Rétroviseur : le dossier radioactif du nucléaire

À la surprise générale (et la consternation de certains), Hydro-Québec évalue la possibilité de rouvrir la centrale nucléaire de Gentilly. Le même débat avait fait rage il y a 13 ans, tout juste avant l’annonce de sa fermeture, que l’on croyait définitive à l’époque.

glamstock / Imazins / Getty Images ; montage : L’actualité

Chaque dimanche, le rédacteur en chef adjoint de L’actualité, Éric Grenier, vous invite à lire (ou à relire) dans son infolettre Rétroviseur un des reportages les plus marquants de la riche histoire du magazine. Vous pourrez ainsi replonger au cœur de certains enjeux du passé, avec le regard de maintenant.

La décarbonation de nos économies force Hydro-Québec à racler ses fonds de tiroirs dans l’espoir d’y dénicher chaque petit kilowattheure qui pourrait avoir été oublié. Comme le mantra du premier ministre François Legault le souligne, c’est une moitié d’Hydro qu’il nous faut d’ici 2050. 

Ce qui explique le mandat qu’a accordé la société d’État à la firme SNC-Lavalin afin qu’elle évalue les possibilités qu’offrirait la centrale nucléaire de Gentilly-2, à Bécancour, dans le Centre-du-Québec. La centrale a été officiellement fermée en 2012, sur décision du gouvernement de Pauline Marois, à la suite d’un important débat. Son démantèlement, une opération longue et coûteuse, est commencé. 

L’apport du nucléaire, affirment les experts en énergie, s’inscrit bien dans la logique d’un cocktail d’offres pour faire face à une demande accrue et lorsque la gestion des pointes s’avère compliquée à cause du climat. Toutefois, l’initiative du nouveau président d’Hydro-Québec, Michael Sabia, n’a pas été annoncée en grande pompe (il aura fallu la sagacité des journalistes du bureau parlementaire de Québecor pour que les Hydro-Québécois en prennent connaissance).

On peut comprendre ses hésitations à faire part de cette démarche : les réactions à la nouvelle confirment que, c’est le cas de le dire, le débat sur le nucléaire au Québec est radioactif.

Pour mieux saisir les réactions d’aujourd’hui, il faut replonger dans le contexte de 2010 et 2011. Le Québec se remettait alors difficilement — quoique mieux que le reste du continent — de la grande récession de 2008. Certaines régions, comme celle où se trouve Bécancour, étaient encore en train de digérer la transformation de leur tissu industriel entamée des années auparavant. Et là, il y avait la vieille centrale nucléaire de Gentilly-2, avec son vieux réacteur CANDU, qui demandait de l’amour. Belle occasion de préserver des emplois dans une région en manque de love économique. 

Bien qu’en général l’amour n’ait pas de prix, dans le cas d’un réacteur nucléaire, il y en avait tout un : 2 milliards (en huards de 2010, ou 2,7 milliards en ceux de 2023). Et encore là, ce n’était qu’une amourette : cela permettait tout au mieux de maintenir la centrale en service jusqu’en 2035. L’annonce de la volonté du gouvernement Charest d’acquiescer au projet d’Hydro-Québec allait notamment alimenter le contexte préélectoral de l’époque. Il y avait donc le clan des « pour », le clan des « contre », et celui des « je ne comprends rien » (le bassin fort probablement majoritaire). 

C’est alors qu’est entrée en scène notre chef du bureau science et santé, Valérie Borde, avec ce long reportage au pays des atomes et des isotopes, publié au printemps 2011. C’est notre Rétroviseur de la semaine. Ah oui ! Le moment était aussi marqué par la catastrophe de Fukushima du 11 mars 2011, au deuxième rang des plus gros accidents nucléaires de l’histoire, après Tchernobyl. Même s’il n’y a pas eu de tsunami dans le fleuve à la hauteur de Bécancour, comme celui qui a provoqué la fusion des cœurs des réacteurs de cette centrale japonaise, cette catastrophe avait refroidi un peu plus le cœur de certains Québécois à l’égard de l’énergie atomique. 

La table était donc mise pour une bonne grande chicane collective dont le Québec est capable. Fallait-il vraiment fermer Gentilly, alors que, 11 ans plus tard, on se demande s’il n’y a pas eu erreur sur la centrale ? Ce grand papier de Valérie Borde se lit comme on regarde un match de hockey : il y a de belles envolées, des mises en échec, des jambettes et des « coups de six pouces » aussi, en passant par des coups de gueule bien sentis. Ce qui nous fait comprendre les réactions épidermiques d’aujourd’hui.

Bonne lecture !

Éric Grenier, rédacteur en chef adjoint

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Comme dirait l’Arabe; « À quoi sert la lumière du soleil si l’on a les yeux fermés »

Prolonger la vie d’une centrale nucléaire qui serait encore en fonction serait discutable, mais de réanimer une ancienne technologie est un projet rétrograde et sans génie.
Comment expliquer ce choix quand il est connu qu’une centrale solaire / éolienne / batterie coûte une fraction et peut s’ériger en peu de temps?

