GES : pour revoir ses cibles, Québec doit savoir comment les atteindre

Le Québec deviendra-t-il vraiment carboneutre en 2050, alors qu’il n’a pas su réduire ses émissions de GES de 20 % de 1990 à 2020 ? Difficile à dire sans connaître les raisons de notre échec, explique notre collaborateur Pierre-Olivier Pineau.

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L’auteur est professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Il est notamment expert dans le domaine des politiques énergétiques et des marchés de l’électricité.

L’urgence climatique requiert que le monde entier s’unisse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de manière à limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C en 2100. Pour y arriver, tous les pays devront éliminer complètement leurs émissions de CO2 (le principal GES) autour de 2060. Puis, il faudra aller plus loin, en retirant du CO2 de l’atmosphère. Cela nécessitera de faire pousser plus de plantes (en espérant qu’elles demeurent en vie et se reproduisent) ou de garder le CO2 sous terre (en se croisant les doigts pour qu’il y reste). 

Le Québec a pour objectif officiel de réduire de 37,5 % ses émissions de GES en 2030 — par rapport au niveau de 1990 — et d’arriver à la carboneutralité en 2050. En 2019, dernière année pour laquelle des données sur les émissions de GES ont été publiées pour la province, nous en étions à une réduction de 3,1 %, grâce à des baisses réalisées de 2003 à 2013. Cependant, les émissions sont en croissance depuis 2016. Il est donc plus qu’évident que nous n’atteindrons pas la cible de 2020, qui prévoyait une réduction de 20 % par rapport au niveau de 1990. 

Pouvons-nous atteindre la cible de 2030 ? La stratégie retenue pour mettre en œuvre le Plan pour une économie verte 2030, élaboré par le gouvernement du Québec pour mener la lutte contre les changements climatiques, ne prévoyait éviter que 13 millions de tonnes (Mt) de GES sur les 29 à éliminer pour parvenir à faire baisser les émissions de 37,5 %. Il reste donc à trouver des moyens d’obtenir une réduction supplémentaire de 16 Mt !

C’est dans ce contexte que plusieurs regardent les ambitions des pays européens : l’Union européenne vise à réduire ses émissions non pas de 37,5 %, comme au Québec, mais de 55 % d’ici 2030 ; le Royaume-Uni promet une réduction d’au moins 68 % pour 2030 ; et la Finlande veut atteindre la carboneutralité dès 2035 ! Le Québec semble donc bien peu ambitieux en comparaison. 

La question se pose : devons-nous viser, nous aussi, une plus importante réduction ? Lors de la conférence de Glasgow sur les changements climatiques (COP26), qui se tiendra du 31 octobre au 12 novembre 2021, tous les pays du monde vont se réunir pour tenter d’harmoniser leurs actions climatiques. Selon les termes de l’Accord de Paris de 2015, les États sont tenus de renforcer leurs « contributions déterminées au niveau national », c’est-à-dire de s’engager (sans contrainte ni obligation légale) à faire davantage pour la lutte contre les changements climatiques. 

Le Québec pourrait ainsi dire que la réduction de 37,5 % pour 2030 ne suffit pas et qu’il faut viser 55 %, comme l’Union européenne, ou même 68 %, comme le Royaume-Uni. Pour le climat et la planète, mais surtout pour les sociétés humaines, atteindre de telles cibles serait une excellente chose. Au lieu de vivre de plus en plus de phénomènes liés à la chaleur extrême — pluies torrentielles et sécheresses, entrecoupées de feux de forêt et d’autres catastrophes climatiques —, nous pourrions espérer stabiliser le climat à un niveau pas radicalement différent du climat actuel. 

En toute rationalité et par souci pour les générations futures, nous devrions viser plus haut et agir sans plus tarder.

Un bon diagnostic est nécessaire

Malheureusement, le contexte que nous connaissons nous oblige sans doute à autre chose. Nous n’avons même pas encore analysé pourquoi nous avons raté notre objectif de 2020. Le gouvernement a publié en 2019 un bilan de mi-parcours des actions menées jusqu’en 2016-2017 dans le cadre du Plan d’action 2013‑2020 sur les changements climatiques. Ce bilan soulignait la nécessité d’accélérer les mesures, de les optimiser et d’en trouver d’autres — parce que les actions actuelles sont insuffisantes. Il mentionnait aussi les problèmes de gouvernance dans la gestion des fonds alloués à la lutte contre les changements climatiques, problèmes qui n’ont pas encore été résolus.

