Une solution juridique prometteuse pourrait aider à lutter contre le dérèglement climatique : l’inclusion du droit à un environnement sain à la Charte canadienne des droits et libertés. Mais comment s’y prendre ? Découverte de deux potentielles avenues.
L’article 7 de la Charte canadienne prévoit que toute personne a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il serait possible, dans le cadre d’un litige, de faire déclarer par un tribunal que le droit à un environnement sain est inclus implicitement dans l’article 7 de la Charte. De là pourrait découler une série d’obligations auxquelles le gouvernement devrait se plier, notamment la mise en œuvre de mesures visant à contrer le dérèglement climatique. Le recours est de taille, la preuve volumineuse, mais loin d’être impossible à faire.
Les initiatives judiciaires pour tenter de forcer la main du gouvernement afin qu’il respecte ses obligations internationales en matière de climat commencent à émerger. La première demande en justice sur le sujet, une demande d’action collective présentée par l’organisme ENvironnement JEUnesse, n’a pas été autorisée par la Cour supérieure. On y demandait de verser 100 $ à chaque citoyen québécois âgé de moins de 35 ans pour compenser la « négligence grossière » du gouvernement quant aux changements climatiques. Le juge Morrison a conclu qu’il ne s’agissait pas du bon véhicule procédural pour en arriver aux conclusions de l’organisme.
Ça ne veut pas dire pour autant que toute autre tentative judiciaire serait vaine.
La Constitution canadienne a souvent été décrite comme un « arbre vivant ». Ce concept développé dans l’arrêt Edwards de 1929 veut que la Constitution s’adapte, dans son interprétation par les juges, en fonction de l’évolution de la société, de ses mœurs, de sa culture, des nouvelles réalités du pays. Pour que la Constitution évolue avec son temps, il faut l’interpréter de manière « large et libérale ». Même si cette décision a été rendue dans le cadre de la Loi constitutionnelle de 1867, il reste que le principe s’applique également avec la Charte canadienne.
C’est entre autres ce qui a mené à la légalisation, par la Cour suprême, du mariage gai, un arrêt qui aurait été peu probable à une autre époque.
Une solution politique ?
L’autre option serait de rouvrir la Constitution pour y inclure nommément le droit à un environnement sain. Il faut l’appui de sept des dix provinces, représentant 50 % de la population pour changer la constitution. Les psychodrames autour de l’environnement étant déjà bien vivants au Canada, il est peu probable que quelconque politicien s’y aventure. Pourtant, d’autres pays l’ont fait, avec succès.
En Afrique du Sud, le droit à « un environnement qui n’est pas préjudiciable à la santé et au bien-être (des citoyens) » est consacré à la Constitution du pays depuis 1996. En Inde, ce droit est érigé en devoir pour le citoyen, celui de « protéger et améliorer l’environnement naturel ». Aux Pays-Bas, un jugement de la Cour d’appel de La Haye est venu ordonner au gouvernement néerlandais de diminuer ses émissions de GES, notamment au nom du « droit à la vie ».
Selon l’Institut international du développement durable, on attribue quelque 7700 morts prématurées par année au Canada à la seule pollution de l’air. Le Canada fait piètre figure quant à son bilan environnemental parmi les pays industrialisés, se classant parmi les plus gros pollueurs de la planète, compte tenu de sa population. La situation peut et doit s’améliorer.
Un peu à l’image de ces arbres de Nouvelle-Zélande, dont on a découvert qu’ensemble et à travers leurs racines, ils gardaient en vie une souche qui aurait autrement dû mourir, la solidarité politique pour arriver à un tel résultat devrait être considérable.
Si on ne peut insuffler à notre arbre vivant qu’est la Constitution de nouvelles voies pour protéger notre environnement par le jeu politique, il ne reste que la voie judiciaire.