Le soleil est le meilleur désinfectant et l’on verrait de façon claire où vont les fonds publics, mais avec un projet sans transparence comportant des dépassements de coûts énormes comme le nucléaire, on est en droit de se demander de quelle manigance il s’agit?
Honni soit qui manigance. Dans quelle drôle de galère M. Sabia entraîne-t-il HQ?

Demandons à Elon Musk / Tesla qui a réussi en 2016, à relever le défi de créer la plus grande batterie Lithium-ion au monde pour accumuler l’énergie éolienne en 100 jours à Hornsdale Australie, sinon Tesla aurait assumé les frais;

https://www.tesla.com/cs_cz/videos/powerpack-hornsdale#:~:text=In%20response%2C%20together%20with%20the,system%20security%20to%20South%20Australians.

Maintenant, il y en a des plus grosses et les centrales MegapacksTesla et autres compagnies se multiplient partout en plus des microréseaux décentralisés par des VPP (virtual power plant) plus le V2G (vehicle to grid) .

Regardez, un des derniers projets Tesla énergie: 2 Tesla virtual power plants cleared to provide energy to Texas electric grid https://www.utilitydive.com/news/tesla-virtual-power-plants-vpp-ercot-puc-texas-grid/691713/#:~:text=Two%20virtual%20power%20plants%20comprised%20of%20residential%20Tesla%20Powerwall%20batteries,Commission%20of%20Texas%20announced%20Wednesday.

Public Utility Commission of Texas has approved 2 Tesla VPP
https://driveteslacanada.ca/news/texas-approves-tesla-virtual-power-plant-vpp-in-houston-and-dallas/

HQ a certainement l’expertise pour faire de même, mais si HQ ne prend pas l’initiative de devenir fournisseur de solutions d’avenir, quelqu’un d’autre prendra la place et HQ rétrécira et cette expertise se pulvérisera.

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Comme dirait l’Arabe; « À quoi sert la lumière du soleil si l’on a les yeux fermés »

Prolonger la vie d’une centrale nucléaire qui serait encore en fonction serait discutable et même peut-être logique de façon temporaire, mais de réanimer une ancienne technologie est un projet rétrograde et sans génie.

Comment expliquer ce choix quand il est connu qu’une centrale solaire / éolienne / batterie coûte une fraction et peut s’ériger en peu de temps?

Le soleil est le meilleur désinfectant et l’on verrait de façon claire où vont les fonds publics, mais avec un projet sans transparence comportant des dépassements de coûts énormes comme le nucléaire, on est en droit de se demander de quelle manigance il s’agit?
Honni soit qui manigance. Dans quelle drôle de galère M. Sabia entraîne-t-il HQ?

Demandons à Elon Musk / Tesla qui a réussi en 2016, à relever le défi de créer la plus grande batterie Lithium-ion au monde pour accumuler l’énergie éolienne en 100 jours à Hornsdale Australie, sinon Tesla aurait assumé les frais;

https://www.tesla.com/cs_cz/videos/powerpack-hornsdale#:~:text=In%20response%2C%20together%20with%20the,system%20security%20to%20South%20Australians.

Depuis, il y en a des plus grosses et les centrales MegapacksTesla et autres compagnies se multiplient partout en plus des microréseaux décentralisés par des VPP (virtual power plant) plus le V2G (vehicle to grid) .

Regardez, un des derniers projets Tesla énergie: 2 Tesla virtual power plants cleared to provide energy to Texas electric grid https://www.utilitydive.com/news/tesla-virtual-power-plants-vpp-ercot-puc-texas-grid/691713/#:~:text=Two%20virtual%20power%20plants%20comprised%20of%20residential%20Tesla%20Powerwall%20batteries,Commission%20of%20Texas%20announced%20Wednesday.

HQ a certainement l’expertise pour faire de même, mais si HQ ne prend pas l’initiative de devenir fournisseur de solutions d’avenir, quelqu’un d’autre prendra la place et HQ rétrécira et cette expertise se pulvérisera.

Mais si ça ne nous dérange pas de traiter l’atmosphère et l’eau potable comme un égout à ciel ouvert, ni de pourrir l’air des pitchounettes avec les tuyaux d’échappement des VUS et que les changements climatiques ne seront un problème que pour les générations futures alors il est trop tôt pour s’en inquiéter, continuons à polluer sans entraves, hey c’est gratuit et en plus notre gouvernement subventionne les pollueurs à coup de milliards pour entretenir nos fonds de pension, quel plaisir exquis.
Si l’on ne voit pas dans le rétroviseur les déchets nucléaires laissés derrière, qu’est-ce qui pourrait bien mal tourner?

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