Dans sa lutte contre les changements climatiques, le Québec s’est engagé à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Pour parvenir à cette ambitieuse cible, le gouvernement s’est doté d’un outil réputé efficace pour la réduction du dioxyde de carbone, du méthane, du protoxyde d’azote et des autres polluants qui provoquent le réchauffement de l’atmosphère : un marché du carbone. Depuis 2013, certaines émissions de GES ont un prix, qui doit être payé par ceux qui en sont responsables.
Ainsi, ces émissions doivent avoir décliné depuis ce temps, dites-vous. Elles ont plutôt augmenté depuis 2016. Le marché du carbone québécois est-il un échec ?
Le prix du carbone est un tarif sur les émissions de GES, fixé par un type de marché nouveau genre, appelé système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES. La manière la plus simple de comprendre ce système est sans doute de penser aux chasseurs : pour tuer un orignal, par exemple, on doit détenir un permis de chasse. Le gouvernement délivre ces permis, et lorsqu’il faut protéger une population de gibier en difficulté, il peut réduire le nombre de permis offerts.
C’est la même chose pour les GES : par le marché du carbone, le gouvernement établit un nombre de « droits d’émission » qui diminue au fil des ans.
Pour l’année 2015, le gouvernement du Québec avait fixé un plafond de 65,5 millions de tonnes de GES. Pour l’année 2030, le plafond ne sera plus que de 44,1 millions de tonnes. La plus grande partie de ces droits d’émission est vendue aux enchères, quatre fois par an. Ce sont les grands émetteurs (industries) qui doivent acheter ces droits, mais aussi, et surtout, les distributeurs de produits pétroliers qui nous vendent de l’essence, comme Esso L’Impériale, Shell, Irving, Harnois et bien d’autres. Les distributeurs de gaz naturel (Énergir et Gazifère au Québec) et même Hydro-Québec doivent également se procurer des droits d’émission, parce que l’énergie qu’ils vous livrent contient des GES (dans le cas d’Hydro-Québec, c’est très peu de GES parce que l’essentiel de l’électricité est de source renouvelable, mais la société d’État exploite encore des centrales thermiques au diesel ou au mazout, et importe à l’occasion de l’électricité ayant un contenu carbone).
Les sommes recueillies sont considérables : plus de 5,6 milliards à ce jour, et elles vont financer les subventions par exemple à l’achat d’une automobile électrique ou dans le cadre du programme Rénoclimat.
La prochaine enchère du 16 février s’effectuera à un prix minimal de 18,69 $, alors que le prix de vente final sera sans doute plus élevé parce que la demande des acheteurs s’annonce plus importante que le nombre de droits disponibles. Ces droits d’émission permettent à ceux qui les possèdent d’émettre une tonne de GES.
Le prix du carbone est donc déterminé par le marché : d’abord les enchères, et ensuite les échanges que peuvent réaliser tous ceux qui veulent acheter et vendre des droits d’émission, comme pour une action à la Bourse. Vous pourriez vous-même acheter des droits d’émission (aux enchères ou à une entreprise en possédant), même si vous n’y êtes pas obligé, et les revendre ensuite à un tiers, une aluminerie par exemple.
J’ai moi-même acheté des droits d’émission aux enchères de mai 2014 et de mai 2021. Le prix est passé de 11,39 $ en mai 2014 à 35,47 $ aux dernières enchères de 2021, qui se sont conclues bien au-dessus du prix minimal de départ.
Comme le nombre de droits diminue d’année en année, limitant en principe la capacité des émetteurs à rejeter des GES, un effet de rareté doit théoriquement mener à une hausse du prix de la tonne de carbone. Et gare à ceux qui oseraient émettre des GES sans les droits nécessaires : des amendes salées leur seront données.
Le système est assez crédible pour que, depuis les débuts, tous les émetteurs qui devaient obtenir des droits d’émission s’en procurent. C’est ainsi que le gouvernement québécois a encaissé les 5,6 milliards qui financent les programmes de subvention de la lutte contre les changements climatiques.
Mais ces subventions n’ont pas vraiment d’effet sur les émissions. Est-ce que le prix du carbone est beaucoup plus dissuasif ? Pas vraiment. Même à 35,47 $ la tonne de GES, cela n’ajoute « que » 8,2 ¢ par litre d’essence. C’est beaucoup, diront nombre d’automobilistes, mais certainement pas assez pour freiner la consommation de pétrole et ralentir les ventes de véhicules à essence. Ce prix du carbone est d’autant moins efficace qu’il est caché dans le prix total, il reste donc invisible pour les pollueurs automobiles que nous sommes.
Les perspectives pour 2030 ne sont pas non plus très préoccupantes pour les émetteurs. Autrement dit, elles ne sont pas encourageantes pour ceux qui souhaitent l’atteinte des cibles de réduction des GES. En effet, même si les plafonds d’émissions de GES diminuent, différents mécanismes font que la rareté des droits d’émission ne se fera pas sentir avant 2030.
Cela s’explique par le fait que moins de 75 % de toutes les émissions québécoises sont soumises au marché des droits d’émission. Pour plus de 25 % (essentiellement les émissions des agriculteurs, des dépotoirs, et de plusieurs autres petites catégories surtout liées au transport hors Québec), aucun prix du carbone n’existe. La pollution reste gratuite.
De plus, le gouvernement n’est pas le seul à délivrer des droits d’émission : des promoteurs privés qui ont des projets diminuant les émissions de GES peuvent créer leurs propres droits d’émission (des crédits compensatoires, qui doivent être approuvés par le gouvernement) et les vendre aux émetteurs. Cela augmente donc la disponibilité des droits d’émission… et réduit la menace de pénurie.