Il faudra probablement attendre jusqu’en 2022 ou 2023 avant d’obtenir un bilan complet de notre échec collectif à respecter la cible de 2020. Pendant ce temps, les ventes de véhicules neufs à essence se portent très bien et le prix de l’essence a de nouveau atteint des sommets, signe de l’engouement des consommateurs pour ce produit directement responsable de la plus grande part de nos émissions de GES.

Derrière nos bonnes intentions et nos cibles pas si ambitieuses se cache une réalité plus sombre : d’une part, notre gouvernement n’a pas de plan sur lequel compter pour nous mener à l’atteinte de la cible de 2030 ; d’autre part, nous nous consacrons collectivement plus au magasinage de voitures, de maisons et de toutes sortes de produits qu’à une réflexion sur la transformation de notre vie permettant de réduire, et d’éliminer complètement dans les 30 prochaines années, les émissions de GES. Avant de viser plus haut, nous devrions nous concentrer sur la base. Il faut comprendre ce qui n’a pas marché, le corriger, engranger quelques succès, et ensuite accélérer la cadence.

Lorsque Greenpeace Québec, par exemple, demande à ce que la province hausse sa cible de réduction des GES pour 2030, l’organisme ne fait pas le diagnostic de ce qui n’a pas fonctionné jusqu’à maintenant. Ce serait l’équivalent de demander à un coureur mal préparé, qui a échoué à courir 10 km, de tout de suite s’inscrire pour un marathon (42 km), et pourquoi pas pour un Ironman (enchaînement de 3,8 km de natation, de 180,2 km de cyclisme, puis du marathon de 42 km). C’est facile de s’inscrire, mais les chances de réussir sont inexistantes pour ceux qui, comme nous, n’ont pas commencé l’entraînement.

Au lieu de viser des cibles toujours plus grandes, commençons par plus d’introspection. Mettons le doigt sur nos erreurs des dernières années, corrigeons-les, prenons confiance en nous et construisons un plan d’action collectif cohérent. Ainsi, nous ne paraîtrons peut-être pas les plus ambitieux à Glasgow en 2021, mais nous aurons plus de chances de faire partie de ceux qui tiendront promesse en 2030.

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Merci Monsieur Pineau, vous lire est toujours stimulant car vous ne faites pas dans le dogme, vos arguments sont toujours fondés sur la science et sur le « raisonnablement » faisable. Espérons que d’autres intellectuels de calibre seront encouragés à prendre la parole publiquement, dans le plus grand nombre possible de domaines.

« Au lieu de viser des cibles toujours plus grandes, commençons par plus d’introspection. » Et pourtant Pineault, qui donne en exemple les cibles ambitieuses de la France ou du Royaume-Uni, ne nous dit pas si celles-ci ont une chance d’être atteintes… Et ne nous ne donne AUCUN exemple du type d’action que l’on pourrait poser les atteindre, ces cibles.

Le Québec est déjà la province au Canada avec le GES/habitants la plus basse faudrait peut etre se focusser plus sur le province qui pollu le plu. Le Québec n’est pas parfait mais faut se concentrer sur les plus gros problèmes.

Ça nous coûte $11 Millions par minute pour se prévaloir du plaisir exquis de polluer les poumons des pitchounettes.

Les cibles sont comme les promesses du jour de l’an, nous voulons savoir ce que le gouvernement fera lundi matin. La première chose à faire serait d’analyser sérieusement où sont dirigées nos taxes et
de détourner quelques minutes de ces millions vers les vrais solutions (EnR et la mobilité électrique).

$5900 MILLIARDS par année (FMI), c’est ce qu’on donne en subvention à l’industrie du fossile sans conditions. (et ça c’est ce qu’on ose publier)

https://www.theenergymix.com/2021/10/07/11-million-per-minute-in-fossil-subsidies-add-fuel-to-the-fire-imf-study-shows/

Une bonne partie de cet argent est utilisée pour nous faire croire par les médias menteurs que ça ne coûte pas cher, pcq le fossile, hey c’est l’énergie la moins chère. Tsé veut dire.

Vous pensez bien que cette industrie du fossile, experte en irresponsabilité, ne peut pas se permettre de ne pas nous mentir par les médias menteurs pour conserver ce privilège le plus longtemps possible, au diable les poumons des pitchounettes.

Cette industrie fossile a réussi à faire croire par les médias complices que les enfants qui travailleraient dans les mines de cobalt ne seraient aucunement liés à l’utilisation en quantités industrielles de cobalt dans les raffineries de pétrole pour désulfurer.

C’est écrit dans le journal comme dit la chanson.

