
François Hamelin s’ennuyait. À la recherche d’une activité pour occuper ses temps libres, le garçon de sept ans feuilletait l’annuaire des loisirs municipaux de Sainte-Julie, en Montérégie, quand son œil a été attiré par une publicité d’un club de patinage de vitesse. « Je me demandais ce que c’était. Ça avait l’air intéressant », raconte-t-il. Cela se passait au milieu des années 1990.
Le jeune garçon, aujourd’hui âgé de 27 ans, a rapidement obtenu le feu vert de sa mère, Manon Goulet. « Ça coûtait 75 dollars pour l’année, patins inclus ; j’ai dit “enwoye” ! Mais je l’ai vite regretté », raconte-t-elle aujourd’hui en riant.
François Hamelin a tellement apprécié ses patins à longue lame qu’il a rapidement « contaminé » ses frères, Charles et Mathieu. « Le patin a vite pris beaucoup, beaucoup de place dans la famille », dit Manon Goulet. Son conjoint Yves Hamelin (dont elle est maintenant séparée) a aussi attrapé le virus. Au point de le pousser à changer de carrière pour se consacrer à ce sport. Après avoir été l’entraîneur du club de Sainte-Julie, il s’est hissé, il y a huit ans, au poste de directeur du programme canadien de patinage courte piste.
L’aîné des trois frères, Mathieu, a fini par accrocher ses patins. « Avec ses 6 pi [1,83 m] et 240 lb [110 kilos], il n’avait pas le bon gabarit pour le sport », dit Charles, 29 ans. Plus petits et frêles mais dotés de puissantes cuisses — « les muscles dans les bras ou le haut du corps sont un poids inutile dans une course » —, Charles et François ont vite grimpé dans la hiérarchie des patineurs. En 2008, ils sont montés ensemble, pour la première fois, sur le podium lors d’une épreuve de la Coupe du monde.
Après les frères Laurent, Guy et Michel Daignault, dans les années 1980, et les frères Sylvain et Marc Gagnon, dans les années 1990 et début 2000, une autre famille de patineurs québécois se démarquait sur la scène mondiale.
Détenteur d’une trentaine de médailles en Coupe du monde et de trois médailles olympiques (dont deux d’or aux Jeux de Vancouver), Charles Hamelin s’est imposé comme le leader de l’équipe canadienne. Celui qui fait trembler les redoutables adversaires sud-coréens et américains.
François, lui, a dû trimer dur pour gagner sa place au sein de la délégation canadienne à Sotchi. Après une journée particulièrement éprouvante pour lui aux essais olympiques, à Montréal, en août dernier, son frère Charles, ému, a réprimé quelques larmes en conférence de presse.
« C’est mon frère, ça vient toujours me chercher quand il ne réussit pas, dit aujourd’hui Charles Hamelin. Je voulais qu’il vienne aux Jeux avec moi. »
Son vœu a été exaucé quelques semaines après les qualifications, quand les dirigeants de l’équipe canadienne ont annoncé sa composition finale, à la suite de délibérations déchirantes pour déterminer à qui ils allaient faire leur invitation « discrétionnaire ». Ils ont du coup exclu François-Louis Tremblay, l’un des athlètes canadiens les plus décorés des Jeux, qui, à 33 ans, espérait faire un dernier tour de piste à Sotchi. (Yves Hamelin n’a pas pris part aux discussions.) La famille « patin » sera donc réunie à Sotchi. Y compris Marianne St-Gelais, médaillée olympique et… conjointe de Charles, belle-sœur de François et bru du patron de l’équipe, Yves.