L’auteure est directrice générale par intérim du Réseau action climat Canada.
Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié le 20 mars nous le rappelle : c’est possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Ce qui manque pour y arriver, c’est la volonté politique.
Cela doit se traduire, entre autres, par une augmentation substantielle des investissements dans l’action climatique. Le groupe de travail sur l’atténuation de ce même GIEC nous disait l’an dernier que les investissements dans les énergies propres, l’efficacité énergétique, les transports, l’agriculture et les forêts devraient être de trois à six fois plus importants d’ici 2030 pour s’aligner sur cet objectif crucial de limitation de la température. Bien entendu, cela devra être fait de concert avec la fin des flux de dépenses privées et publiques dans les énergies fossiles, qui contribuent à des règles du jeu inégales favorisant ce secteur plutôt que celui des énergies propres.
Les États-Unis ont donné le ton en matière de programmes d’investissements climatiques ambitieux l’été dernier en adoptant l’Inflation Reduction Act (IRA) : sur 10 ans, 369 milliards de dollars américains seront destinés, entre autres, à des mesures incitatives pour les industries éolienne, solaire, géothermique et la production de batteries, afin d’accélérer la transition vers l’électricité propre ; à des crédits d’impôt à l’achat de véhicules électriques construits en Amérique du Nord — neufs et d’occasion ; et à des rabais pour l’électrification d’appareils ménagers et l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments.
Au début de 2023, la Commission européenne a renchéri en présentant le Green Deal Industrial Plan, qui propose notamment de consacrer 250 milliards d’euros aux industries carboneutres.
Le Canada, malheureusement, est en queue de peloton.
Un nouveau rapport commun du Réseau action climat Canada, organisme dont je suis directrice générale par intérim, et du Centre canadien de politiques alternatives passe en revue les dépenses climatiques fédérales depuis l’Accord de Paris et les dépenses prévues pour les cinq prochaines années. Malgré une hausse notable des dépenses liées au climat depuis 2015, le Canada n’investit pas au niveau nécessaire pour être compétitif dans un monde qui délaisse rapidement les énergies fossiles pour se tourner vers les énergies propres.
Le gouvernement fédéral compte augmenter les investissements climatiques à environ 0,5 % du produit intérieur brut (PIB) au cours des prochaines années. Mais cela reste loin de ce qui est requis pour s’attaquer aux crises conjointes du climat, de l’énergie, de l’inflation et de la sécurité alimentaire auxquelles la population canadienne fait face. Et le rapport constate également avec inquiétude que de nouvelles dépenses soutiennent l’industrie pétrolière et gazière, qui engrange présentement des profits records.
Le budget 2023, qui sera présenté le 28 mars par la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, serait l’occasion de corriger le tir et de proposer un plan d’investissements cohérent et transformateur, qui répondrait aux crises convergentes à l’échelle de la menace qu’elles représentent.
Notre rapport, qui rassemble des recommandations d’une variété d’organismes universitaires, d’instituts de recherche, d’organisations et d’activistes canadiens, préconise de nouveaux investissements climatiques de 287 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années (soit 57 milliards par an), ce qui équivaut à environ 2 % du PIB annuel. Les secteurs d’investissement proposés comprennent un réseau électrique propre, l’efficacité énergétique, le transport en commun, l’agriculture, l’adaptation aux changements climatiques ainsi que les solutions climatiques autodéterminées par les Autochtones — par exemple, la mise en place de réseaux électriques de sources renouvelables, menée par les communautés —, pour n’en nommer que quelques-uns.
Ces mesures, en plus de mettre le pays sur la voie de la réalisation de ses engagements climatiques, apporteraient également des bénéfices substantiels aux familles et aux collectivités. Des programmes pour l’efficacité énergétique des bâtiments se traduiraient notamment par des coûts énergétiques moins élevés pour les foyers ; des options de transport en commun rendraient les déplacements plus pratiques et plus abordables. Et une modélisation montre que ces investissements permettraient la création de plus de 225 000 emplois d’ici 2028 dans des domaines comme l’énergie renouvelable, le secteur manufacturier, la construction et autres.
Un financement de 57 milliards de dollars chaque année, c’est beaucoup. Mais c’est peu si on considère que pendant une partie de la pandémie de COVID-19, le fédéral a dépensé une somme semblable en à peine 11 semaines.
Le coût de l’action pour contrer les changements climatiques doit aussi être comparé avec le coût de l’inaction : l’Institut climatique du Canada évalue qu’il s’élèvera au pays à 25 milliards de dollars en pertes de PIB chaque année d’ici 2025, et qu’il atteindra 101 milliards de dollars par année d’ici 2050 — alors que des mesures proactives d’adaptation et de réduction des émissions pourraient diminuer ces coûts de 75 %. Plus nous tardons à dépenser ce qu’il faut, plus la facture sera salée à long terme : les dommages engendrés par les événements météorologiques extrêmes coûtent cher, nuisent à la productivité et font perdre des emplois, entre autres choses, sans parler de leur coût humain.
À l’heure où l’inflation est en tête des préoccupations, il peut être tentant pour un gouvernement d’essayer de calmer le jeu en réduisant ses dépenses. Mais cela aurait des conséquences négatives — notamment sur la capacité de production de notre pays et sur le taux de chômage — sans s’attaquer à l’une des causes profondes de l’inflation : notre dépendance au pétrole et au gaz, dont les prix sont très volatils.
Des investissements climatiques — à un niveau d’ambition suffisamment élevé — permettraient donc au Canada de faire d’une pierre plusieurs coups : se rapprocher de sa juste part de l’effort global pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, être concurrentiel dans une économie mondiale en pleine transformation, et améliorer très concrètement la qualité de vie des Canadiens. Nous n’avons donc plus les moyens de ne pas investir ce qu’il faut dans l’action climatique. La balle est dans le camp de la ministre Freeland.
Pourquoi, ne pas transmettre ce texte à la ministre Freeland et à tous les décideurs,?
C’est très préoccupant!
Lyse Beaudry
Les gouvernements ont certes une marge de manœuvre énorme et des capacités d’investissement suffisantes pour faire bouger les choses mais les populations des pays développés doivent aussi adapter leurs modes de vies et de consommation et se méfier des fausses entreprises écologique. Il y a d’ailleurs un article trés intéressant sur le sujet aromazone et autres sur le site https://acheter-bio.fr/