Rien de plus convainquant qu’un vulgarisateur scientifique comme Charles Tisseyre à Découvertes de RC pour mettre ça sur le dos des VE avec un petit clin d’oeil.
VE, vous savez ceux qui ont comme mission d’accélérer la transition vers un avenir durable pour l’humanité,
vous savez ceux qui n’ont pas de tuyaux d’échappement et qui ne polluent pas les poumons des pitchounettes.
Surtout M. Tisseyre ne parlez pas des guerres, des tueries et de la destruction massive de notre environnement du pétrole, ça pourrait faire peur aux enfants.

Je pense qu’il faut revoir plus que les cibles.
Il faudrait se demander de quelle façon on veut vivre ensemble,
dans un avenir durable
ou bourré de pollution et de GES?

Quelle émotion de voir que le Canada soit reconnue numéro 1 sur la liste comme le pire pays pollueur au monde par habitant!

Que dire du succès de l’industrie du fossile, de ses lobbyistes et de nos élus fantoches achetés pour nous avoir fait une place au côté de l’Arabie Saoudite sur la liste des pires fournisseurs d’aides aux pollueurs à coup de 18 milliards par année?

Devrions-nous avoir peur de ce que les lobbyistes pétroleux pourraient encore nous concocter dans les couloirs;
– un gouvernement autocratique peut-être
– ou un état policier tant qu’à y être
pour pourvoir tapocher, emprisonner, torturer, exécuter ou démembrer les opposants?

Quelle incohérence et hypocrisie de subventionner l’industrie du fossile en déclin qui nous pollue et qui nous éloigne d’un avenir durable pour l’humanité!

https://www.nationalobserver.com/2020/11/11/news/canada-saudi-arabia-worst-performers-fossil-fuel-funding-report

