
Avoir son chez-soi, Janie Gagnon, de Longueuil, en avait envie depuis des années. L’an dernier, cette célibataire de 29 ans est passée à l’action, bien décidée à trouver la maison de ses rêves. Mais après des mois de recherche, elle a laissé tomber. « C’était bien au-dessus de mes moyens », dit cette spécialiste en marketing, résignée à l’idée de rester locataire, du moins pour le moment.
En conservant l’appartement qu’elle loue, Janie Gagnon a peut-être fait une meilleure affaire qu’elle ne le pense !
Bien sûr, l’achat d’une propriété est un investissement, tandis que la location est considérée comme une dépense. Avec le temps, la propriété prend de la valeur. Sauf que l’argument n’est peut-être pas aussi valable qu’il en a l’air. La somme épargnée en louant peut être investie ailleurs, en Bourse par exemple. C’est ce que les économistes appellent le « coût d’opportunité ».
Prenons une maison de 300 000 dollars, achetée avec la mise de fonds minimale, soit 5 % du prix de vente, et grâce à un emprunt hypothécaire à un taux d’intérêt de 5 % amorti sur 15 ans. En incluant les différentes taxes, assurances et frais d’entretien (8 000 dollars par an), on se retrouve avec une mensualité de 2 975 dollars. Après 15 ans, la maison, dont la valeur a augmenté annuellement de 2,5 % en moyenne, vaut 434 489 dollars.
Supposons qu’on loue une maison semblable pour 1 200 dollars par mois. Si on investit la différence, soit 1 775 dollars, dans un placement à rendement moyen de 5 % sur 15 ans, on obtient 476 415 dollars.
Ces résultats ébranlent quelque peu la croyance populaire qui veut qu’on fasse une meilleure affaire en achetant – croyance alimentée, souligne Charles Tanguay, de l’Union des consommateurs, par ceux à qui elle profite : les institutions financières, les courtiers hypothécaires, les agents immobiliers…
L’avantage de la propriété réside dans le fait qu’elle force à l’épargne, dit Marie-Hélène Legault, professeure d’économie à l’UQAM et chargée du cours « Accès à la propriété », donné deux fois par an à l’ACEF de l’Est de Montréal. Tous les mois, en effet, une partie du versement hypothécaire sert à rembourser la dette, sans que l’on s’en rende véritablement compte. « Lorsqu’on est locataire, dit Marie-Hélène Legault, on doit se discipliner pour mettre de l’argent de côté. »
Il faut par ailleurs tenir compte de ce que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) appelle « l’abordabilité ».
La SCHL a évalué le nombre d’heures qu’une personne rémunérée au salaire moyen (23,69 $) a dû travailler chaque mois en 2008 pour payer le loyer d’un appartement de deux chambres en y consacrant 30 % de son revenu brut. Ainsi que le nombre d’heures travaillées pour payer l’emprunt hypothécaire contracté afin d’acheter une maison de prix moyen (303 594 $). Il fallait travailler en moyenne 113 heures par mois pour louer et 240 heures pour acheter.
Il faut néanmoins lire ces résultats avec précaution. En général, la différence de coûts entre location et achat est moins importante dans les petits centres urbains que dans les grandes villes. Par exemple, à Thunder Bay, il faut travailler un nombre d’heures quasi identique pour couvrir les frais de location (101 heures) ou pour être proprio (105). À Vancouver, il faut travailler 155 heures par mois pour louer un appartement et… 460 heures pour être propriétaire !
À Montréal, on boulonne 96 heures par mois pour être locataire et 212 heures pour être propriétaire. Soit, dans ce dernier cas, 26,5 journées de huit heures au salaire moyen. Puisqu’un mois ne compte que 21 jours de travail, une personne vivant seule ne pouvait se payer le luxe d’être propriétaire en 2008.
C’est d’ailleurs ce que s’est dit Janie Gagnon. Pour qu’elle puisse devenir propriétaire, il faudra qu’elle obtienne une augmentation de salaire. « Ou que je me trouve un mari ! » dit-elle, amusée.
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