Jésuites et à l’apport — contesté au sein de la communauté, il faut le dire, depuis la parution de l’article de L’actualité — d’une Américaine aux racines wendates, des centaines de membres de la communauté ont pris part à des activités d’introduction à cette langue depuis 2007. Une épopée en Amérique vraiment formidable.

Bonne lecture et önenh !

Éric Grenier, rédacteur en chef adjoint

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