Le sermon culpabilisant de Pierre-Olivier Pineau
« Il faudra probablement attendre jusqu’en 2022 ou 2023 avant d’obtenir un bilan complet de notre ÉCHEC COLLECTIF à respecter la cible de 2020», nous dit Pierre-Olivier Pineau.
L’accusation est lancée : Nous voilà — vous et moi — maintenant coupables d’un ÉCHEC COLLECTIF!
• Comme si c’était nous, simples citoyens du Québec, et non Jean Charest qui avions décidé en 2009 de fixer cette cible utopique de réduction de 20% de nos émissions de GES.
• Comme si c’était nous qui avions concocté le fameux Plan Vert qui devait supposément nous conduire sur les voies lumineuses de cette cible utopique.
• Comme si c’était nous qui avions nommé la bande d’incompétents et d’irresponsables qui a fait partie du Fonds Vert depuis sa formation jusqu’à son abolition l’année passée et son remplacement par le Fonds d’électrification.
L’aveu d’ignorance de Monsieur Pineau sur les causes de cet ÉCHEC est d’autant plus inquiétant, qu’il fait partie du « Comité consultatif sur les changements climatiques » chargé justement de conseiller le ministre de l’Environnement sur la voie à suivre désormais pour atteindre la prochaine cible de 2030.
Si Monsieur Pineau veut vraiment savoir les causes de cet ÉCHEC — non pas « collectif » comme il nous en accuse effrontément — mais bien celui de Charest, Couillard, ainsi que du Fonds Vert qu’ils ont créé, je lui conseillerais de lire le chapitre 12 du Mémoire que j’ai présenté en janvier 2020 au « Comité de consultation sur le projet de loi n° 44 », document qu’il trouvera sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
http://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_157405&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
Au bénéfice des lecteurs de l’Actualité, je me permets d’en citer un passage :
« Depuis la création du Fonds Vert, les émissions annuelles de GES au Québec sont passées de 85 Mt en 2006 à 78 Mt en 2017, pour une réduction cumulative totale d’environ 35 Mt. Ce qui représente 4,3% des 815 Mt de GES que le Québec a émis au total durant cette période. Combien avons-nous payé avec le Fonds Vert pour cette dérisoire réduction d’émission?
Selon les Comptes du Fonds Vert 2017-2018, les dépenses cumulatives encourues de 2007 à 2018 affectées aux changements climatiques se sont élevées à 3,3 milliards de $. Ce qui représente 94$ par tonne de GES que cette dépense a « peut-être » permis d’éviter. (Ce qui est déjà exorbitant si on compare au prix d’environ 15$ la tonne obtenu avec la Bourse du carbone.) Mais nous insistons sur le « peut-être ». Peut-être que ces 3,3 milliards de $ auront permis d’éviter 35 Mt d’émission. « Peut-être », parce que rien ne nous dit que le résultat n’aurait pas été sensiblement le même si on avait carrément remis ces 3,3 milliards de $ aux contribuables! Après tout, c’est le but d’une bourse du carbone d’amener les différents émetteurs à réduire leurs émissions. Dépenser ces droits d’émission ensuite pour supposément « lutter contre les changements climatiques », n’ajoute « peut-être » rien aux réductions déjà obtenues via le mécanisme des droits d’échanges. Nous n’en savons rien. C’est pourtant une information cruciale pour savoir si le Fonds Vert joue vraiment un rôle dans la réduction des émissions.
À défaut de le savoir, force est d’admettre que les dépenses aux fins de la « lutte aux changements climatiques » ont constitué jusqu’à maintenant un gaspillage éhonté de l’argent des Québécois. »
En donnant au ministre le mandat « d’assurer la cohérence et la coordination des mesures gouvernementales, ministérielles ou proposées par certains organismes publics », le Projet de loi 44 est donc tout à fait bienvenu. »
Malheureusement, la composition du nouveau « Comité consultatif sur les changements climatiques », chargé de conseiller le ministre sur la question du climat, laisse bien peu d’espoir d’obtenir de meilleurs résultats dans l’avenir. L’article 15.0.2 du Projet de loi 44, portant sur ce Comité consultatif, demandait que « les membres doivent avoir collectivement une compétence et une expérience significatives et pluridisciplinaires en matière de lutte contre les changements climatiques et la majorité doit être issue du milieu scientifique. » Formulé de cette façon, on voit tout de suite qu’on a voulu favoriser tous ceux qui croient savoir que la « lutte contre les changements climatiques », eh bien, c’est pas compliqué : c’est la lutte contre les émissions de GES, stupide! Et on a exclu de ce comité tous ceux qui — comme moi — n’ont pas la même intelligence de la question et qui doutent que la réduction des émissions de GES soit la meilleure mesure d’adaptation aux changements climatiques. On a ainsi fermé la porte aux scientifiques climato-réalistes — comme moi — qui ont peut-être de meilleures idées à ce sujet. Sûrement de moins coûteuses, en tout cas.
Et comme de fait, sur les 12 membres de ce comité, on n’en retrouve qu’un seul issu d’un milieu scientifique pertinent aux sciences de la Terre (tel que la physique, la géophysique, la géologie, la chimie, la climatologie, la météorologie, la modélisation stochastique, etc.) Malheureusement, ce seul membre vraiment « scientifique » c’est Alain Bourque, climatologue chez Ouranos, organisme lourdement subventionné à hauteur de 10 millions de dollars par année et bien mal placé, par conséquent, pour remettre en question les dogmes de la religion réchauffiste dont son organisation profite goulûment.
Je comprends mal également la présence dans ce comité, de Charles Larochelle, détenteur d’une simple maîtrise en sciences politiques — quel rapport avec la physique du climat ? — et membre du CA d’Équiterre. Bien placé, bien sûr, pour quêter des subventions pour Équiterre auprès du Fonds d’électrification comme on l’a fait dans le passé auprès de l’ex-Fonds Vert. Mais bien mal placé lui aussi pour porter un regard scientifique sur la question. On aurait voulu placer un espion au sein de ce comité, pour renseigner le fondateur d’Équiterre, Steven Guilbault, sur les dessous de la politique québécoise en environnement qu’on n’aurait pas fait mieux…
Dans mon Mémoire sur le Projet de loi 44, je demandais aussi qu’il y ait — en plus des scientifiques de la nature — des gens d’affaires, qui savent compter, qui ont les deux pieds sur terre et qui seraient en mesure d’évaluer les coûts et l’efficacité des mesures proposées afin de conseiller le ministre de façon responsable. J’ai été exaucé au moins de ce côté-là quand j’ai vu qu’Alain Lemaire, président exécutif du CA de Cascades, allait faire partie de ce Comité. Ça me rassure. J’y vois peut-être la main cachée de François Legault qui cherchait sans doute quelqu’un de pragmatique et crédible sur ce Comité pour conseiller son ministre de l’Environnement. Et peut-être aussi pour surveiller les agissements des 11 autres membres de ce Comité en qui il a toutes les raisons de ne pas avoir une grande confiance. Ce qui vous inclut aussi, Monsieur Pineau. Prenez garde à votre petit côté évangéliste et moralisateur dans vos interventions médiatiques. Ce n’est vraiment pas aux goûts de la maison caquiste….
Alain Bonnier, docteur en physique