Enfin, contrairement aux permis de chasse qui ne sont pas transférables d’une année à l’autre, les droits d’émission de GES non utilisés une année peuvent l’être n’importe quand dans l’avenir.
Le problème, c’est que le gouvernement a été généreux dans les premières années du marché du carbone : les plafonds ont été bien supérieurs aux émissions réelles. Une bonne quantité de droits d’émission dorment donc dans des caves, et pourront être ressortis d’ici 2030.
En somme, aucune pénurie ne va survenir d’ici 2030. Les émetteurs pourront rejeter des GES, avoir des droits d’émission et respecter les conditions du marché du carbone. Tout comme pour les subventions distribuées par le truchement des programmes, il n’y aura pas d’effet concret et notable sur les émissions de GES du Québec. Ce ne sera donc pas avec les programmes actuels ni avec le marché du carbone que nous allons atteindre nos cibles de 2030. C’est dommage, parce qu’en théorie, le Québec avait mis en place des incitatifs positifs et négatifs pour réduire les GES… mais dans aucun des deux cas leur efficacité ne nous permettra de faire fléchir suffisamment nos émissions.
Ça ressemble à une performance sans substance, mais ça paraît bien
Comme si pour réduire les accidents de la route dues aux excès de vitesse, on permettait à ceux qui ont les moyens de se payer le droit de dépasser les limites mais seulement s’ils ne dépassent pas 200 km/h. Aucun compte à rendre sur les habitudes de conduite sauf au marché.
Alors la tuerie serait tolérée pcq sans cette restriction ces irresponsables fileraient à plus de 200 km/h figurez vous!
C’est légal tant que ça ne dépasse pas 200 km/h et que les droits sont payés. Belle affaire.
‘8 millions de personnes meurent prématurément, chaque année, à cause de la pollution de l’air liée aux énergies fossiles.’
alors faisons un marché de la tuerie, par exemple vous pouvez faire mourir des personnes en achetant des droits de polluer avec comme limite de ne pas en tuer plus de 16 millions par années.
À voir nos élus marcher sur la tête quand il s’agit d’environnement et énergies on peut s’attendre à tout et de s’étonner de rien.
Heureusement qu’une partie de cet argent est dirigée vers ceux qui font les choses pour les bonnes raisons comme les VE et les EnR,
mais quand on voit ces fonds verts être détournés pour des projets sans génie comme le gaz de fracturation frauduleusement appelé gaz naturel pcq il ya quelques pelures de pomme dans ce bassin toxique, il y a de quoi à douter de l’efficacité de ce marché.
Pourtant éliminer le mal il faut faire le bien et il y a des solutions, entre autres :
https://solarimpulse.com/accueil
https://bertrandpiccard.com
https://www.tesla.com/fr_ca/energy?redirect=no
https://www.alsetehomeintl.com
Pineau poursuit une critique discutable du marché du carbone qui lie le Québec et la Californie et l’argument selon lequel le gouvernement du Québec devrait imposer des politiques drastiquement plus coûteuses. Nous avons déjà souligné certaines de ces failles dans un commentaire paru dans Options politiques l’an dernier en réponse à un argument similaire:
https://policyoptions.irpp.org/magazines/april-2021/le-marche-du-carbone-presente-des-avantages-pour-le-quebec/
Pour résumer, M. Pineau se concentre sur les impacts du marché du carbone et des émissions sur le seul territoire québécois, tout en faisant abstraction des réductions d’émissions en Californie résultant de l’achat de quotas par les entreprises québécoises sur le marché du carbone lié. Comme le marché du carbone est un outil destiné à favoriser la coopération transfrontalière en matière de changements climatiques, il s’agit d’une lacune importante. Les émissions totales de la Californie et du Québec sont en baisse et les deux juridictions ont atteint leur objectif combiné de réduction des émissions pour 2020.
Une des raisons est qu’il est plus coûteux de réduire les émissions au Québec par rapport à la Californie. Par rapport aux autres provinces canadiennes et aux États américains, les émissions du Québec sont relativement faibles. Il y a encore beaucoup à faire, mais il faut tenir compte des coûts pour les entreprises et le public québécois. Le partenariat avec des juridictions comme la Californie permet de répartir les coûts et les avantages de la réduction collective des émissions. Peut-être que si le prix sur le marché du carbone augmente, et que les possibilités de réduction à faible coût en Californie sont épuisées, les entreprises californiennes commenceront à investir au Québec.
Depuis que nous avons publié notre commentaire, les marchés du carbone ont reçu un soutien renouvelé lors de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Glasgow (COP26). Le plus important a été l’accord pour rendre opérationnel le soi-disant article 6.2 de l’Accord de Paris qui permet aux pays de développer des approches coopératives décentralisées dans le cadre desquelles ils pourraient échanger des unités d’atténuation pour atteindre leurs propres plans d’action climatique. De cette façon, l’ONU a légitimé les marchés du carbone transfrontaliers comme celui entre la Californie et le Québec. Dans le même temps, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Écosse et l’État de Washington ont manifesté leur intérêt à se lier au marché du carbone Californie-Québec dans un avenir proche.
https://www.environmental-finance.com/content/awards/annual-market-rankings-2021/categories/carbon-prices-soar-in-bullish-year.html
M. Pineau est un expert reconnu en matière de politique énergétique au Québec et on devrait l’inciter à adopter une perspective plus large sur le marché du carbone.