COP26 : la solidarité internationale n’est pas négociable

La solidarité internationale est un prérequis essentiel pour agir efficacement contre la crise climatique mondiale. Or, plusieurs pays sont exclus de la COP26 qui s’ouvre ce dimanche à Glasgow, ce qui n’augure rien de bon pour les discussions.

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L’auteure est directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada.

La 26e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26) n’a pas encore commencé, mais nous savons déjà qu’elle sera l’une des moins inclusives à ce jour. La pandémie n’étant pas terminée, des restrictions de voyage empêcheront le tiers des petits États insulaires — qui sont parmi les plus durement affectés par les changements climatiques et les moins bien approvisionnés en vaccins contre la COVID-19 — d’y envoyer des représentants. Pendant ce temps, les États-Unis ont confirmé que leur délégation compterait 12 secrétaires d’État et nous savons que le Canada aura aussi une forte présence ministérielle.

Les Nations unies ont refusé de reporter la conférence, comme le demandait Climate Action Network International [note : le Réseau action climat Canada, pour lequel je travaille, fait partie de ce réseau international]. Résultat : des pays qui sont déjà aux prises avec les pires conséquences des changements climatiques ne pourront pas prendre part aux décisions.

La COP26 permettra néanmoins d’évaluer à quel point les États respectent leurs engagements de l’Accord de Paris. Plusieurs lacunes béantes ralentissent sa mise en œuvre, notamment en ce qui concerne une trajectoire de décarbonation compatible avec la limite de 1,5 °C, le financement international de l’action climatique et les énergies fossiles.

De la parole aux gestes

L’Accord de Paris est un contrat de coopération. Il fonctionne selon les motivations des États et sur un consensus autour d’un objectif commun, plus grand que leurs intérêts individuels : celui de limiter l’augmentation de la température, autant que possible, sous 1,5 °C à l’échelle de la planète. L’Accord crée donc un mécanisme international de pression par les pairs.

Où en sommes-nous par rapport à l’atteinte de cet objectif ? Le dernier rapport de synthèse publié par les Nations unies révèle que nous nous dirigeons tout droit vers un réchauffement catastrophique de 2,7 °C. Mais rappelons qu’il y a moins de six ans, c’est-à-dire avant Paris, nous étions en voie de réchauffer le globe de plus de 4 °C… 

Que l’on atteigne 2,4 °C ou 2,7 °C, ce sera encore trop chaud. Beaucoup trop chaud. Chaque dixième de degré compte et évitera des répercussions considérables. Un monde compatible avec un réchauffement de 1,5 °C n’est pas négociable. Cette limite de 1,5 °C, c’est l’enjeu le plus important pour lequel les parties présentes à Glasgow devront communiquer des résultats. Elles ont la responsabilité de démontrer comment elles améliorent leurs plans climatiques tous les cinq ans, en vertu de l’article 4.3 de l’Accord de Paris, et ce, conformément à l’objectif à long terme, soit une trajectoire d’augmentation de la température mondiale de 1,5 °C.

Un rapport du World Resources Institute montre par ailleurs que les pays du G20, qui émettent 75 % des GES sur la planète, seraient en mesure de limiter la hausse à 1,7 °C d’ici la fin du siècle s’ils se fixaient des buts plus ambitieux.

Pour l’instant, ni les engagements du Canada ni ceux du Québec ne représentent la juste contribution de ces gouvernements à l’effort mondial. Justin Trudeau et François Legault, qui seront présents au sommet des chefs d’État au début de la COP, devront illustrer comment ils comptent faire preuve de plus d’ambition et respecter leurs engagements actuels dans la lutte contre la crise climatique d’ici 2030.

Le financement pour les pays du Sud, un symbole de confiance

La question du financement international de l’action climatique sera également prépondérante. En 2009, à Copenhague, les États se sont engagés à mobiliser au moins 100 milliards de dollars américains par année jusqu’en 2020 pour aider les pays du Sud à atténuer leurs émissions de GES et à s’adapter aux effets croissants des changements climatiques. 

Ces fonds, bien qu’insuffisants (un rapport des Nations unies évalue plutôt que 6 000 milliards sont requis), forment le pilier central du compromis sur lequel repose l’Accord de Paris. Les pays du Sud ont accepté de réduire leurs émissions en échange d’un soutien financier, dans le contexte d’une crise dont ils sont les moins responsables alors qu’ils vivent avec ses plus gros impacts.

L’ancien ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Jonathan Wilkinson, maintenant aux Ressources naturelles, s’est engagé, avec son homologue allemand Jochen Flasbarth, à jouer un rôle diplomatique auprès des autres pays riches afin d’aider à collecter les fonds manquants pour atteindre ces fameux 100 milliards. Ils devaient ainsi déposer, avant le début de la COP26, un plan expliquant comment cet argent sera remis aux États qui en ont besoin. Ce document, qui a été présenté lundi matin, laisse malheureusement beaucoup à désirer. Il promet les 100 milliards pour 2023 seulement — trois ans plus tard que prévu —, et sans préciser quels pays contribueront et à combien s’élèvera la part de chacun. 

Au cours de la rencontre du G20 qui aura lieu à Rome juste avant la COP26, on attend davantage de progrès. Les pays membres devront reconnaître la nécessité de débloquer des sommes allant bien au-delà des 100 milliards annoncés, soit des milliers de milliards, pour répondre aux besoins des pays du Sud, et convenir d’un examen annuel des efforts de chacun.

La difficile question des énergies fossiles

Finalement, parallèlement aux négociations, les COP constituent des moments propices à la formation d’alliances sur des mesures précises permettant aux États de remplir leurs engagements internationaux. La question des énergies fossiles sera importante à la COP26, car malgré son caractère fondamental, elle n’est mentionnée nulle part dans les textes négociés jusqu’ici. La Convention-cadre de l’ONU a négligé d’année en année de s’attaquer aux énergies fossiles. Est-ce que cela pourrait changer ?

Des ententes visant à éliminer une fois pour toutes la production de charbon feront l’objet de discussions, tout comme le Global Methane Pledge, qui sera lancé à Glasgow. Ce dernier a pour objectif de réduire les émissions de méthane — un gaz à effet de serre extrêmement puissant — de 30 % en 2030 par rapport aux niveaux de 2020. Le Costa Rica et le Danemark dévoileront par ailleurs l’alliance Beyond Oil and Gas, qui réunit des États engagés à cesser l’exploitation de combustibles fossiles à une date précise. Le Québec, qui s’est positionné la semaine dernière comme chef de file nord-américain en annonçant la fin de l’extraction d’hydrocarbures à l’intérieur de ses frontières, est un candidat à ce groupe. Espérons aussi que la création de cette alliance entraînera un effet domino auprès des autres autorités canadiennes, y compris le gouvernement fédéral. 

La COP26 sera donc un sommet chargé, en plus d’être compliqué par le contexte pandémique et les iniquités d’accès qui en résultent. Mais nous avons plus que jamais besoin que cette conférence soit un moment de responsabilisation où la communauté internationale s’engage à favoriser un avenir viable pour les gens et la planète, et à respecter le principe fondamental qu’est le respect des droits de la personne et des droits des peuples autochtones. Tout comme pour la COVID-19, personne ne sera à l’abri de l’échec climatique tant que tous ne seront pas hors de danger. 

La solidarité est la seule issue. Et si elle n’est pas au rendez-vous, la société civile — sur place et de retour à la maison — rappellera aux États leurs responsabilités envers l’avenir des gens et de la planète.